« Quiconque voudra être grand parmi vous, qu'il soit votre serviteur, et quiconque voudra être le premier entre vous, qu'il soit votre esclave; comme le Fils de l'homme est venu, non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour plusieurs. » Matt. 20.27-28.
« Nous avons connu la charité en ce qu'il a donné sa Vie pour nous ; nous aussi nous devons donner notre vie pour nos frères. » 1 Jean 3.16.
Quand on cherche à devenir conforme à Christ en sa mort, à porter la croix et à être crucifié avec lui, voici le danger qui menace tout croyant, même le plus sérieux, c'est de ne désirer ces bénédictions que pour son propre compte, se figurant qu'il suffit pour la gloire de Dieu de devenir plus parfait soi-même. Cette erreur serait fatale, elle empêcherait le croyant d'obtenir cette conformité à la mort de Christ qu'il désire, car il négligerait ainsi l'élément essentiel de cette mort en Christ et du sacrifice qu'elle entraîne, c'est-à-dire l'absence de tout égoïsme et le dévouement aux autres. Devenir conforme à Christ en sa mort implique la mort du moi, l'acte de se perdre de vue soi-même pour se sacrifier aux autres et donner sa vie pour eux. Quant à savoir jusqu'où nous devons aller dans cette voie d'amour, de service et de désir de sauver des âmes, l'Ecriture n'hésite pas à nous donner cette réponse qui ne laisse aucun doute : Nous devons aller aussi loin que Jésus, même jusqu'à donner notre vie. Nous devons si bien considérer ceci comme étant le but pour lequel nous avons été rachetés et pour lequel nous sommes laissés dans ce monde, le seul but pour lequel nous devions vivre, que donner notre vie doit nous paraître une condition toute naturelle et qui va de soi. La seule chose digne de nous retenir dans ce monde doit être, comme pour Christ, la gloire de Dieu et le salut des pécheurs. L'Ecriture n'hésite pas à nous dire que c'est dans la voie de la souffrance que nous devons suivre Christ, cette voie qu'il a suivie lui-même pour accomplir l'expiation et la rédemption ([6]).
C'est d'ailleurs ce qu'enseignent clairement les paroles mêmes du Maître : « Quiconque voudra être le premier parmi vous, qu'il soit votre esclave, comme le Fils de l'homme est venu, non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour plusieurs ». Le plus haut placé dans la gloire sera celui qui se sera le plus abaissé à servir, qui aura le plus ressemblé au Maître, donnant sa vie en rançon pour plusieurs. Quelques jours après, le Seigneur ajoute encore en parlant de sa mort : « L'heure est venue où le Fils de l'homme doit être glorifié. En vérité, en vérité, je vous le dis : Si le grain de froment ne meurt après qu'on Fa jeté dans la terre, il demeure seul, mais s'il meurt il porte beaucoup de fruit ». Et tout de suite il applique à ses disciples ces derniers mots, en leur répétant ce qu'ils lui avaient déjà entendu dire : « Celui qui aime sa vie la perdra, et celui qui hait sa vie en ce monde, la conservera pour la vie éternelle ». (Jean 12.23-27). Le grain de blé mourant pour sortir de terre de nouveau, perdant sa vie pour la retrouver au centuple, nous est clairement donné ici comme emblème, non seulement du Maître, mais aussi de chacun de ses disciples. Aimer la vie, refuser de mourir, signifie rester dans son égoïsme, tandis que perdre la vie pour porter beaucoup de fruit en se dévouant aux autres, est le seul moyen de la conserver pour soi-même. Pour sauver notre vie, il n'y a pas d'autre moyen que de faire comme Jésus, de la donner pour sauver les autres, et alors intervient le Père, alors « le Père l'honorera ». La mort de Christ est de donner sa vie à Dieu pour le salut des autres. Sans cela tout désir de devenir conforme à Christ en sa mort court le risque