A l’origine de toutes les religions et dans leur histoire, les femmes ont leur place et leur rôle. Tantôt elles sont l’aliment et l’ornement des mythologies licencieuses. Tantôt, au contraire, elles sont, pour les héros religieux, l’objet d’un pieux effroi et d’une austère rigueur ; ils les considèrent comme des créatures pleines de mal et de péril ; ils les écartent de leur vie comme on écarte la tentation et l’impureté. Des aventures et des images voluptueuses ou d’ardents élans de contemplation et de macération ascétique, c’est à l’un ou à l’autre de ces extrêmes contraires que s’adonnent le plus souvent les religions dans leur âge de jeunesse et de vigueur. Quelquefois, et c’est pour les femmes la meilleure chance, elles apparaissent, dans les récits religieux, telles qu’elles sont en réalité dans la vie humaine, charmantes et charmées, séduisantes et séduites, adorées et asservies, vouées d’abord aux entraînements, puis aux mécomptes et des passions qu’elles inspirent et de leurs propres passions. Asiatiques ou européennes, grossières ou raffinées, toutes les religions, autres que la chrétienne, ont donné, au rôle des femmes dans leur histoire, l’un ou l’autre de ces caractères.
Ni l’un ni l’autre, ni rien d’analogue ne se rencontre dans les Évangiles et dans les rapports de Jésus-Christ avec les femmes. Elles s’empressent vers lui : leur cœur est ému, leur imagination est frappée de sa vie, de ses préceptes, de ses miracles, de son langage. Il leur inspire un respect tendre et une admiration confiante. La Chananéenne vient lui demander timidement la guérison de sa fille. La Samaritaine l’écoute avidement sans le connaître. Marie se tient assise à ses pieds, absorbée dans ses paroles, et Marthe se plaint franchement à lui de ce que sa sœur ne l’aide point et la laisse servir toute seule. La pécheresse s’approche de lui en pleurant, verse sur ses pieds un parfum rare et les essuie avec ses cheveux. La femme adultère, amenée en sa présence par ceux qui veulent la lapider selon la loi de Moïse, reste immobile devant lui quand ses accusateurs se sont éloignés, et attend en silence ce qu’il va lui dire. Jésus accueille les hommages et les prières de ces femmes avec la gravité douce et la sympathie désintéressée d’un être supérieur, étranger aux passions de la terre. Pur et inflexible interprète de la loi divine, il connaît et comprend la nature humaine, et la juge avec cette sévérité équitable à qui rien n’échappe, pas plus l’excuse que la faute. La foi, la sincérité, l’humilité, la douleur, le repentir le touchent sans l’abuser, et il exprime le blâme ou le pardon avec la même autorité sereine, certain que ses regards ont vu le fond des cœurs et que ses paroles y pénétreront. Il n’y a, dans ses rapports avec les femmes qui l’approchent, pas la moindre trace de l’homme, et nulle part le Dieu ne se manifeste avec plus de charme et de pureté.
Et quand il ne s’agit plus de rapports ni d’entretiens personnels, quand Jésus-Christ n’a plus devant lui des suppliantes ou des pécheresses qui implorent sa puissance ou sa clémence, quand c’est de la situation et de la destinée des femmes en général qu’il s’occupe, il affirme et défend leur droit et leur dignité avec une sympathie clairvoyante et sévère. Il sait que le bonheur humain, et aussi le sort moral des femmes, résident essentiellement dans le mariage : il fait, de la sainteté du mariage, une loi fondamentale de la religion et de la société chrétiennes ; il poursuit l’adultère jusque dans le fond des pensées et des cœurs ; il interdit le divorce : « N’avez-vous pas lu que celui qui créa l’homme, au commencement du monde, fit un homme et une femme, et qu’il est dit : C’est à cause de cela que l’homme quittera son père et sa mère et qu’il s’attachera à sa femme, et les deux ne seront qu’une seule chair ? Ainsi ils ne sont plus deux, mais ils sont une seule chair. Que l’homme ne sépare donc point ce que Dieu a uni. » Et quand les Pharisiens lui demandent : « Pourquoi donc Moïse a-t-il commandé de donner la lettre de divorce quand on veut répudier sa femme ? » Jésus leur répond : « C’est à cause de la dureté de votre cœur que Moïse vous a permis de répudier vos femmes ; mais il n’en était pas ainsi au commencement. Je vous dis, moi, que quiconque répudiera sa femme, si ce n’est pour cause d’adultère, et en épousera une autre, commet un adultère ; et celui qui épousera celle qui a été répudiée commet aussi un adultèrea. »
a – Matthieu 19.4-9 5.27-28 ; Marc 10.2-12 ; Romains 7.2-3 ; 1 Corinthiens 6.16-18 ; 7.1-11.
Éclatant témoignage de l’action progressive de Dieu sur le genre humain ! Jésus-Christ rend, à la loi divine sur le mariage, la pureté et l’autorité que Moïse n’avait pas imposées aux Hébreux « à cause de la dureté de leur cœur. »