Vous serez mes témoins
Alors que je traversais le quartier de Paris où « fleurit », hélas ! la prostitution, j’aperçus une jeune et belle femme s’adonner à cette triste besogne. Le cœur serré, je dis à mon Dieu : « Seigneur, donne-moi l’occasion de parler de toi à l’une ou l’autre d’entre elles ». La réponse ne devait pas tarder. En effet, quelques heures plus tard, retournant à mon véhicule garé dans une rue voisine, j’eus la grande surprise de voir l’une de ces « filles » qui attendait le client, assise sur le capot de ma voiture. Je dis bien : « Ma » voiture, alors qu’on comptait certainement plus d’un million de véhicules en stationnement dans les rues de la capitale ! Le choix de mon auto tenait donc du miracle.
Sans manifester la moindre humeur, je m’approchai pour introduire la clé dans la serrure, lorsque, surprise et gênée, la femme sauta brusquement sur le trottoir en s’excusant. Elle tenta ensuite de m’entraîner. Je me gardai d’entamer la conversation comme je croyais devoir le faire autrefois, c’est-à-dire en dénonçant avec vigueur son péché, dans le genre : « Vous n’avez pas honte d’accomplir ce travail ? » La belle m’aurait lâché sans attendre le reste…
Au contraire ! Sans formuler de reproche mais en lui souriant, je lui demanda :
— Etes-vous réellement heureuse dans ce boulot ?
— Ah, faut bien gagner sa vie.
— C’est vrai.
Je n’insistai pas sur ce point mais, en la regardant, je m’exclamai :
— Ah, Mademoiselle ! J’ai une histoire merveilleuse à vous raconter et de plus, elle vous concerne. Vous voulez que je vous la raconte ?
Elle parut acquiescer, plutôt étonnée. Alors je lui annonçai la bonne nouvelle de Jésus, lui faisant le récit — je dis bien : le récit — de son passage sur la terre, depuis sa venue dans notre monde jusqu’à son prochain retour. Elle m’écouta jusqu’au bout, sans broncher, puis me dit un peu émue :
— Vous savez, hier, je suis allée brûler un cierge dans l’église voisine…
C’était donc une âme inquiète, sans doute consciente de son péché et que le récit d’un Sauveur offrant sa vie pour elle, avait touchée ou rappelée à l’ordre.
Je ne sais ce qu’il est advenu de cette personne. Une chose est sûre, c’est que je ne l’ai plus revue alors qu’elle tenait le coin de la rue tous les jours. Peut-être aurai-je la joie de la retrouver dans le ciel, auprès du Seigneur.
La plupart des chrétiens qui souhaitent témoigner de leur foi, ne savent trop que dire à leurs interlocuteurs. Faut-il les entretenir du péché, de la détresse des hommes ? Ou leur parler de Dieu, de Jésus-Christ ? Les évangélistes eux-mêmes hésitent parfois lorsqu’ils doivent prêcher dans la rue ou devant des auditoires de cultures différentes…
En 1968, à l’occasion d’une retraite, il me fut demandé de préciser quel devait être le contenu d’un message d’évangélisation ou quelles vérités il importait de mentionner au cours d’une conversation avec une personne qu’on souhaitait conduire à Jésus. D’emblée, je pensai qu’il me suffisait d’ouvrir un livre de doctrine et d’en relever les points essentiels pour répondre à l’attente de mes auditeurs. Puis, perplexe et sans doute poussé par Dieu, j’eus l’idée de relire le livre des Actes (1) comme un enfant qui ne sait rien et veut être instruit sur la façon d’annoncer la Bonne Nouvelle. Les découvertes que je fis m’humilièrent et me réjouirent à la fois. En tout cas, et à ma grande surprise, je compris que j’avais bien mal prêché l’Evangile jusque-là, alors que depuis 25 ans, j’allais d’église en église pour inviter des pécheurs à rencontrer le Christ.
(1) Le livre des Actes contient une vingtaine de messages d’inégales longueurs.
Le livre des Actes m’apprit d’abord que le message à apporter aux inconvertis est toujours le même, qu’il s’agisse des enfants ou des adultes (26.22), des Juifs ou des païens (26.20 ; 20.20, 21), qu’il soit délivré dans les rues ou dans les maisons (20.20), qu’il s’adresse à ceux qui ignorent le Christ ou en ont une certaine connaissance (2.22 ; 28.31). Naturellement, les exposés peuvent varier dans leur forme (les apôtres se font juifs avec les Juifs, grecs avec les Grecs, petits avec les petits), mais leur contenu ne varie pas.
