J’étais malade et vous m’avez visité.
— Ah ! Ne m’en parlez pas ! Je suis actuellement débordé ; mon travail m’accapare au point que je me reproche de négliger ma famille. Impossible d’ajouter quoi que ce soit à mon programme… pourtant, les rares fois où j’ai rendu visite à des malades, ils paraissaient si heureux de me recevoir. Mais c’est décidé ! Lorsque je serai à la retraite je me consacrerai à ceux qui, autour de moi, souffrent de solitude, bloqués par l’âge ou quelque infirmité…
Cette bonne et généreuse pensée ne risque-t-elle pas de rester lettre morte ? Et puis, est-on sûr de parvenir un jour à cette « fameuse » retraite ? N’est-ce pas préjuger d’un avenir qui n’appartient qu’à Dieu ? D’ailleurs, les chrétiens qui ont négligé de se donner aux autres durant leur vie active, une fois parvenus au soir de la vie, n’ont guère le courage ni l’envie d’aller visiter des malades.
Avez-vous une seule fois entendu le Fils de Dieu utiliser cette formule : « Pas le temps ! Pas le temps » ? C’est le refrain inspiré par l’Adversaire et qu’entonnent tant de chrétiens pour justifier leur négligence. Ils n’ont pas le temps de lire et méditer l’Ecriture ! Pas le temps pour rejoindre les frères à la rencontre de prière de l’église ! Pas le temps pour les vieillards ou les handicapés ! Pas de temps pour s’investir dans une œuvre de bienfaisance.
Or, du temps, on en trouve pour ce qui plaît ou passionne. On en découvre sans difficulté pour écarquiller les yeux devant la T.V., ou pour se pencher sur des illustrés sans valeur. Que l’œuvre de Dieu soit sur notre cœur et nous saurons crier à lui pour qu’il nous en donne. Et il ne manquera pas de nous répondre. Le Seigneur qui a préparé d’avance des œuvres bonnes pour que nous les pratiquions nous rendra capables d’alléger nos programmes en détectant l’inutile qu’on évacuera sans pitié. De l’inutile, il y en a certainement et plus qu’on le croit. Dieu donne ce qu’il ordonne. Plus nous serons déterminés à le servir et plus nous trouverons « miraculeusement » du temps pour agir.
Les responsables de l’église (pasteurs ou anciens) devraient inciter les nouveaux convertis – toujours partants et disponibles lorsqu’ils sont dans le « premier amour » — à se dépenser sans compter pour les autres. S’il convient de donner dans les groupes de jeunes une large place aux jeux, à la musique et aux discussions pour les attirer ou les intéresser, il est cependant souhaitable qu’on inscrive au programme de leurs activités une action suivie auprès des gens isolés ou dans la peine. Les adolescents découvriront ainsi la joie de servir. Il n’est jamais trop tôt pour se dévouer en faveur des autres.
Les gens égoïstes, dépréoccupés de leurs semblables, se trouvent généralement bien seuls au soir de la vie, oubliés même par leurs proches A l’inverse, les personnes altruistes et sociables, sensibles à la peine des autres, ne manquent certainement pas d’amis qui, reconnaissants, les assisteront dans leurs vieux jours… Les récompenses ne sont pas reçues qu’au ciel.
Voici quelques conseils utiles destinés aux éventuels visiteurs.
a) Posez-vous d’abord la question suivante : Pour quel motif vais-je rendre visite à tel malade ? Par obligation, en me disant : « Qu’est-ce qu’on dira si je ne vais pas à son chevet » ? Ou encore : « Il faut que j’aille le voir sans faute car la famille me tiendrait rigueur de ne pas m’occuper de lui… » ? On ne visite pas les gens dans cet esprit-là, c’est-à-dire « par devoir » ou pour être approuvé. Ce serait penser à soi et non à celui qui souffre. C’est « pour lui » que je me déplace, pour son bien, pour l’encourager. Ma présence doit lui faire plaisir et lui procurer un peu de joie. Dans de telles dispositions de cœur, le contact est plus facile et la conversation plus libre.
b) Si, à votre arrivée dans la chambre, vous trouvez plusieurs personnes qui conversent avec le malade, surtout n’insistez pas. Prenez congé du patient en lui disant : « Je vois que vous êtes bien entouré. Je vous laisse avec vos amis et vous promets de revenir vous voir dans quelques jours. » Quand il y a surcroît de visiteurs qui ne se connaissent pas, il y a immanquablement une gêne. Le malade ne sait trop à qui s’adresser et la conversation s’égare rapidement dans les banalités. Surtout ne soyez pas culpabilisé si vous devez partir sans avoir prié ou lu un verset de la Bible. Il n’y a pas de visite type.
c) Votre visite devrait être plutôt brève à moins que le malade vous retienne avec insistance. Aimons-le assez pour ne pas lui imposer une présence qui l’éprouve. Il est des cas où le visité ne peut supporter un long entretien. Parfois, il est bon de garder le silence lorsqu’on voit souffrir un ami. Dans ce cas, ne pas craindre de lui poser de temps à autre la question : « Je ne vous fatigue pas au moins ? » C’est ce que je demande à des dépressifs qui manifestent quelque difficulté à suivre une conversation.
