Elle a une grande puissance, la prière d’un juste faite avec ferveur. Elie était un homme sujet aux mêmes infirmités que nous ; dans une instante prière, il demanda qu’il ne plût point et il ne plut pas sur la terre durant trois ans et six mois. Et il pria de nouveau, et le ciel donna de la pluie et la terre produisit son fruit.
Mes chers frères,
Le texte que nous venons de vous lire est I’avant-dernier mot de l’épître de Saint-Jacques dont il est en outre la vraie conclusion.
Le pieux pasteur de Jérusalem est préoccupé de l’avenir ; sur plusieurs points, la vie chrétienne dans l’Église n’est plus ce qu’elle a été primitivement, elle souffre de relâchement et de compromis. Pour réagir contre ce courant qui dérive, Jacques a concentré toutes ses craintes comme aussi tous ses avertissements dans cette lettre, toute de recommandations pratiques, qu’il adresse à ses frères d’Israël. — Mais au moment de conclure, l’auteur se sent pris d’une inquiétude nouvelle. Toutes ces directions de sagesse, toutes ces exhortations qu’il vient d’écrire et qui sortent du fond le plus intime et le plus ardent de son âme, que vont-elles devenir ? Parleront-elles au cœur des chrétiens, atteindront-elles leur but de réforme et de sanctification, ou resteront-elles comme simple lettre morte sous les yeux des lecteurs ? Hélas la pensée de l’homme reste souvent incomprise et sa parole n’est qu’un bien faible son ; il faut que, dans tout ce travail d’influence d’une âme sur d’autres âmes, une puissance spirituelle supérieure intervienne ; il faut qu’un souffle d’En-Haut vienne établir une communication vivante et mystérieuse entre l’auteur de l’épître et ses lecteurs, entre le pasteur et ses auditeurs ; il faut que l’Esprit d’En-Haut vienne éclairer, vivifier, rendre puissante la parole écrite pour qu’elle produise son effet. Et comment sera-t-elle évoquée cette puissance de Dieu, qui la fera descendre du ciel et intervenir dans les circonstances humaines ? La prière seule possède cette puissance et peut la faire agir !
Et Saint-Jacques, avant de conclure, s’est recueilli en lui-même ; il a prié, il a demandé que la grâce de Dieu accompagne sa lettre pastorale ; et il vient d’éprouver une fois de plus combien efficace est la prière de la foi ; il a reçu cette assurance que, par la force d’En-Haut, sa lettre atteindrait les consciences et toucherait les cœurs. Mais il ne veut pas entrer seul dans cette communion spirituelle qu’il vient d’obtenir, il veut y entraîner ses lecteurs ; il ne veut pas prier seul, les autres aussi doivent prier : Frères, priez ! Dans la souffrance ou dans la joie, dans la maladie ou dans les troubles de l’âme, priez ! Car la prière guérit, car la prière justifie, car la prière sauve. Priez ! car… Elle a une grande puissance, la prière d’un juste faite avec ferveur ! Elie n’a-t-il pas, en priant, accompli des choses extraordinaires ?
C’est d’une manière bien imposante, bien solennelle, que notre auteur affirme la puissance de la prière ; cette affirmation, il la tire non seulement de sa conscience chrétienne, non seulement de son expérience personnelle, mais encore de tout ce qu’il connaît de l’histoire de son peuple ; dans le passé, comme dans le présent, dans l’ancienne comme dans la nouvelle alliance, elle a eu et elle a une grande puissance, la prière. Par elle, l’homme peut beaucoup sur Dieu, et Dieu peut beaucoup sur l’homme. Par elle, l’homme obtient de Dieu une force, une vie nouvelle qui lui donnent momentanément une domination souveraine ; par elle, l’influence humaine bien limitée s’étend, s’augmente d’une manière considérable presque infinie ; alors même que les effets de la prière ne peuvent être constatés immédiatement, ils sont nombreux, abondants, incontestables ; certainement, la prière a une grande efficace !
