Nos enfants

LE TOUT CUIT

Faites tous vos efforts pour joindre à votre foi, la vertu.

2 Pierre 1.5

Invité à présider un week-end biblique, je proposai aux organisateurs l’étude du livre d’Ezéchiel le prophète. Un texte difficile et par trop négligé. En arrivant sur les lieux du séminaire, j’appris que mes auditeurs étaient pour la plupart des jeunes de quinze à dix-sept ans. J’en fus inquiet, me demandant comment ils allaient accueillir – et digérer – des exposés plutôt ardus. D’emblée, je m’expliquai :

— Veuillez m’excuser car j’aurais dû choisir pour vous un livre plus facile, celui des Actes des Apôtres, par exemple. Mais puisque Ézéchiel est inscrit au programme, je vais m’efforcer de le traiter en le mettant à votre portée et en rendant mon enseignement aussi vivant que possible.

Quel ne fut pas mon étonnement de voir une demoiselle – seize ans à peine – s’approcher de moi et me dire :

— Mais, c’est justement parce que c’est difficile que je suis venue vous écouter …

Cette intervention inattendue me fit réfléchir :

— C’est vrai, me dis-je, à force de ne servir qu’un enseignement élémentaire on fait le jeu des paresseux et l’on déçoit ceux « qui en veulent ». Pour finir, on ne contente personne.

J’emportais de ce week-end une fameuse leçon !


♦   ♦

Des amis à qui j’avais confié les manuscrits d’un livre pour enfants me suggérèrent de remplacer certains mots peu usités, jugés trop difficiles et hors du vocabulaire d’un gamin de dix ans. J’hésitai car ils avaient raison, mais je crus bon de ne pas suivre leur conseil. « Après tout, me dis-je, le bébé n’acquiert du vocabulaire qu’en fréquentant des mots nouveaux ». Et puis le philosophe n’avait-il pas raison de déclarer : « Je suis bien loin de croire que l’enfant doive comprendre tout ce qu’il lit et récite ? Prenez donc La Fontaine plutôt que Florian. On n’apprend une langue que par les phrases les plus serrées, les plus riches et les plus profondes et non par les niaiseries d’un manuel de conversation. Rien n’est trop beau pour l’enfant » … (1).

(1) ALAIN : Propos sur l’éducation (Presses universitaires de France).

En vérité, l’écolier n’est jamais content de redoubler une classe ni de revenir sur un programme et des matières déjà connus : le « déjà vu » n’attire personne. Certes, en passant au cours supérieur, l’élève reçoit un choc, mais c’est un choc salutaire qu’il ne faut pas dramatiser. Les premiers jours de classe l’éprouvent ; tout lui paraît difficile, hors de sa portée parce que nouveau. L’enfant a le sentiment de perdre pied, de se croire au dessous du niveau de la classe, donc incapable de suivre. Au bord du découragement, il est tenté d’accuser le professeur d’être trop exigeant, d’estimer le programme trop chargé et les devoirs ardus, bien au delà de ses capacités. Alors parents, faites la sourde oreille car dans quelques semaines, votre rejeton ne gémira plus : il se sentira plus à l’aise et constatera des progrès. Il reprendra courage et s’accrochera à la tâche avec plus d’ardeur jusqu’à ce qu’il domine enfin la situation. Alors la partie sera gagnée et chacun pourra se féliciter de ne pas avoir cédé aux premières plaintes. Il est vrai qu’après les grandes vacances – il est sage de faire halte – l’élève devra gravir un nouvel échelon et se lancer de nouveau dans la lutte. Avec plus de courage cette fois.

En fait, l’enfant désire s’élever même s’il maugrée durant l’ascension. Qui ne répugne à la lutte ? Cependant, il veut apercevoir d’autres paysages, contempler d’autres panoramas, toujours plus impressionnants à cause de l’altitude. Il y a chez lui – pourvu qu’on ne l’étouffe pas – le désir de croître et d’acquérir des connaissances nouvelles, même au prix d’un effort qu’il redoute et souhaite à la fois. « Se maintenir au niveau de l’enfant c’est en définitive n’intéresser que son être d’hier » (2). C’est le décevoir à brève échéance. On abandonne un livre qui n’a plus rien à nous apprendre comme on jette à la poubelle le journal de la veille.

(2) ALAIN : Propos sur l’éducation (Presses universitaires de France).

Si la Bible ne cesse d’exercer son attrait, sans jamais lasser le croyant avide de connaître et de mieux comprendre, son Seigneur, c’est, dans une certaine mesure, parce qu’elle est un ouvrage aux incontestables difficultés. Elle ne livre pas tout son contenu dès la première lecture. Le chrétien sait fort bien qu’on n’en touche jamais le fond, qu’il y aura toujours des « perles » à ramasser, des lumières à découvrir et des bénédictions à recevoir. C’est le Livre des livres, accessible à l’enfant comme à l’adulte. Ne le refusez pas aux vôtres sous prétexte – et quel dangereux prétexte ! – qu’ils ne peuvent le comprendre. Détrompez-vous. Le Saint-Esprit saura leur donner la « manne » que la Bible renferme et vous serez bientôt émerveillés de voir tout ce qu’ils peuvent retirer d’une lecture assidue.

Il est vrai que de grands progrès devaient être faits dans la présentation des livres, tout spécialement dans le domaine scolaire. Mais certains ouvrages modernes destinés à la jeunesse sont trop abondamment illustrés, riches en couleurs, en quelque sorte pré-digérés. Toutes les épines y sont ôtées ; l’enfant n’a qu’à tourner des pages. Au régime du tout cuit, « la pensée s’engraisse comme une volaille. J’aime mieux, dit Alain (3), une pensée maigre qui chasse son gibier ». Le Créateur n’a jamais songé à donner aux humains des noix tout épluchées, et pour cause ! Qui veut manger ce fruit doit faire l’effort de casser la coquille. Ne soyons pas plus sages que Dieu. La lutte est nécessaire et prépare à la vie, surtout à la vie d’En Haut. L’Écriture ne dit-elle pas :

(3) ALAIN : Propos sur l’éducation (Presses universitaires de France).

« Cherchez et vous trouverez. Frappez et l’on vous ouvrira » (Matthieu 7.7).

« Le Royaume des cieux est forcé et ce sont les violents qui s’en emparent » (Matthieu 11.12).

« Faites tous vos efforts pour joindre à votre foi la vertu, à la vertu, la science, à la science la tempérance » … (2 Pierre 1.5).

« Celui qui persévèrera jusqu’à la fin sera sauvé » (Matthieu 10.22).

Autrement dit, Dieu donne à l’homme qui, déterminé à obtenir quelque chose de Lui, ne se laisse pas arrêter au premier échec. « Le champ que défriche le pauvre donne une nourriture abondante » (Proverbes 13.23).

LES PARENTS S’INTERROGENT

  1. Etes-vous convaincus que la lutte ne doit pas être épargnée à l’enfant s’il veut appartenir à la race des « violents » dont parle l’Ecriture ? Auriez-vous, par faiblesse, balayé tous les obstacles devant les vôtres en leur offrant du « tout cuit » pour ne pas les entendre gémir ? Dans ce cas, reconnaissez-vous votre erreur ?
  2. Quelles seront désormais votre attitude et votre ligne de conduite lorsque votre enfant devra affronter une difficulté ou une épreuve ?
  3. Bénissez Celui qui communique – à qui le veut – l’Esprit de force pour faire d’un timoré un « violent » pour Sa gloire.

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