Une lecture attentive du livre des Actes m’amena à faire une série de découvertes dont voici les plus importantes :
Point un : le péché. Contrairement à ce que j’ai cru longtemps, les apôtres ne commençaient pas leur exposé en dénonçant le péché de leurs auditeurs et en insistant sur la condamnation qui en découlait. On comprend pourquoi.
Alors que nous habitions à Paris même, un mendiant sonna à notre porte. Je le priai d’entrer et lorsqu’il passa devant moi, je sentis qu’il avait bu. Je l’introduisis dans mon bureau et commençai à le chapitrer d’importance en lui disant, entre autre : « Vous ne sortirez pas de votre misère, vous resterez dans le malheur si vous continuez à boire… » Que fit alors mon bonhomme ? Il se leva brusquement et se dirigea vers la sortie. Et c’est en le voyant descendre l’escalier que je fus repris. J’avais l’impression que Dieu me disait : « Comment, c’est tout ce que tu avais à lui dire… ? » Si j’avais sermonné la prostituée comme j’avais morigéné le clochard, elle aussi aurait filé sans attendre un instant de plus. Lorsque nous abordons les personnes que nous voudrions gagner au Seigneur, gardons-nous de les humilier en leur disant, du haut de notre sainteté : « Vous êtes des pécheurs, vous vous dressez contre Dieu. Vous devez vous courber devant lui… » Que sais-je encore ? Imitons les apôtres qui avaient autre chose à dire. Etablir le contact avec nos interlocuteurs et obtenir leur confiance est essentiel si nous voulons être écoutés.
Prêcher une Personne. Fait essentiel, les apôtres prêchaient le Sauveur plus que le salut. Ils annonçaient « la Bonne Nouvelle de Jésus » (5.42 ; 8.5, 35 ; 11.20) plutôt que la bonne nouvelle du salut (2). Ils présentaient une Personne, la personne du Fils de Dieu, sans infliger à leurs auditeurs un cours de doctrine. Voyez Philippe : Il descendit en Samarie et il précha le Christ (Actes 8.5). Attristé sans doute de n’avoir pu parler de Jésus à l’aréopage, Paul se rendant à Corinthe, prit une ferme résolution : Je n’ai pas eu la pensée de savoir parmi vous autre chose que Jésus-Christ et Jésus-Christ crucifié (1 Corinthiens 2.2).
(2) Jésus dit à Zachée qui vient de l’accueillir dans sa demeure : le salut est entré aujourd’hui dans ta maison (Luc 19.9). Autrement dit : recevoir Jésus, c’est recevoir le salut. Le salut est donc une personne, à savoir le Fils de Dieu. Prêcher Jésus, c’est prêcher le Sauveur, le salut.
Pourquoi est-il essentiel de prêcher une personne plutôt qu’une doctrine ? Parce que les pécheurs sont appelés à plaider coupable et à capituler devant le Fils de Dieu ; ils ne sont nullement invités à adhérer à une doctrine, acte purement intellectuel qui les dispenserait de la repentance. Et puis, une doctrine, ça se discute. On en prend et on en laisse, on la confronte avec la sienne… tandis qu’il faut choisir : ou bien accueillir le Christ Sauveur, ou bien lui tourner le dos en refusant son autorité. Tout est là. Je reconnais avoir trop longtemps prêché de la doctrine, ou plus exactement brossé le plan du salut en m’appuyant sur l’épître aux Romains. J’oubliais que cette belle épître, destinée surtout à des chrétiens, est précédée de quatre évangiles qui nous relatent la vie de Jésus. S’il n’est pas inutile de citer quelques éléments de doctrine, il est cependant nécessaire et capital d’évoquer en premier lieu la Personne et l’œuvre du Fils de Dieu, à l’instar de l’apôtre qui s’efforçait d’enseigner ce qui concerne le Christ Jésus » (28.31).