Toutefois, bien que catégorique, l’affirmation de l’écrivain sacré est empreinte de la plus parfaite sagesse ; elle a une grande puissance la prière, mais elle n’est pas toute-puissante ; elle peut beaucoup, mais elle ne peut pas tout. Dieu a accordé à ce moyen humain une large, une immense influence, mais il ne permettra jamais que la prière devienne l’instrument du caprice ou de l’égoïsme de l’homme ; il ne permettra jamais que l’homme exige de Lui… non, car à lui seul demeure la Toute-Puissance. Il s’est réservé le droit absolu d’écouter la prière de l’homme et de l’exaucer ou de ne pas l’exaucer selon sa sainte et bonne volonté.
Cette réserve faite du droit de Dieu, nous revenons à la part de l’homme qui reste considérable et nous répétons : elle a une grande puissance, la prière, une puissance étonnante. — En effet, elle agit tout d’abord sur celui même qui prie ; elle relie entre eux et concentre et harmonise les facultés, les sentiments et les aspirations de l’âme ; elle décharge le cœur oppressé soit par la douleur, soit par la joie ; elle élève l’esprit au-dessus et en dehors des circonstances terrestres ; elle est comme l’ascenseur de l’âme. — Elle agit également sur le cœur de ceux qui en entendent l’expression plus ou moins émue ; ici, elle a une action d’appel, de réveil, de stimulant ; elle travaille comme par contagion ; elle touche, elle émeut, elle entraîne, c’est un moteur dont la force se communique par des engrenages et des courroies de transmission cachés. — Mais plus encore et surtout, après s’être élevée bien haut, elle pénètre d’une manière mystérieuse jusqu’au principe même de la vie du monde qui est le cœur de Dieu ; elle s’ingère jusqu’à l’origine des causes et des motifs des choses pour devenir elle-même une cause prédominante ; elle s’introduit dans la source cachée des forces et des lois naturelles pour devenir une force agissant d’une manière prépondérante et parfois contraire aux lois établies ; et tôt après, dans l’économie des choses humaines, son influence brise la logique des faits, interrompt, ralentit ou accélère le cours des choses, et au lieu des circonstances prévues fait surgir l’inattendu, l’accident, l’inexplicable, ce que l’on est convenu d’appeler le miracle. La prière, autrefois comme maintenant, et d’une manière permanente, a la puissance de faire des miracles.
Mais alors, quelle est cette prière si puissante ? Pour produire de tels effets extraordinaires, elle doit être extraordinaire elle-même et d’un caractère exceptionnel ? — Non point ! Il s’agit ici, suivant les termes de notre texte, de la prière la plus simple et la plus naturelle ; cette prière sort du sentiment qui se trouve naturellement au fond du cœur de tout homme, sentiment de faiblesse, d’impuissance, d’indigence même. Tiré de son inertie par la constatation de ce qui lui manque, l’homme cherche ce dont il est privé, et le cherche en dehors de lui ; bientôt son désir se formule en une demande qu’il adresse à un plus puissant que lui, cette demande devient une prière au Dieu des cieux ; et, au moment où il entre en contact avec Dieu, avec le Père des lumières d’où descendent tout don parfait et toute grâce excellente, l’homme, pressé par son désir, sollicite, conjure, supplie afin d’obtenir. Telle est la prière que Dieu demande, la prière simple de l’enfant, la prière sincère.