d) Il est tout à fait normal, en arrivant chez le malade, de s’informer de son état. Toutefois, sans insister, car il faut le sortir le plus rapidement possible de son problème, lui qui est amené à répéter les mêmes choses devant chaque visiteur. Il doit dire et redire ce qu’il ressent, puis énumérer les médicaments prescrits, évoquer ses insomnies… Et puisque cette personne a tant d’occasions de revenir sur son épreuve, c’est l’aimer que de changer de thème en lui demandant des nouvelles de la famille, ou en abordant un sujet qui le captive. Ne parlons pas trop de nous-mêmes, de notre santé, surtout si elle est florissante. Si votre ami est chrétien, informez-le des derniers événements de l’église, rapportez-lui brièvement le message qui vous a touché…
e) Ne vous montrez pas choqué si le patient se révolte, tient des propos qui frôlent le blasphème. Souvenez-vous de Job. Irrité par ses amis soupçonneux, écrasé de souffrance, ce juste en est arrivé à maudire le jour de sa naissance. Sous d’intenses douleurs, même les plus aguerris peuvent craquer et proférer des paroles qu’ils regrettent dès qu’ils vont mieux. Tout malade a droit à des trésors d’indulgence. N’oubliez pas que Moïse fut puni pour avoir injustement accablé un peuple éprouvé par la soif dans un désert brûlant (Nombres 20).
f) Attention aux maladresses. Tout malade est sensible aux propos que l’on tient devant lui. Un vieux frère que j’accompagnais lors d’une visite, crut bon de déclarer à une jeune maman atteinte de sclérose en plaque et totalement bloquée sur une chaise : « Madame, Dieu permet cette grande épreuve pour votre sanctification »… Cette parole, qui se voulait encourageante, me mit mal à l’aise. Après un moment de silence, je me penchai vers elle pour lui souffler à l’oreille : « Madame, vous me faites du bien ; votre joie sereine me touche beaucoup »… Cette maman, en effet, était particulièrement rayonnante. Certainement inspiré par Dieu, j’ajoutai soudain :
— Savez-vous que Dieu vous a confié un beau ministère ?
— Ah ! Lequel ? Dites vite.
— ... le ministère de la consolation ! Pour consoler et apaiser celui qui souffre il faut avoir, comme vous, accepté la consolation du Seigneur dans une épreuve analogue.
Cette jeune maman était connue dans le voisinage ; on venait la voir pour être encouragé et béni. La paix qui émanait de sa personne ne pouvait laisser indifférent aucun de ses visiteurs. Ce fut mon cas. Ouvrant alors l’Ecriture, je lui citai les paroles de Paul, un homme éprouvé mais joyeux : Béni soit Dieu… le Dieu de toute consolation qui nous console dans toutes nos afflictions, afin que, par la consolation dont nous sommes l’objet de la part de Dieu, nous puissions consoler ceux qui se trouvent dans quelque affliction (2 Corinthiens 1.3-4).
g) J’ai connu un chrétien qui, au cours de ses nombreuses visites, ne manquait pas d’apporter à ses malades une gâterie, une orange, un journal, un petit objet, simplement pour leur faire plaisir. Pourquoi ne l’imiterions-nous pas ?
h) Il est de coutume – mais sans en faire une règle – de lire un bref passage de la Bible avant de se retirer. Ici, le choix du texte biblique est important car il devrait répondre à un besoin ou à des interrogations de la personne visitée. S’il est vrai que toute l’Ecriture est utile pour convaincre et éclairer (2 Timothée 3.16), rien n’interdit au visiteur de faire preuve de bons sens et d’à-propos. On ne lit pas n’importe quoi à n’importe qui. C’est pourquoi, j’encourage à écouter avec beaucoup d’attention tout au long de l’entretien, la personne visitée, pour discerner ce qui la préoccupe et trouver ainsi les paroles appropriées qui pourront l’apaiser, la relever, l’avertir ou la rapprocher du Seigneur. D’où l’importance de bien connaître sa Bible et de rester en communion avec Celui qui veut guider notre choix. Après cette lecture parfois suivie d’un échange fructueux, il est bon de confier le malade ou le vieillard au Seigneur dans une courte prière (les longs discours sont rarement les meilleurs) ; mais, au préalable, on peut le questionner ainsi : « Que souhaitez-vous que je demande pour vous ou les vôtres au Seigneur ? Qu’’attendez-vous de lui ? Sur quel point voulez-vous être éclairé ? »… Mais, attention ! Il faut que la personne visitée ait le sentiment très net que vous êtes en relation avec Dieu et que vous attendez réellement une réponse d’En Haut.
Si le patient se révèle devant vous exigeant, injuste à l’égard de l’entourage — cela arrive parfois — vous l’aiderez, avec douceur et sans esprit de jugement, à découvrir son travers pour qu’il l’abandonne et se montre, à l’avenir, docile et reconnaissant envers ceux qui le servent.
En prenant congé du malade ne vous croyez pas obligé de lui lancer : « Courage ! Le Seigneur est avec vous. Tenez bon »… Il suffit qu’il soit conscient que vous l’aimez et ne l’oubliez pas. Que Dieu vous assiste et vous donne la joie d’apporter réconfort et paix à ceux qui sont éprouvés.
Et voici mon souhait : Que nous puissions, vous et moi, entendre le Seigneur nous dire lors de la grande rencontre : J’ai été malade et vous m’avez visité, Dans l’au-delà, une récompense est promise à ceux qui ont compassion de leurs semblables et leur portent secours au nom du Seigneur.
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