Une histoire à raconter. Devant des Juifs (chap. 2) ou devant des non-Juifs (chap. 10) l’apôtre fait ce que nous oublions généralement de faire, c’est-à-dire présenter Jésus, dire qui Il est, raconter sa vie, et rappeler ses œuvres d’amour. L’apôtre Pierre s’adressant pour la première fois à des païens, rappelle tout simplement une série de faits. Son exposé est un récit… il allait de lieu en lieu faisant du bien… ils l’ont tué en le pendant au bois… Dieu l’a ressuscité le troisième jour… (10.34-46), etc… Placés devant des gens qui avaient côtoyé le Sauveur ou qui l’ignoraient totalement, les apôtres ne se croyaient jamais dispensés de raconter sa vie, de préciser « QUI il est » ainsi que son « œuvre rédemptrice » accomplie pour nous. Même dans nos pays dits christianisés, ils sont innombrables les gens qui, parmi nous (les immigrés, par exemple), n’ont jamais entendu parler du Fils de Dieu et sont totalement ignares à son sujet ! Et que de gens vaguement religieux ont des notions erronées sur sa personne et sur son œuvre.
Ici, je vous suggère d’examiner le contenu de plusieurs tracts d’évangélisation. Vous noterez que certains de ces imprimés, quoique fort bien faits, évoquent longuement les problèmes ou les souffrances de l’homme ou autres banalités ressassées dans les journaux… pour se terminer par quelques lignes d’appel au salut où paraît, enfin, noyé dans le texte, le nom de Jésus, presque toujours présenté comme s’il était connu du lecteur. Qu’il est dommage de ne pas mentionner clairement « QUI est ce Jésus » et ce « qu’il a fait » ! Vous conviendrez avec moi que, pour se soumettre à ce merveilleux Sauveur, il importe d’abord de le connaître, ce qui suppose qu’on a pris la peine de le présenter… une précaution qui me paraît élémentaire.
Devant la Croix. Il semble que ce soit au moment même où la mort de Jésus sur la croix est évoquée avec force que les apôtres jugent bon de s’adresser directement à leurs auditeurs comme pour dénoncer leur péché : Vous l’avez crucifié, vous l’avez fait mourir par la main des impies (2.23) ; vous avez renié le Saint et le Juste… vous avez fait mourir le Prince de la vie (3.14, 15). Pierre s’adressant au sanhédrin déclare : C’est par le nom de Jésus-Christ de Nazareth que vous avez crucifié… (4.10) ; de même, Etienne alerte les membres du Sanhédrin en s’écriant : Ce juste. que vous avez livré et dont vous avez été les meurtriers (7.52-53). Devant des païens, pourtant attentifs et bien disposés, Pierre ne craint pas d’ajouter, sitôt après la mention de la mort et de la résurrection du Fils de Dieu : Jésus nous a ordonné de prêcher au peuple et d’attester que c’est Lui qui a été établi par Dieu juge des vivants et des morts (10.42). Tout homme doit savoir et accepter qu’il est, pour sa part, responsable de la mort de Celui qui a subi le châtiment à sa place.
Quoi qu’il en soit, c’est l’exposé de l’apôtre Pierre le jour de la Pentecôte qui bouleverse la foule, au point que la plupart des Juifs présents : eurent le cœur vivement touché. Et ils dirent à Pierre et aux apôtres : « Hommes frères, que ferons-nous » (2.37). Placés devant l’homme de souffrance qui subit la mort, la multitude, ébranlée dans sa conscience, cherche la paix du cœur. Et c’est à des personnes « déjà » touchées par cette Bonne Nouvelle, — notez-le, — qu’est lancé le vibrant appel à la repentance et à la foi (2.37-38). Certes, les choses ne se passent pas toujours ainsi, mais il est intéressant de considérer l’enchaînement des faits pour s’en inspirer à l’occasion.
Il me fut demandé de rendre visite à une personne qui, disait-elle, avait connu autrefois une chrétienne dont elle ne pouvait oublier le visage rayonnant, bien qu’elle ne lui eut jamais adressé la parole. Je lui fis le récit de la vie et de l’œuvre de Jésus, en toute simplicité, insistant sur sa mort et sa résurrection. Son mari, un intellectuel plutôt hostile et sûr de lui, m’empêcha, par ses interventions encombrantes, d’avoir un entretien sérieux avec son épouse. Je la quittai donc avec un certain regret. Pourtant, le lendemain matin, alors que j’étais déjà dans le train, cette dame téléphona à l’ami qui m’avait suggéré de la visiter. Profondément convaincue du péché, elle réclamait d’urgence la présence d’un évangéliste pour lui confesser une faute précise et faire la paix avec son Dieu. Ce qui fut fait.