Il est vrai que pour avoir son plein succès, cette prière doit réunir deux conditions mentionnées dans notre texte ; mais ces deux conditions elles-mêmes ne sont aucunement exceptionnelles et n’ont rien que de très normal. Jugez plutôt :
La prière doit être celle d’un juste. Nous l’avons dit déjà : Dieu ne s’est point engagé à exaucer les prières ayant pour but la satisfaction des passions. Du reste, la sagesse populaire, parlant par la bouche de l’aveugle-né, a dit : « Nous savons que Dieu n’exauce point les pécheurs ; mais si quelqu’un l’honore et fait sa volonté, c’est celui-là qu’il exauce. » Et un juste n’est pas du tout un homme extraordinaire ; c’est l’homme qui craint Dieu, dont la règle de conduite est la loi de Dieu et ses saints commandements ; c’est l’homme pieux qui, après avoir pratiqué les œuvres de la loi autant qu’il l’a pu, est justifié gratuitement par la grâce et le salut de Jésus-Christ. Le juste n’est point l’homme parfait, c’est le pécheur pardonné et déclaré juste, c’est l’homme droit qui marche dans la vie chrétienne. La prière doit être présentée par un tel homme pour être efficace.
En outre, il faut que la prière de ce juste soit faite avec ferveur. Cette seconde condition est aussi parfaitement normale et légitime. Dieu, ainsi que ferait tout homme à sa place, n’écoute pas les vaines redites, ni le murmure des indifférents ; il n’écoute pas la prière des indécis qui désirent sans vouloir et demandent sans désirer ; il n’écoute que la prière fervente, c’est-à-dire la prière sincère, vraie, vivante. Et pour être fervente, la prière doit être préparée, dès longtemps parfois, par tout un travail d’âme. Elle doit être comme l’explosion irrésistible des besoins, des aspirations et d’une énergie longtemps contenus ; elle est née d’une angoisse cachée ; elle s’est formée et mûrie dans le tourbillon des pensées et dans le bouillonnement des sentiments ; elle a rempli le cœur comme un vase peut être rempli ; un jour, sous une dernière impression, le flot est monté ; la dernière goutte a fait déborder le vase et la prière est sortie comme un flot impétueux. Mais ce flot trop lourd pour s’élever, s’est transformé soudain en un flot de feu ! l’étincelle survenant a embrasé tous les désirs du cœur et la prière est montée comme une flamme ; et elle s’est élevée, véhémente, prolongée, pénétrante, comme sur les ailes d’un souffle inconnu et d’une inspiration mystérieuse ; elle s’est élancée enveloppante à l’assaut du trône de grâce ; elle l’a assiégé, elle l’a gagné, elle l’a comme débordé… — C’est que là, devant Dieu, sa force a été multipliée, sa puissance a été centuplée par la force du Saint-Esprit qui s’est joint à et saint effort, qui a uni ses désirs aux désirs exprimés, ses prières aux prières présentées, et cette double puissance humaine et divine, rompt toutes les digues, renverse tous les obstacles… mais maintenant ce feu s’est arrêté ; c’est de nouveau le torrent ; le torrent impétueux de la prière fervente ralentit son cours et s’apaise ; il redescend bientôt en une pluie de bénédictions se répandant du ciel sur la terre rafraîchissante et bienfaisante. — Telle est la prière d’un juste faite avec ferveur et que Dieu se plaît à exaucer parce qu’elle a une grande puissance.
Mes frères. Nous touchons au point culminant du développement de notre texte ; la pensée de l’auteur s’est exaltée à mesure qu’elle a découvert la puissance merveilleuse de la prière ; Saint-Jacques croit à cette puissance et il veut que les autres y croient avec lui ; mais pour inspirer, pour imposer la foi en cette vérité magnifique, il trouve son affirmation insuffisante ; tous les raisonnements lui paraissent trop faibles ; il lui faut un fait, un exemple certain et concluant qui vienne comme river l’impression produite.
Un exemple ! Il y en a de bien prochains et de bien vivants ; la carrière du Maître s’ouvre tout entière à lui. Les guérisons de malades, les résurrections de Jésus, la multiplication des pains, le calme imposé à la tempête, tous ces miracles ne sont-ils pas les effets puissants de la prière fervente d’un juste ? … — Mais ce juste est un juste au-dessus de tous les autres ; il est le juste par excellence, le saint de Dieu ; sa prière était plus qu’une prière d’homme, c’était déjà l’expression de la volonté même de Dieu ; pour être pris trop haut cet exemple perdrait de sa force.
