Aberdeen, 20 février 1637
Ma très chère et très aimée sœur en Christ notre espérance, que la grâce et la paix soient avec vous. Je languis de savoir où en est votre âme, et quels progrès le règne de Christ fait en vous. Je vous exhorte au nom des compassions de Christ de ne pas vous ralentir. Allez en avant, je vous en supplie. Il faut chercher le ciel, vous devez y entrer. Des maisons, des terres, des enfants, un époux, des amis, une patrie, la réputation, les richesses, les honneurs sont choses dont on peut se passer, mais le ciel est la seule. nécessaire, « la bonne part qui ne vous sera point ôtée. » Achetez le champ où la perle est cachée, vendez tout afin de trouver le salut. Ne croyez pas que ce soit facile : la gloire éternelle est placée au sommet d’une colline très escarpée ; beaucoup de voyageurs périssent sur la route aveuglés par une funeste sécurité ; dans celle que me fait suivre le Seigneur, j’ai peu à me préoccuper des choses passées. Mais il en est tant d’autres qui me manquent, qu’à peine je crois en posséder quelques-unes. Les hommes se croient riches dans la grâce tant qu’ils pensent pouvoir l’acheter à prix d’argent ; mais vienne l’épreuve, qu’ils se trouveront pauvres alors ! Mes ressources m’avaient semblé bien au-dessous de mes dépenses, jusqu’à ce que j’eusse puisé dans les greniers de la véritable abondance.
Dans toutes vos démarches, laissez-vous diriger par votre conscience. Traitez vos fermiers avec douceur et charité. Je souhaite que votre cœur soit plein d’amour ; laissez aux enfants illégitimes la possession du monde, votre part à vous n’est point avec eux. Quand la trompette du jugement aura sonné, le monde et sa, gloire seront semblables à une maison ruinée réduite en cendre, à un vieux château privé de son toit. Tout cela nous semble folie lorsque nous nous imaginons devoir quelque chose au monde. L’œuvre qui se fait en moi me porte à ne rien donner au monde, ne fût-ce qu’un verre d’eau. Comment se fait-il, que les hommes courent après ces vains hochets au prix de la paix intérieure ?
J’ai écrit à votre mari tout ce que j’ai cru pouvoir lui être utile ; parlez-moi de lui à votre tour, je ne l’oublie pas dans mes prières. J’espère que Christ fera quelque chose en sa faveur. Usez de patience quand la colère le saisit. Une parole de douceur peut apaiser la passion, regardez à Dieu en lui répondant, vous allégerez ainsi la pesante croix qui pèse sur votre cœur.
Quand Christ disparaît, attendez-Le et criez à Lui jusqu’à ce qu’Il revienne, ce n’est pas alors qu’il faut user d’une nonchalante patience. Alors même que vous ne l’apercevez pas, n’ayez aucun doute sur son amour. Fussiez-vous privée du sentiment de sa présence, Dieu ne cesserait pas pour cela de diriger votre navire ; n’ayez nul souci à cet égard.
Tendez à la sanctification de votre mari, sachez ce qu’elle exige de vous. Il vous faut mourir au monde, c’est indispensable. Priez pour moi comme je prie pour vous. Conseillez à votre époux de rendre ma joie complète en cherchant la face du Seigneur. Dites-lui que je ne désire rien tant que d’apprendre qu’il est à Jésus. Bénissez-le pour moi et tous vos enfants ; il ne faut pas qu’on puisse dire que je déserte votre maison, bien qu’il ne me soit plus possible de sanctifier les sabbats avec vous.
Votre fidèle et toujours affectionné pasteur en celui-là seul qui l’est véritablement.
S. R.