Innocence et bonheur. — Image de Dieu. — Distinction entre l’image et la ressemblance. — Opinion catholique et protestante. — D’après l’Ecriture, il faut distinguer un sens large du mot (puisqu’à certains égards l’image divine existe encore) et un sens restreint (puisqu’à d’autres égards elle est effacée et doit être rétablie).
Adam et Eve nés adultes, créés avec toutes leurs forces physiques, avec toutes leurs facultés intellectuelles et morales, furent placés dans une région agréable, qu’ils devaient cultiver et garder. Tout y était à leur disposition, excepté « l’arbre de la connaissance du bien et du mal ». Ils vivaient dans une constante communion avec Dieu, dont ils portaient l’image, et dans un état d’innocence et de félicité que leur postérité ne connut plus.
Cette vie d’Adam, cet Age d’or, cet idéal de l’existence humaine dans sa pureté et dans sa gloire, a un charme ineffable qui attire vivement le cœur au milieu de nos souffrances et de nos épreuves actuelles. On ne saurait s’étonner qu’il ait été, à toutes les époques, l’objet des spéculations de la science comme des méditations de la foi. D’autant plus qu’au regret se joint ici l’espoir, et que ce souvenir du passé est en même temps un présage de l’avenir. Un Eden éternel doit remplacer celui que nous avons perdu…
L’immortalité primitive de l’homme n’a pas toujours été conçue de la même manière et elle a même été niée. Les uns l’ont considérée comme un attribut naturel de l’âme humaine (protestants) les autres comme un don surnaturel de la grâce (catholiques). Cela tient à la différence du point de vue des deux églises relativement à la justice originelle et au péché originel. Les Pélagiens crurent que, créé mortel, Adam serait mort lors même qu’il n’aurait point péché. Après la Réformation, les Sociniens relevèrent la doctrine pélagienne sur cet article comme sur la plupart des autres ; et les rationalistes l’ont généralement adoptée et professée. Le haut-supranaturalisme fait fréquemment chorus à cet égard avec le rationalisme, tant on incline à juger de ce qui était, par ce qui est. L’opinion commune est que l’homme avait été constitué de telle sorte qu’il n’aurait point passé par la mort, s’il n’était pas tombé dans le mal, et c’est, en effet, dans cette détermination générale qu’il convient de se renfermer, parce que c’est la seule donnée réelle de la Bible… Tout est possible à Dieu ; et il n’y a certes rien de plus inconcevable dans ce fait que dans ceux de la création ou de la résurrection. D’ailleurs l’Ecriture l’éclaire par quelques analogies : Enoch… Elie… Les fidèles présents sur la terre à la venue du Seigneur, et qui seront transformés sans mourir (1 Corinthiens 15.51)…
Le lieu où Adam et Eve furent d’abord placés a aussi fourni matière à bien des conjectures. L’Ecriture l’appelle un jardin… ; elle dit qu’il était en Eden (délices)… et en donne une courte description. Les LXX ont traduit par Παραδεισος, d’où est venu le terme vulgaire de Paradis terrestrej…
j – Cette expression paraît avoir sa première origine dans la Perse, où les jardins des rois se nommaient Παραδεισους (Xénophon, Cyrop.
Mais qu’est cet Eden, demeure de l’homme innocent ? Les uns, par une interprétation allégorique, y ont vu le Ciel (Philon, Clément d’Alexandrie, Origène, etc.) ; d’autres, la Terre entière où tout était richesse, beauté, félicité avant que le péché y fit descendre la malédiction ; d’autres, surtout dans les temps modernes, n’ont voulu voir là qu’un mythe représentant cette donnée de la conscience naturelle qui unit le bonheur à l’innocence, et ils en ont appelé aux traditions analogues de presque tous les anciens peuples, où, avec le même fond d’idées, les circonstances historiques varient beaucoup. Selon quelques personnes, le Paradis, sans être dans le Ciel, n’était pourtant pas sur la Terre. Il en est qui ont cru qu’il existait encore et qu’Enoch et Elie l’habitaient. A côté de ces opinions particulières et de bien d’autres encore, l’opinion commune a toujours été chez les Juifs et les chrétiens que l’Eden de la Genèse désignait une région spéciale de notre globe, qu’on s’est accordé à placer en Asie, ainsi que semblent l’indiquer divers traits du récit de Moïse (pays de Cus, Euphrate, Assyrie).