Et la vie des apôtres, cette vie de puissance ne contient-elle pas un assez grand nombre d’exaucements pour en tirer des preuves frappantes et convaincantes ? Mais ces faits prochains ont un caractère trop personnel et trop local, ils pourraient être affaiblis par des discussions et des contestations.
Non, un exemple concluant doit être pris dans la glorieuse histoire du peuple d’Israël ; il doit être pris même dans la vie du grand prophète Elie dont le retour est attendu du peuple.
Dans cette vie extraordinaire, notre auteur choisit deux récits dont une partie, la prière, ne s’est conservée que dans la tradition juive, tandis que l’autre partie, les exaucements, est relatée dans le récit biblique.
Elie était un simple homme, une créature humaine comme nous le sommes nous-mêmes. Malgré les circonstances surnaturelles de sa vie, il a été d’une manière constante semblable à nous, affecté des mêmes faiblesses, des mêmes infirmités, des mêmes passions que nous. Il n’était pas même un grand de la terre ; surnommé le Tishbite et vêtu d’un vêtement de poil avec une ceinture de cuir autour des reins, il était l’un des habitants de la contrée de Galaad ; sans famille nommée, sans position connue, il n’apparaît que pour accomplir son devoir de prophète. Et même encore, dans son ministère, reste-t-il bien humain. Il a faim à Kérith ; il mendie à Sarepta ; il compatit à la douleur de la veuve, sa bienfaitrice ; il se moque des prophètes de Baal, il prend même part, à leur égorgement. Enthousiasmé de la soi-disant conversion d’Achab, il flatte ce dernier en courant devant son char ; le lendemain, effrayé des menaces de Jézabel, il s’enfuit découragé et demande la mort en disant : « C’est assez ! Je ne suis pas meilleur que mes pères ! » Elie est bien un homme de même nature que nous.
Mais ce Galaadite inconnu se tient constamment en la présence de l’Éternel, c’est un serviteur de Dieu, donc un juste ! — Et dans sa solitude, il afflige son âme de juste à cause du péché de son peuple. — Achab, fils d’Omri, règne sur Israël et il fait ce qui est mal aux yeux de l’Éternel. Et comme si c’était pour lui peu de chose de se livrer au péché de Jéroboam, fils de Nébath, il a pris pour femme Jézabel, fille d’Ethbaal, roi des Sidoniens, et il sert Baal et il se prosterne devant lui et il fait une idole d’Astarté ; et il entretient parmi le peuple quatre cent cinquante prophètes de Baal et quatre cents prophètes d’Astarté ; et le peuple a abandonné le Dieu de David pour aller après les Baalims et les Astaroth comme font les Cananéens dont l’Éternel avait dit : « Je les détruirai devant vous ! » Depuis longtemps Elie porte le fardeau de toute cette corruption en son cœur : et depuis longtemps il prie pour le salut de son peuple !
Et voici qu’un jour, saisi d’effroi à la pensée de la ruine d’Israël, saisi en même temps d’une immense compassion pour ses frères et d’une sainte colère contre les faux prêtres et les chefs de la nation, il se prosterne dans la poussière devant le Dieu tout-puissant ; après avoir versé des larmes et exhalé la douleur de son âme, il se relève ; et, dirigeant ses mains et ses regards vers le ciel, il crie vers l’Éternel une instante prière demandant qu’il ne pleuve point afin que le peuple soit ramené par la force du châtiment.