de n'être qu'un raffinement d'égoïsme. Quel exemple nous donne l'apôtre Paul de cette vie-là, et quel enseignement pour nous dans ces paroles que lui inspire le Saint-Esprit : « Nous portons toujours en notre corps la mort du Seigneur Jésus, afin que la vie de Jésus soit aussi manifestée dans notre corps. Car, nous qui vivons, nous sommes sans cesse livrés à la mort à cause de Jésus, afin que la vie de Jésus soit aussi manifestée dans notre chair mortelle, de sorte que la mort agit en nous, et la vie en vous ». Car bien qu'il ait été crucifié dans la faiblesse, toutefois il est vivant par la puissance de Dieu; et nous, nous sommes aussi faibles avec lui ; mais nous vivrons avec lui par la puissance de Dieu au milieu de vous » 2 Cor. 4.10-12 ; 13.40. « Je me réjouis maintenant dans mes souffrances pour vous, et j'achève de souffrir en ma chair le reste des afflictions de Christ pour son corps qui est l'Eglise » (Col. 1.24). Ces passages nous enseignent que les souffrances subies par Christ en son corps, lorsqu'il nous représentait sur la croix, caractérisent en quelque mesure les souffrances de « son corps qui est l'Eglise ». Les croyants qui se dévouent à porter devant le Seigneur le poids des péchés des hommes, qui endurent reproches, opprobres, fatigue et douleur pour chercher à sauver des âmes, « achèvent de souffrir en leur chair le reste des afflictions de Christ ». La puissance qui résulte de ses souffrances et de sa mort se communique à eux, tandis que la puissance de la vie de Christ passe par eux en ceux qui sont l'objet de leur travail et de leur amour. C'est là ce que nous dit Paul dans Phil. 3.10. En parlant de « cette communion des souffrances et de cette conformité en sa mort », il avait en vue, non seulement le sens spirituel, mais aussi la participation extérieure et corporelle aux souffrances de Christ.
Il doit en quelque mesure en être de même pour chacun de nous. Le sacrifice de nous-même, non seulement pour notre sanctification, mais aussi pour le salut de nos semblables, est ce qui nous rend conforme au Christ qui s'est donné pour nous.
L'application pratique de cette pensée est très simple. Cherchons à comprendre ce que le Saint-Esprit nous enseigne ici. L'essentiel pour ressembler à Christ est de lui être semblable dans sa mort, de même l'essentiel pour lui être semblable dans sa mort est de donner notre vie pour gagner des âmes à Dieu. C'est une mort dans laquelle toute pensée de se sauver soi-même se perd dans le désir de sauver les autres. Demandons que la lumière du Saint-Esprit nous le fasse bien saisir, nous amenant à sentir que nous sommes dans ce monde, comme Christ y était, pour renoncer à tout égoïsme, pour aimer, pour servir, pour vivre et mourir « comme le Fils de l'homme, qui est venu, non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour plusieurs ». Oh ! veuille notre Dieu faire comprendre à ses enfants qu'ils ne s'appartiennent pas à eux-mêmes, mais qu'ils se doivent à Dieu et à leurs Semblables, et que, comme Christ, ils ne doivent vivre ici-bas que pour être en bénédiction au monde.
Puis, croyons à la grâce qui est prête à réaliser en nous cette vérité. Croyons que Dieu accepte le sacrifice de toute notre vie pour nous faire vivre à sa gloire et nous employer à sauver les autres. Croyons que le Saint-Esprit accomplira en nous cette conformité à la mort de Christ sur ce point-là qui en est le principe vital. Croyons avant tout en Jésus : c'est lui, oui, lui-même, qui viendra initier à la pleine communion de sa mort toute âme qui s'abandonne entièrement à lui, et qui lui fera porter beaucoup de fruit. Cherchons donc par la foi à devenir semblables à Jésus, attendant cette grâce de son action directe en nous.
