Vie de Saint Antoine

IL COMMANDE AUX BÊTES SAUVAGES ET ELLES LUI OBÉISSENT

Dans le commencement, les bêtes sauvages du désert, attirées par la fontaine, causaient souvent du dégât dans ses semailles et dans sa culture. Antoine prit un jour un de ces animaux et s’adressant en son nom à tous les autres, il leur dit agréablement : Pourquoi me faites-vous du mal quand je ne vous en fais pas ? Allez-vous-en et, au nom du Seigneur, n’approchez plus d’ici. Depuis ce moment, les animaux du désert, comme effrayés par cette défense, n’approchèrent plus de ce lieu. Il vivait seul sur cette montagne, consacrant son temps à la prière et aux exercices de piété. Les frères qui prenaient soin de lui le prièrent de souffrir qu’ils vinssent de mois en mois lui apporter des olives, des légumes et de l’huile, car il était vieux. Tout le temps qu’il demeura là, combien de combats, d’après ce que nous savons de ceux qui l’ont visité, n’eut-il pas à soutenir, comme il est dit dans l’Écriture : « Nous avons à combattre non contre des hommes de chair et de sang, mais contre les démons nos ennemis. » On entendait du bruit, des voix et comme le retentissement d’armes ; pendant la nuit, on apercevait la montagne remplie d’animaux sauvages et on le voyait combattre comme s’il avait affaire à des êtres visibles, et prier contre eux le Seigneur. C’est vraiment une chose étonnante qu’un homme seul dans un tel désert ne redouta ni l’approche des démons, ni ne fut effrayé de la férocité de ces animaux à quatre pieds, ni de ces reptiles qui habitent ces lieux. Il est dit dans l’Écriture : « Celui qui se confie dans le Seigneur sera comme la montagne de Sion, il ne sera point ébranlé et subsistera à jamais. (Ps. CXXIV, 1.) » Voilà pourquoi les démons et les bêtes farouches prenaient aussitôt la fuite, comme il est écrit : « Les animaux sauvages s’adouciront en sa présence. (Job, V, 23.) »

Le démon mettait donc tous ses soins à observer Antoine et grinçait des dents, comme dit le Psalmiste (XXXIV, 16) ; mais Antoine était consolé par le Seigneur et demeura sans atteinte de ses fourberies et de ses ruses variées. Tandis qu’il veillait pendant la nuit, le démon envoya contre lui des bêtes sauvages, et presque toutes les hyènes qui habitaient ce désert sortirent de leurs tanières et l’entourèrent, chacune la gueule béante, le menaçant de le mordre ; mais Antoine, au milieu d’elles, reconnaissant la ruse du démon, leur dit à toutes : Si vous avez reçu quelque puissance sur moi, me voilà prêt, dévorez-moi ; mais si vous êtes soumises aux démons, retirez-vous sans différer, car je suis le serviteur du Christ. À ces paroles, les hyènes s’enfuirent comme chassées par le fouet de cette parole. Quelques jours après, comme il travaillait (car il ne restait jamais sans rien faire), quelqu’un se présenta à la porte traînant une corde de jonc pour son travail. Antoine tressait alors des corbeilles qu’il donnait en échange de ce qu’on lui apportait ; il se leva et vit une bête ressemblant à un homme jusqu’aux cuisses, mais dont les jambes et les pieds étaient semblables à ceux d’un âne. Antoine fit seulement le signe de la croix et lui dit : Je suis le serviteur du Christ ; si tu as été envoyé contre moi, me voilà. L’animal prit aussitôt la fuite avec tant de vitesse, ainsi que les démons qui l’accompagnaient, qu’il tomba et mourut comme subitement.

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