Vérités essentielles. En proclamant la Bonne Nouvelle, les apôtres ne manquaient jamais de faire une large place à la mort et à la résurrection du Fils de Dieu. Beaucoup de croyants s’imaginent avoir rendu témoignage à leur Maître parce qu’ils ont vaguement parlé de Dieu, d’un Dieu qui est au-dessus de nous, qui nous aime et veut notre bien… Non ! C’est de Jésus que nous devons entretenir nos semblables, de Jésus mort et ressuscité, le seul nom qui ait été donné parmi les hommes par lequel nous devions être sauvés (Actes 4.12).
Il est à remarquer qu’on n’’use pas du « patois de Canaan » lorsqu’on raconte des faits ; ceux qui s’évertuent à servir de la doctrine courent le risque d’employer un vocabulaire ou des formules qui surprennent sans éclairer vraiment les personnes non « initiées ». Qu’on me pardonne cette insistance : Avant tout, parlons de Jésus, parlons-en avec passion, émerveillement même, présentons-le comme Celui qui a changé notre vie et fait de chacun de nous un enfant de Dieu en route pour le ciel. Surtout pas de sermon mais de la joie, en disant à quiconque accepte de nous écouter : « Ah ! J’ai une histoire merveilleuse à vous raconter. Permettez que je vous en parle car elle vous concerne. Il s’agit de quelqu’un qui a bouleversé ma vie. » On ne vous refusera pas d’emblée de vous entendre. Sans doute, serez-vous amené à parler de vos expériences ou à énoncer quelques vérités doctrinales en vous référant à la Bible ; mais ces vérités seront d’autant mieux acceptées que votre interlocuteur discernera votre intention qui est, non de le gagner à vos idées, mais de le conduire à Jésus. Ne donnons jamais l’impression à notre prochain que nous voulons faire triompher notre doctrine et chercher à la lui imposer, qu’il comprenne plutôt que notre souci est seulement d’exalter et de faire connaître Celui qui nous a tant aimés…
Rédigeant un journal d’enfant destiné à l’Afrique (il contenait deux histoires du Dr White en bande dessinée) j’éprouvai le désir d’y introduire au dernier moment un bref récit de la vie de Jésus. A ma grande surprise, et peu après avoir confié les manuscrits à l’imprimeur, je reçus une lettre qui commençait ainsi : « Sans doute suis-je l’une des premières à avoir pris connaissance de votre texte car je travaille à l’imprimerie. Mon rôle est de corriger les fautes d’orthographe. Votre petite histoire m’a plu et a retenu mon attention… » Donc, ce n’étaient, ni les Bandes Dessinées, ni les jeux, ni les deux ou trois récits captivants qui l’avaient accrochée mais « la petite histoire » de Jésus.
La mission du Fils de Dieu en venant sur notre terre était d’apporter le salut dans ce monde perdu. Mais comment nos contemporains pourraient-ils le recevoir et accepter sa seigneurie si vous et moi n’allons pas le leur annoncer. Notre mission est de le faire connaître. Vous serez mes témoins. Telles sont les dernières paroles de Jésus à ses disciples. Et puisque les dernières volontés d’une personne sont considérées comme sacrées, retenons d’autant plus cette ultime invitation du Maître, cet ordre suprême qu’il adresse à vous et à moi et qui devrait rester gravé dans notre cœur afin d’y répondre avec joie. « Tout s’efface devant une âme à sauver » déclarait François Coillard. Comme le vaillant missionnaire, offrons-nous au Seigneur pour être des instruments de salut pour nos semblables. Il n’y a pas de plus grande satisfaction que d’avoir pu rendre témoignage à une personne, comme il n’y a pas de plus grande joie que d’avoir été le moyen de la conversion d’un ami, d’un voisin ou d’un collègue de travail.
Que Dieu nous saisisse et permette que, dans nos conversations comme dans nos prédications, nous ayons le souci d’annoncer autour de nous tout ce qui concerne Jésus (28.31). Pour le salut des pécheurs et la gloire de Dieu.
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