Il était naturel qu’on essayât de déterminer la situation exacte du Paradis terrestre ; on l’a en effet bien souvent tenté. Toutes les recherches n’ont abouti et ne pouvaient aboutir qu’à des hypothèses…
Sur ces origines de l’homme et du monde, — il faut se le redire constamment, — tout est mystérieux ; c’est une histoire à laquelle le symbolisme s’unit dans des proportions que nous ne saurions marquer. C’est une lumière que les ombres recouvrent.
On a également beaucoup spéculé sur les deux arbres que l’Ecriture place en Eden. Il serait plus qu’inutile d’exposer les différentes idées qu’on s’en est faitesk…
k – Voyez l’allusion à l’arbre de vie dans Apocalypse 22.2.
Une question plus importante est celle de L’image De Dieu dans l’homme, car elle se lie aux doctrines capitales de la déchéance et de la réhabilitation. « Puis Dieu dit : Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance. » (Genèse 1.26). Quel privilège ! Mais aussi quel mystère ! Que signifie cette expression si simple en apparence et si étonnante au fond ? Que peut être cette ressemblance avec Dieu dans les êtres créés, et dans des êtres tels que nous ? Evidemment la révélation seule pourrait nous l’apprendre ; et la révélation, en attestant le fait, se tait sur sa nature, ou n’en laisse voir que fort peu ; elle en donne la certitude, non l’intelligence ; le οτι, non le πως (Voy. aussi Genèse 3.23 ; 5.1-3 ; 9.6 ; Colossiens 3.10 ; 2 Corinthiens 3.18).
On a essayé de préciser, d’éclaircir, de compléter la donnée si indéterminée de ces textes, soit par la combinaison de tout ce qui s’y rapporte, de près ou de loin, dans les Livres Saints, soit par la comparaison de la nature divine avec la nature humaine, soit par l’étude du renouvellement intérieur qu’opère l’Evangile et qu’il représente comme le rétablissement de l’image de Dieu. Mais ce triple moyen d’investigation ne mène ni très sûrement ni très loin, à moins qu’on n’objective des inductions logiques et des notions idéales. Tout indique qu’il y a de l’anthropomorphisme, par conséquent du symbolisme dans la locution biblique ; et nous devons en respecter les ombres.
Quoiqu’on ait condamné de bonne heure et en tout temps les recherches curieuses à ce sujetl, on ne s’y est pas moins toujours livré.
l – Epiphane voulait qu’on s’en tint à cette maxime : « L’Eglise enseigne que tout homme est à l’image de Dieu, sans déterminer en quoi cette image consiste. »
On a demandé si l’homme est l’image de Dieu (opinion commune, qui se tient à l’expression biblique), ou l’image du Fils de Dieu, du ; (opinion de Tertullien et autres, qui s’est appuyée sur Romains 8.28 : Il les a aussi prédestinés à être conformes à l’image de son Fils).
On a quelquefois mis en doute (Encratites, Tertullien, Théodoret, etc., Sociniens), que l’image divine appartînt proprement à la femme (1 Corinthiens 11.7 : L’homme est l’image et la gloire de Dieu, mais la femme est la gloire de l’homme.)
On a distingué entre l’image (εικων) et la ressemblance (ομοιωσις), rapportant la première aux facultés intellectuelles ou métaphysiques, et la seconde aux facultés morales (Clément d’Alexandrie, Origène, Tertullien, etc.) On s’est servi de cette distinction pour déterminer le résultat de la chute ; on a soutenu que ce n’est pas l’image, mais la ressemblance divine que l’homme a perdue ; et l’on a traduit alors Genèse 1.26 : … dans son image, selon sa ressemblance.
