Mon Dieu, comment se fait-il que je puisse accepter les reproches de ta Parole, comment se fait-il que je puisse m’accuser vivement moi-même et qu’en même temps je ne puisse pas entendre la moindre réprimande de mes frères sans en être blessé ? Comment se fait-il que les observations me soient d’autant plus dures qu’elles sont plus justes ? et, chose étrange ! comment se fait-il que celles qui ne sont pas fondées, alors même qu’elles sont rudes, me blessent si peu, et parfois même me soient agréables ? Hélas, Seigneur, je me sonde jusqu’au fond, et c’est dans ma conscience que je trouve la réponse à mes propres questions. Si je me confesse à toi, si je me fais des reproches à moi-même, c’est que le péché me pèse et que je crois l’amoindrir en le déplorant en ta présence ; il me semble que par cette apparente humilité je rachète mes fautes. C’est bien moins la haine du mal que la peur de son châtiment qui me fait parler. Aussi je t’expose bien plus volontiers mon passé que je ne te demande de sanctifier mon avenir. Oui, Seigneur, voilà pourquoi la correction fraternelle m’est pénible, c’est qu’elle n’efface pas mes fautes d’hier, et qu’elle me fait craindre que mes frères n’épient celles que je commettrai demain. Je ne hais pas le péché, je hais le censeur. Oui, toutes ces contradictions ne sont qu’apparentes ; tout s’explique par ma propre passion. Et peut-être à cette heure me sais-je bon gré d’avoir eu l’habileté de faire cette découverte, au lieu de désirer d’en profiter ! Mon Dieu, je n’ose plus ouvrir la bouche ; je crains de mentir en te priant ! Mon Dieu, pardonne-moi ; mon Dieu, guéris-moi ; mon Dieu, fais tout à ma place, car je ne puis rien faire que de m’abîmer dans le sentiment de mon néant !