Pourquoi trois leçons consacrées au drame Réformé ? N’est-ce point donner une place excessive au calvinisme français, dans l’histoire de l’Eglise universelle ? Nullement.
1) D’abord, vous, mes catéchumènes, vous êtes les descendants des huguenots ; votre devoir et votre droit, c’est de connaître la lignée à laquelle vous avez l’honneur d’appartenir ; car « noblesse oblige ».
2) D’autre part, les trois chapitres n’en forment qu’un. La leçon, indispensable, sur Calvin nous avait conduits en Suisse ; il fallait rentrer en France. J’ai dû vous montrer comment le calvinisme y fut combattu par la violence (Coligny), et comment il y triompha par la patience (Rabaut).
3) Surtout, l’importance accordée à la tragédie Réformée est d’accord avec la réalité. Ce drame n’intéresse pas seulement la France, mais la chrétienté entière. Aux XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, notre pays était le centre de la vie intellectuelle et de la civilisation en Europe ; la papauté le savait. Si la nation qu’elle considérait comme « la fille aînée de l’Eglise », avait rejeté le joug du pape, celui-ci aurait perdu pied en Occident. Voilà pourquoi le romanisme, se sachant menacé dans ses préjugés et dans ses privilèges sur le sol français ne recula devant aucun moyen pour sauver sa mise. Les faits, bien connus, de perfidie ou de cruauté sont là, effroyables. Pour un que j’ai cité, cent autres, mille autres, hurlent dans l’ombre.
Comment le monde oublierait-il jamais le véritable visage de la Curie romaine ? On a vu celle-ci à l’œuvre. L’Histoire l’a saisie sous les feux inextinguibles de son réflecteur ; la louve s’encadre dans les barreaux de rayons éblouissants. Désormais, il suffira de la maintenir sous l’œil de Dieu, – car « Dieu est Lumière », – pour qu’elle apparaisse blessée à mort.
C’est de l’église « romaine » que je parle, non de l’Eglise « catholique » ; celle-ci vivra jusqu’à la fin des siècles, parce qu’elle s’identifie avec l’Eglise chrétienne, qui est un fait mystique, une réalité spirituelle, la Présence ici-bas de Jésus-Christ. Mais l’institution romaine est une autre chose ; je répète qu’elle s’est blessée à mort, avec son propre glaive, en essayant de tuer l’Eglise Catholique Réformée.
Car, – ou bien elle refuse de s’humilier pour ses crimes ; et alors, devenue incapable de repentance, elle s’endurcira dans le « péché contre le Saint-Esprit » ; – ou bien elle se frappera la poitrine, elle s’accusera devant Dieu et devant les hommes, renonçant ainsi au postulat initial qui lui sert à gouverner les âmes, et à dominer les nations : le dogme de son infaillibilité.
Telles sont les conclusions évidentes que le drame Réformé place en relief ; c’est par là qu’il acquiert une signification universelle, pour tous les pays et pour tous les siècles.
Le drame janséniste ajoute encore, si possible, à la rigueur de la démonstration. En effet, nous allons voir le pape écraser un Blaise Pascal, comme il écrasa un Jean Calvin ; c’est la même fureur d’attaque et le même piétinement de la victime. – Et pourtant, l’auteur des Pensées n’était ni hérétique, ni schismatique ! – Sans doute, mais l’auteur des Provinciales se refusait à être Jésuite ; il attaquait la milice privilégiée du Saint-Siège. Or, le pape exige, avant tout, la soumission au pape. Voilà le Dogme, et la Morale, et la Discipline, voilà le christianisme romain. Tel est le nouvel évangile que proclament les pierres dispersées, ou pulvérisées, de l’abbaye de Port-Royal des champs, rasée par les soldats de Louis XIV, à l’instigation de l’église papale.
Avec ce haut fait, nous prendrons congé du romanisme. Si nous devons le retrouver encore dans l’Histoire, c’est à l’état de survivance. Il a cessé de diriger réellement, et même d’inspirer l’humanité. Acceptons la fameuse formule : « Roma locuta est, causa finita est ; – Rome a parlé, la cause est entendue… » Oui, elle a trop parlé, pour qu’on puisse encore lui faire crédit.
Ce que l’Eglise catholique romaine a toujours de mystique, de spirituel, de chrétien, d’évangélique, elle le possède en commun avec les autres Eglises de la chrétienté, puisque la même sève du Cep unique nourrit tous les sarments. Ces valeurs précieuses et surnaturelles de l’Eglise catholique romaine, elle les conserve, non en qualité de romaine, mais en qualité de catholique ; au contraire, les péchés de l’Eglise catholique romaine, son orgueil, sa cupidité, son esprit de domination, sa cruauté impitoyable, ne lui appartiennent pas en qualité de catholique, mais en qualité de romains. « Rendons à Dieu ce qui est à Dieu, et à Rome ce qui est à Rome. »