On a encore distingué entre être l’image de Dieu, et être à son image. Christ seul, a-t-on dit, est l’image de Dieu (Colossiens 1.15 ; 2 Corinthiens 4.4 ; Jean 14.9) ; l’homme est à son image. Cette distinction, quoique fondée dans la doctrine biblique, n’est pourtant pas absolue ; l’homme est appelé « l’image et la gloire de Dieu » (1 Corinthiens 11.7). Il en est de ce terme comme de mille autres, qui n’ont pas dans l’Ecriture la rigueur métaphysique qu’on y cherche ; il en est en particulier comme du titre d’« enfant de Dieu », de « fils de Dieu : υιος Θεου ». Si ce titre constitue un des noms propres de Jésus-Christ, il est également donné à l’homme ; et l’on peut remarquer aussi qu’il existe un étroit rapport entre l’εικων Θεου et l’υιοθεσια Θεου (Matthieu 5.45 ; 1Jean 3.9). Du reste, il règne bien dans l’enseignement évangélique ce grand principe que Jésus-Christ est l’image de Dieu, le Fils de Dieu, dans un sens spécial et supérieur, qui n’appartient qu’à lui.
On a fait consister l’image divine :
- Dans la forme du corps humain aussi bien que dans les facultés de l’âme humaine ; opinion particulière aux premiers temps où l’on se représentait Dieu comme n’étant pas un pur Esprit (Justin, Tertullien, Lactance, etc.)
- Dans la domination sur les animaux et sur la nature ; « Faisons l’homme, etc., et qu’il domine sur les poissons, etc., et sur toute la terre ». Quelques Pères et un grand nombre de Sociniens l’ont réduite à cela.
- Dans l’immortalité, dont l’homme aurait joui s’il n’eut point péché. Augustin insista sur ce trait contre Pélage.
- Dans la raison, reflet du Λογος ; ou de la raison divine (Ecole d’Alexandrie), en particulier dans le libre arbitre, cette sorte d’autocratie que l’homme possède seul ici-bas.
- Dans le πνευμα, en tant que distinct de la ψυχη, et constituant l’élément supérieur de notre nature que restitue la rédemption.
- Dans la rectitude de la volonté et de l’intelligence, dans la possession de la vérité et de la sainteté.
- Dans l’ensemble de ces prérogatives.
Au moyen âge, on demandait si l’image divine fut donnée à l’homme dans l’acte même de la création, ou s’il la reçut ensuite par une grâce particulière ; en d’autres termes, si elle était naturelle ou surnaturelle. La plupart des scolastiques la regardèrent comme un don surnaturel, du moins quant à son élément supérieur, qui constituait, suivant eux, la ressemblance proprement dite et qu’ils nommaient la justice originelle. Cette opinion, qui a compté quelques partisans parmi les protestants, a prévalu dans l’Eglise catholique, quoique ses livres symboliques ne la consacrent pas d’une manière très formelle.
A la Réformation, ce point de la doctrine et de l’histoire biblique prit une étendue et une importance nouvelle, parce qu’il tient à l’un des dogmes les plus fondamentaux et, par cela même, les plus controversés de la théologie chrétienne ; celui du péché originel. Retenant les croyances traditionnelles, suppléant aux faits par les raisonnements, comblant les lacunes de la révélation par des inductions et des hypothèses, on se faisait alors les plus hautes idées de l’état antérieur à la chute ; on se représentait l’homme innocent tel à peu près que l’homme glorifié ; on le revêtait de toutes les perfections. C’était une maxime universellement reçue qu’Adam, avant sa désobéissance, était à tous égards bien supérieur à ce que nous sommes. Et de ces principes, une fois posés et admis, on tirait des conséquences qui étaient aussi tenues pour certaines ; car les principes, arrivés à l’empire, déroulent leurs résultats dans le monde intellectuel, comme les semences portent leurs fruits dans le monde matériel. On le voit sans cesse en théologie, en philosophie et partout.
Ainsi, par exemple, de ce que la volonté et la raison de l’homme avant la chute étaient intègres, constamment tournées l’une vers la vérité, l’autre vers le bien, on concluait qu’il était capable d’une science infiniment plus profonde et plus étendue que la nôtre, non seulement dans les choses divines, mais aussi dans les choses naturelles. Là s’arrêtaient les plus sages, qui ne déterminaient rien et ne parlaient que d’une science in potentia. Mais généralement on passait de la puissance à l’acte, on soutenait que tout ce qu’Adam avait pu savoir il l’avait su en effet, et que nul de ses descendants déchus ne l’a sur aucun point égalé ; on affirmait qu’il a été le premier des jurisconsultes, des médecins, des historiens, comme le premier des métaphysiciens et des physiciens, qu’il a réuni l’ensemble des connaissances possibles à l’homme, l’omne scibile, etc. Tout cela était encore sérieusement discuté à la fin du xviie siècle. De même qu’on traitait de la théologie des anges et des justes dans la gloire (theologia visionis), on spéculait aussi sur la théologie de l’homme innocent, et l’on avait un chapitre de theologia paradisiana.