En réponse à sa prière fervente, il reçut de Dieu l’assurance qu’il ne pleuvrait point, sinon à sa parole. — Et il ne plut point sur le pays d’Israël. — Et Achab et Jézabel, ces puissants de la terre et les grands de leur cour se plaignirent de la chaleur en leurs palais et de la sécheresse en leurs jardins ; avec colère, ils demandèrent la pluie ; mais il ne plut point ! — Et les huit cents prêtres de Baal et d’Astarté demandèrent instamment la pluie, et ils offrirent à Moloch des sacrifices humains peut-être ! mais il ne plut point ! — Et tout le peuple angoissé monta aux hauts lieux et poussa des cris pour effrayer le soleil d’été et faire venir les nuages ; mais il ne plut point ! — Et les chevaux de guerre, lâchés au pâturage, hennirent d’épouvante et les troupeaux bramèrent après les courants d’eau, et les chênes du Carmel et les oliviers et les figuiers dressèrent leurs rameaux desséchés et comme suppliants vers le ciel de feu ; et pour répondre à ce cri de détresse de toute la nature, les vents voulurent souffler, mais les nuages ne vinrent pas ; et il ne plut point ! — Et il ne plut point durant trois ans et six mois, à cause de la prière fervente du juste de Galaad.
Mais le temps de l’épreuve est écoulé ; le peuple a crié grâce ; Achab, vaincu lui-même, a convoqué le peuple au Carmel ; et tous se sont écriés : « C’est l’Éternel qui est Dieu ! C’est l’Éternel qui est Dieu ! » — Elie monte au sommet de la montagne ; tandis qu’il marche, son cœur déborde de reconnaissance et d’adoration ; il se sent comme porté, comme soulevé par une force extraordinaire ; il ne marche pas, il court, il lui semble même qu’il vole, il n’est plus de la terre, il est presque du ciel ; de la cime du Carmel, il pourrait être enlevé pour toujours, dans le sein de Dieu, ce serait naturel ! Au-dessous de lui, toutes ces terres à perte de vue ont été asservies à sa parole ! Ce peuple et son roi ont été vaincus par son anathème ! Le ciel au-dessus de lui, fermé par sa parole, ne s’ouvrira qu’à sa parole ! La mer, l’immense mer qui bat le pied de la montagne et dont l’horizon touche le ciel, il va la vaincre encore par sa prière, il va l’obliger à livrer des vapeurs, des nuages, de la pluie en abondance, et elle obéira en grondant, furieuse sous le souffle de la tempête, mais elle obéira… — Le prophète s’est prosterné à terre, il a mis sa tête entre ses genoux concentrant ainsi toutes ses facultés, toutes ses énergies en lui-même ; il appelle de nouveau, il supplie, il conjure, il lutte de toute la puissance de son âme, il s’épuise dans l’effort surhumain de sa prière fervente. Sept fois en une heure il recommence l’assaut ; la force d’En-haut le soutient, à chaque effort il a une assurance plus certaine de l’exaucement… A la septième fois, un changement s’est opéré dans l’atmosphère : un souffle a passé, la brise a fraîchi, le vent s’est levé sur la mer assombrie ; un petit nuage grand comme la paume de la main a paru dans le ciel, et, dans toute la nature, il y a comme le frémissement d’un orage prochain. Et en peu d’instants le ciel fut obscurci par les nuages, et, le vent devenant violent, il y eut une forte pluie, et le peuple se retira en grande hâte. — Elle pria et le ciel donna de la pluie et la terre produisit son fruit. Certainement elle a une grande, une immense puissance, la prière d’un juste faite avec ferveur.
Mes frères. Dans notre vie chrétienne, comme dans notre ministère pastoral n’avons-nous pas senti souvent ce que Jacques a éprouvé au moment de terminer son épître ? Comme lui, nous avons, en certaines occasions, récapitulé nos pensées, nos connaissances religieuses, nos convictions, peut-être nos exhortations pastorales dites au écrites ; et plus que lui nous avons été troublés en constatant qu’elles manquaient du souffle de vie, qu’elles étaient condamnées à rester lettre morte, qu’elles ne produiraient pas leur effet de salut et de sanctification ; moments d’angoisse inexprimable, ces moments de sécheresse et d’impuissance !
