La critique précédente a dû nous amener au résultat qu’aucun des principes irréligieux de la morale, à quelque degré et sous quelque forme que nous l’ayons rencontré, ne satisfait soit aux postulats formels d’un principe premier de la morale, soit aux critères concrets du bien moral que nous avons posés et que notre conscience même nous a dictés et a ratifiés. La preuve négative nous a été ainsi donnée, par voie d’éliminations successives, de la nécessité d’un principe religieux de la morale, pour que celle-ci puisse se soutenir et, s’affirmer : c’est-à-dire que la morale, pour subsister, doit chercher au-dessus de tous les principes que nous avons énumérés jusqu’ici, au-dessus même du bien abstrait et de la loi, au-dessus d’elle-même en un mot, sa raison d’être, son objet essentiel, sa sanction.
Ici cependant se pose une question préjudicielle que nous avons pu renvoyer jusqu’à ce moment, mais qui demande à être résolue si nous ne voulons pas opérer sur des quantités insuffisamment connues et déterminées.
Comme il s’agit d’établir la nécessité d’un principe religieux de la morale, et que la définition du terme de morale a déjà été donnée dans les Prolégomènes, nous avons maintenant à définir d’abord le terme de religion, puis à déterminer les rapports mutuels de la religion et de la morale.