Au xviiie siècle, on se jeta dans l’extrême opposé. Ces hautes notions de l’état primitif tombèrent de toute part, avec les notions corrélatives de la chute. La théologie désignée sous le nom général de socinienne, effaçait dans l’homme la ressemblance divine ou la réduisait à la possession des facultés rationnelles et morales et à la domination sur les animaux. L’expression d’image de Dieu avait à peu près disparu de la langue religieuse, comme celle de « régénération » et une foule d’autres.
Aujourd’hui la déclaration de la Genèse s’est hautement relevée. Elle est citée partout en philosophie aussi bien qu’en théologie, et posée comme une sorte d’axiome anthropologique où la métaphysique cherche une de ses principales bases. L’idéalisme panthéistique a comblé l’abîme que l’empirisme déistique avait creusé entre l’homme et Dieu ; et tandis que l’une de ces directions amoindrissait l’expression biblique jusqu’à lui ôter toute signification et toute portée véritable, l’autre l’étend jusqu’à transformer la ressemblance en identité. A cet égard comme à mille autres (union mystique, par exemple), la pensée du jour, insérée ou supposée dans la terminologie sacrée, s’en est fait un support et un appui. — Comme tout change avec le point de vue dominant de la science ! A quelle profondeur les principes accrédités pénètrent le système entier des idées et des choses ! quelle étrange fascination ils exercent ! Tout s’incline ou se tait devant eux ; tout se teint de leurs couleurs ; et, dès qu’ils cèdent à d’autres, la vérité de la veille devient l’erreur du lendemain… Mais nous n’avons à noter ici que la secrète et puissante influence de ces grands courants de la pensée sur la dogmatique, même orthodoxe. Quand on affirme maintenant que « l’image de Dieu constitue l’essence métaphysique de l’homme… le côté supérieur de sa nature, son πνευμαm », n’est-il pas manifeste qu’on dépasse la donnée scripturaire, seule réelle et certaine, en paraissant l’éclairer d’une lueur factice, reflet des doctrines régnantes ? Quelque apparence logique que présentent ces déductions, quelque faveur que leur accorde l’esprit qui les inspire, quelle en est au fond la valeur ? (Colossiens 2.18).
m – J. Muller, Dogm. chrét., p. 80.
Les protestants plaçaient l’image de Dieu, d’abord dans une connaissance supérieure des choses spirituelles, dans la droiture de la volonté, dans la pureté du cœur et des inclinations ; ensuite dans l’exemption de tout mal, dans l’immortalité du corps et la domination sur la création terrestre. Ils disaient l’image de Dieu 1° naturelle ; 2° née avec l’homme (innata, concreata) ; 3° transmissible ; 4° accidentelle et non essentielle. Les trois premiers caractères étaient opposés à l’opinion catholique, qui fait de la ressemblance divine ou de la justice originelle un don surnaturel, accordé après la création et non transmissible par lui-même ; le quatrième caractère était opposé à l’opinion de Flavius Illiricus, théologien luthérien qui avait voulu établir que la justice originelle d’un côté, et le péché originel de l’autre, constituaient deux états différents, non seulement sous le rapport moral, mais aussi sous le rapport métaphysique, deux véritables substances.