Moments bénis aussi, parce que pour nous, comme pour le pasteur de Jérusalem, ils nous ont amenés à l’expérience de la prière ; le sentiment de notre impuissance personnelle, de notre indigence, nous a amenés à prier et tous nous avons connu la puissance de la prière, de telle sorte que tous nous pourrions affirmer avec Saint-Jacques qu’elle a une grande puissance, la prière du juste faite avec ferveur.
Chers frères, ce que je désire vous demander aujourd’hui, ce n’est pas de croire à la prière, ce qui serait comme une injure à votre foi ; ce n’est pas non plus de prier et de prier beaucoup — car la prière est bien certainement la force secrète de votre vie ; ce que je vous demande, c’est que tous ensemble, vis-à-vis du monde incrédule, en face des chrétiens indifférents et indécis, nous affirmions par nos paroles et par notre vie tout entière que la prière a une grande puissance.
Le monde soi-disant scientifique et le monde jouisseur ne croient plus à la prière, parce que les prières de tels hommes ne peuvent être exaucées. — La masse innombrable des chrétiens indifférents ne croient plus à la prière parce que leurs vaines redites ne peuvent être exaucées. — Et tous ces gens-là, qui sont légion, ne se contentent pas de ne pas croire à la prière, mais encore ils en nient la puissance et la nomment une superstition.
Aux négations du monde des indifférents et même des adversaires, nous répondrons par une affirmation convaincue de notre texte : « Elle a une grande puissance, la prière ! » Et c’est à cause de notre confiance en cette puissance que nous prions. Nous prions dans notre vie individuelle parce que nous croyons que Dieu peut intervenir dans toutes les circonstance ? de notre vie privée quelque minimes que puissent être ces circonstances. — Nous prions chaque dimanche la grande prière d’intercession en faveur de tous les hommes parce que nous croyons que l’Éternel règne et que celui qui a établi les lois du monde peut changer ces mêmes lois du monde s’il le trouve bon. — Nous prions pour les gouvernements des peuples parce que le Roi des rois a pleine autorité sur ses vassaux, les princes de la terre. — Nous prions pour notre patrie parce que nous la voulons dirigée de Dieu, parce que nous croyons que Dieu seul peut et veut la rendre heureuse et prospère. — Nous prions pour l’Église et pour l’avancement du règne de Dieu sur la terre parce que nous croyons au travail de l’Esprit de Dieu dans le monde, travail d’instruction, de conversion, de sanctification parmi tous les hommes. — Nous prions pour nos malades parce que nous croyons que Dieu peut les guérir. — Nous prions pour nos égarés parce que Dieu peut beaucoup pour les ramener. Nous répétons ce que nous avons dit, que la prière n’est pas toute puissante et ne doit pas intervenir en toutes circonstances pour remplacer les lois naturelles, mais nous, affirmons aussi ce que nous savons, c’est que la prière a une grande puissance !
Le monde nous demandera des exemples, des faits, nous lui donnerons l’exemple d’Elie, les exaucements des prophètes, de Jésus et des apôtres ; nous lui donnerons, dans l’intimité, la preuve irréfutable de nos exaucements personnels ; car, grâce à Dieu, tous nous avons dans notre vie de ces faits extraordinaires, de ces miracles de la bonté de Dieu qui sont venus répondre à nos intercessions.
Nous pourrions, nous devrions même en avoir plus, nous confessons dans un sentiment d’humiliation que si nos prières n’ont pas été plus fréquemment et plus remarquablement exaucées jusqu’à maintenant, c’est que nous n’avons pas toujours été des justes selon le cœur de Dieu, et que nos prières n’ont pas toujours été faites avec ferveur.
Mais nous voulons devenir toujours plus et par la force de Dieu, des justes, justifiés et sanctifiés par l’Esprit de Jésus-Christ ; nous voulons apprendre à prier d’une prière pleine de ferveur, afin que notre vie tout entière devienne l’affirmation la plus convaincante de la parole de notre texte :
« Elle a une grande puissance, la prière d’un juste, faite avec ferveur ! » Amen.
Paul Pettavel
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