Puis, sans retard, mettons-nous à l'œuvre avec foi, nous tenant pour consacrés, comme Christ, à vivre et à mourir pour Dieu et pour nos semblables. Avec un nouveau zèle, exerçons le ministère d'amour qui cherche à gagner des âmes. Attendons-nous à Christ pour réaliser en nous sa ressemblance, confions-nous au Saint-Esprit pour nous approprier toujours plus l'Esprit de Christ et commençons tout de suite avec foi à vivre comme les disciples de celui dont la vie et la mort ont été en bénédiction aux autres. Que notre amour ouvre la voie dans l'œuvre à faire, nous remplissant de bonté, de douceur, d'obligeance pour tous ceux que nous rencontrons dans la vie de chaque jour. Intercédons auprès de Dieu pour nos semblables, lui demandant aussi de se servir de nous pour répondre à nos prières d'intercession. Parlons et travaillons pour Jésus comme ayant reçu d'En haut une mission et une force qui nous donnent la certitude d'être bénis dans notre travail. Que notre but soit de gagner des âmes. Joignons-nous aux bandes de moissonneurs que le Seigneur envoie dans sa moisson ; et nous éprouverons plus tôt que nous ne le pensons que donner sa vie pour en amener d'autres à Dieu, est le meilleur moyen de mourir à soi-même et de devenir ce qu'était le Fils de l'homme, le serviteur et le Sauveur de ceux qui étaient perdus.
Oh ! que de merveilles, que de bénédictions résultent pour nous du devoir et de la possibilité d'être semblables à Christ ! « Il s'est donné lui-même pour nous » (Tit. 2.14) ; il n'a pu atteindre les pécheurs qu'en s'offrant en sacrifice à Dieu pour eux. Le grain de froment a dû mourir pour que la vie en sortît : alors la bénédiction divine s'est répandue avec force et puissance. Et moi, je puis bien aussi chercher à aimer et à servir mes semblables, mais je n'aurai d'influence bénie sur eux qu'en me livrant entièrement à Dieu, qu'en remettant ma vie entre ses mains pour eux. C'est en m'offrant en oblation sur l'autel, que je serai en bénédiction aux autres par l'esprit et la puissance de Jésus. C'est quand j'aurai remis mon esprit entre ses mains, qu'il pourra m'employer et me bénir.
Seigneur, mon Dieu ! me demandes-tu vraiment de me donner à toi, de te donner ma vie tout entière et jusqu'à la mort pour mes semblables ? Si j'ai bien compris les paroles du Maître, tu ne demandes en effet pas moins de moi.
O mon Dieu ! Veux-tu réellement me prendre à ton service ? Veux-tu me permettre, en Christ, comme lui, comme membre de son corps, de vivre et de mourir pour ceux qui m'entourent, de me placer, je le dis avec le plus profond respect, à côté de Christ sur l'autel de sa mort, crucifié avec lui, en vivant sacrifice à toi pour les hommes : Seigneur, je te bénis de cette grâce divine. Me voici, Seigneur, mon Dieu. Je m'offre à toi. Que ton Saint-Esprit rende cet acte sûr et définitif. Seigneur ! me voici, consacré à toi, ne voulant plus vivre que pour ceux que tu cherches à sauver.
Seigneur Jésus, viens toi-même m'apporter le souffle de ton esprit et de ton amour. Prends possession de moi, de mes pensées, de mon cœur, de mes facultés, de ma vie tout entière. Grave ceci dans mon cœur : Je suis consacré à Dieu qui m'a accepté. Garde-moi chaque jour, Seigneur, dans l'attente et l'assurance que Dieu m'emploiera. Quand tu t'es livré toi-même, tu as aussitôt reçu puissance de vie, avec effusion nouvelle de bénédiction céleste. Il en sera de même pour les tiens. Gloire soit à ton nom. Amen.
[6] Comparez Mat. 20.28 avec Eph. 5.2, 20, 26 ; Phil. 2.5-8 ; 1 Pier. 2.21-23, et voyez que c'est tout particulièrement ici par rapport à son œuvre de rédemption que Christ nous est donné en exemple. Donner sa vie pour les autres, est le but de sa vie terrestre.