On conçoit difficilement, à première vue, comment l’image divine peut être dite à la fois naturelle et accidentelle. Cela tient à la double acception du mot « nature », qu’il faut noter. On appelle « nature » au sens propre ce qui fait partie de l’essence même d’une chose, d’un être, au point qu’on ne peut l’enlever sans déduire l’être ou la chose. Ainsi l’intelligence, la volonté, la liberté dans les agents moraux. Otez à l’homme la raison, le libre arbitre, la faculté de distinguer entre le bien et le mal, et de se déterminer à quelque degré pour l’un ou pour l’autre ; il cesse d’exister comme agent moral, comme être responsable ; c’est ce qui a lieu dans l’état absolu d’idiotisme ou de folie. Mais on appelle aussi « naturel », en un sens plus large, ce qui constitue une qualité générale d’un être ou d’une chose, sans être un élément essentiel, une condition sine qua non de son existence : ainsi la compassion, l’amour paternel et filial, les dispositions religieuses et morales, que nous pouvons perdre ou recouvrer, sans que l’identité de notre être soit affectée foncièrement par ces modifications, quelque profondes qu’elles soient : ces sentiments qui tiennent à notre constitution première peuvent pourtant s’en détacher ; ils forment, pour ainsi parler, une partie mobile dans le fond constitutif de l’homme. A cela se rapporte l’expression vulgaire que « l’habitude est une seconde nature. » C’est en ce dernier sens qu’on prenait le mot, quand on disait la justice d’Adam, ou l’image de Dieu en lui naturelle et accidentelle tout ensemble : on voulait marquer par là qu’elle était, non dans l’essence substantielle de l’homme, mais dans les attributs primitifs dont il avait été doué, de sorte qu’Adam avait pu la perdre en restant toujours au fond le même être.
Quoique les protestants rejetassent la distinction des Pères entre l’image et la ressemblance, ils en admettaient une, qui y touche de près, entre les facultés purement rationnelles ou métaphysiques et les facultés spirituelles ou morales. Ils disaient que les dispositions caractéristiques de l’image de Dieu étaient la sagesse qui voit et aime le vrai, la justice qui éloigne du mal, la sainteté qui attache au bien, et que c’est là ce que l’homme a essentiellement perdu par sa chute ; mais en ajoutant toutefois que cette perte a affecté toutes ses puissances natives, la corruption du cœur ayant obscurci la lumière de la raison, comme elle a perverti la droiture de la volonté et paralysé ses forces.
Sans entrer dans ces définitions et ces discussions que n’éclairent ni la conscience ni la révélation, nous bornant à recueillir les enseignements scripturaires sur l’image de Dieu, remarquons premièrement : qu’il faut y distinguer un sens large et un sens restreint ; car à certains égards cette image existe encore (Genèse 9.6 ; 1 Corinthiens 11.7 ; Jacques 3.9), tandis qu’à d’autres égards elle est altérée ou effacée, puisqu’elle doit être rétablie (Éphésiens 4.24 ; Colossiens 3.10). Ce dernier fait est une des données fondamentales de l’Evangile ; toute la doctrine de la régénération s’y appuie (Jean 1.12 ; 3.6, etc.). Si donc la différence, établie par les anciens entre l’image et la ressemblance, n’est point fondée philologiquement, elle l’est pourtant dans la réalité des choses, telle qu’elle ressort des Livres Saints ; si elle ne rend pas exactement la signification des termes bibliques, elle correspond à une face des faits bibliques. Deuxièmement : que l’Ecriture, en particulier le Nouveau Testament, faisant prédominer le point de vue religieux, ici comme partout, place cette ressemblance de l’homme avec Dieu essentiellement dans les dispositions spirituelles ou morales (Matthieu 5.45-48 ; 1 Jean 3.9-10 ; Éphésiens 5.1). Aussi le christianisme, dont un des grands buts est de nous la rendre, le fait-il en nous renouvelant dans la justice et dans la sainteté (Éphésiens 4.24 ; Colossiens 3.10). De là le rapport interne de l’εικων Θεου et de l’υιοθεσια Θεου…
Ces quelques remarques doivent nous faire sentir combien il importe de porter sur cet article, comme sur celui de la chute et sur tant d’autres, une respectueuse sobriété. L’expression biblique dont nous nous occupons, atteste un grand et glorieux privilège qui sépare l’homme du reste de la création terrestre. Mais quant à la nature intrinsèque de ce privilège, nous n’avons que des données générales au moyen desquelles on ne saurait arriver à une détermination exacte et certaine. En interprétant le fait de révélation d’après telles ou telles théories métaphysiques, on s’expose nécessairement à l’exagérer ou à l’amoindrir, on court risque de substituer une notion idéale à la réalité. Acceptons ensemble le fait et le mystère, ne nous préoccupant que de recouvrer en Christ ce que nous avons perdu en Adam ; ou, si nous tentons de pénétrer plus avant, gardons-nous de placer nos interprétations sur la même ligne que les attestations du texte sacré.