Quiconque a lu, ne fût-ce qu’en courant, les Évangiles, a été frappé du sentiment et du langage de Jésus-Christ sur les enfants. Je reproduis ici ses paroles :
« Alors on présenta à Jésus de petits enfants, afin qu’il les touchât ; mais les disciples reprenaient ceux qui les présentaient. Et Jésus, voyant cela, en fut indigné, et il leur dit : Laissez venir à moi ces petits enfants et ne les en empêchez point, car le royaume de Dieu est pour ceux qui leur ressemblent. Je vous dis en vérité que quiconque ne recevra pas le royaume de Dieu comme un petit enfant n’y entrera point. Et les ayant pris entre ses bras, il leur imposa les mains et les bénit (Marc 10.13-16 ; Matthieu 19.13-15 ; Luc 18.15-17). »
Un autre jour, « les disciples vinrent à Jésus, et lui dirent : Qui est le plus grand dans le royaume des cieux ? Et Jésus, ayant fait venir un enfant, le mit au milieu d’eux et dit : Je vous le dis en vérité, que si vous ne changez et si vous ne devenez comme des enfants, vous n’entrerez point dans le royaume des cieux. C’est pourquoi quiconque s’humiliera soi-même comme cet enfant, celui-là est le plus grand dans le royaume des cieux (Matthieu 18.1-4 ; Marc 9.33-37). »
Un autre jour encore, Jésus, déplorant la froideur que rencontraient souvent, tout près de lui, ses prédications et ses miracles, dit en s’adressant, non plus à ses disciples, mais à Dieu lui-même : « Je te loue, ô Père ! Seigneur du ciel et de la terre, de ce que tu as caché ces choses aux sages et aux intelligents, et que tu les as révélées aux enfants (Matthieu 11.25). »
Un autre jour encore, Jésus, déplorant la froideur que rencontraient souvent, tout près de lui, ses prédications et ses miracles, dit en s’adressant, non plus à ses disciples, mais à Dieu lui-même : « Je te loue, ô Père ! Seigneur du ciel et de la terre, de ce que tu as caché ces choses aux sages et aux intelligents, et que tu les as révélées aux enfants (Matthieu 11.25). »
Que contiennent ces paroles ? Elles ne sont pas simplement l’expression de ce mouvement de bienveillance douce qui s’éveille dans tous les cœurs à la vue des enfants et de leur naïve confiance dans ceux qu’ils approchent. Jésus-Christ éprouvait sans doute cette bienveillance, car il n’était étranger à aucune des belles émotions humaines ; mais sa pensée portait bien au delà des enfants qu’il laissait venir à lui, et ils n’étaient pour lui qu’une occasion vivante d’adresser aux hommes eux-mêmes ses solennels avertissements.
Je l’ai déjà rappelé dans ces Méditations : l’enfant est, pour nous, l’image de l’innocence, le type de la créature faillible qui n’a pas encore failli, qui ne connaît encore ni les erreurs de l’esprit, ni les égarements de la passion, ni les aveuglements de l’orgueil, ni les troubles du doute, ni les torts du péché, ni les douleurs du repentir, et qui ne suit, dans les premiers élans de la vie, que ses instincts spontanés de tendre confiance dans les parents qui lui en donnent les premiers biens et les premières joies, la sécurité et l’amour. Jésus-Christ ne prétend pas ramener les hommes à ce doux état et leur rendre l’innocence primitive ; mais il vient les racheter du péché ; il leur apporte, au nom de Dieu son père, l’espoir du pardon et du salut. La confiance en Dieu, une confiance sincère, simple et tendre, est la disposition qui ouvre l’âme des hommes au bienfait divin. C’est aussi la disposition de l’enfant envers ses parents : spontanément, sans doute ni effort, il croit en eux ; il les invoque et il espère. De là ces paroles de Jésus-Christ : « Laissez venir à moi ces petits enfants et ne les en empêchez point, car le royaume de Dieu est pour ceux qui leur ressemblent. » L’innocence est bien plus sûre que la science de s’élever jusqu’à Dieu.
La science est belle ; elle aussi, elle est un noble privilège de l’homme que Dieu, en le créant intelligent et libre, a fait capable de désirer et de poursuivre, par l’étude, la vérité scientifique, et de l’atteindre dans une certaine mesure et dans une certaine sphère. Mais quand la science veut dépasser cette mesure et sortir de cette sphère, quand elle méconnaît et méprise les instincts naturels, universels et permanents de l’âme humaine, quand elle tente de mettre partout son propre flambeau à la place de la lumière primitive qui éclaire le genre humain, alors, et par cela seul, la science est pleine d’erreur et de péril, et c’est pour ce cas que Jésus-Christ a dit : « Je te loue, ô Père ! Seigneur du ciel et de la terre, de ce que tu as caché ces choses aux sages et aux intelligents, et que tu les as révélées aux enfantsb. »
b – Matthieu 11.15. Je reproduis, selon mon usage, la version d’Osterwald, mais les mots grecs ἀπὸ σοφῶν καὶ συνετῶν seraient mieux rendus par : aux savants et aux habiles, que par : aux sages et aux intelligents.