Propos sur le temps

CINQUIÈME PARTIE
DIVERS

LE TEMPS DE LA PATIENCE

Le laboureur attend…

Jacques 5.7

J’ai reçu les confidences d’une chrétienne qui se destinait à la mission. Sa mère, veuve depuis peu et non croyante de surcroît, s’opposait farouchement à son départ, persuadée qu’elle allait perdre son unique enfant. La jeune fille en fut attristée. Cependant, les réactions violentes de la maman n’entamèrent pas sa détermination de servir le Seigneur ; elles lui révélèrent plutôt que le moment de partir n’était pas encore venu. Elle accepta de temporiser sans cesser de prier et de se dévouer pour sa mère. L’épreuve lui parut bien longue, mais elle s’avéra des plus formatrices… Or, le miracle se produisit. La maman, d’abord hostile, fut gagnée à l’Évangile, et c’est elle qui donna le feu vert à sa fille. Ne valait-il pas la peine d’user de patience pour le salut et la joie d’une mère, et pour rester en.pleine communion avec elle ? Ce « temps de la patience », quoique nécessaire, n’est pourtant pas illimité, car on ne peut sacrifier sa vocation à une personne possessive et incrédule. Jésus n’a-t-il pas annoncé que de douloureux déchirements seraient le lot de ses disciples : Je suis venu mettre la division… entre la fille et sa mère (Matthieu 10.35) ?

Vous connaissez la formule qu’on prête à l’adjudant de service : Avant l’heure c’est pas l’heure ; après l’heure c’est plus l’heure. L’heure… c’est l’heure ! C’est vrai, il y a… un temps pour toute chose, affirme l’Ecclésiaste (3.1). Un peintre averti se garde de passer la deuxième couche tant que la première colle aux doigts. Qu’il écourte le délai d’attente et il gâchera sa besogne. De même, les raccourcis – les gens pressés les recherchent – ne font pas nécessairement gagner de précieuses minutes. Sauf aux heures de pointe où tout est imprévisible, pour aller du nord au sud de Paris il est préférable d’emprunter le périphérique, donc de contourner la capitale au lieu d’essuyer de nombreux feux rouges en la traversant de part en part. Itinéraire plus court, mais perte de temps.

Abraham reçoit de l’Éternel la promesse qu’il aura un fils de Sarah. Les années passent : il doute et s’impatiente. Sur les instances de sa femme, il s’unit à une Égyptienne (Agar la servante), qui lui donne l’héritier si longtemps attendu : Ismaël vient au monde… et avec lui des problèmes sans nombre. Quelques siècles plus tard, affolé de voir ses propres soldats se disperser et déserter le champ de bataille, Saül, dont le règne s’annonce béni, offre lui-même l’holocauste au lieu d’attendre Samuel, comme convenu. Il est pressé d’engager le combat. Hélas ! Que vaut un sacrifice offert dans l’insoumission et le doute ? C’est à l’obéissance que l’Éternel accorde faveur et victoire. La précipitation du roi entraîne, prématurément sa mort et la fin de son règne (1 Samuel 13.8-14).

A l’inverse de son prédécesseur, David attend l’heure de Dieu, quoiqu’il coure de graves dangers. Traqué par un roi qui cherche sa perte, le berger de Bethléem fuit çà et là avec une poignée de partisans… lorsque – ô miracle ! – Saül vient se jeter lui-même, seul et sans défense, entre leurs mains, dans la grotte où ils se cachent. Aubaine inespérée. Pour ces hommes sans cesse pourchassés, le moment est venu d’en finir avec ce roi cruel. S’il meurt, leur épreuve prendra fin et David pourra enfin gravir les marches du trône. Ce raccourci est tentant, mais le fils d’Isaï ne peut l’emprunter. Contre toute logique – épargne-t-on son ennemi ? – et contre l’avis même de ses compagnons d’infortune, il refuse d’abattre son rival. On ne porte pas impunément la main sur « l’oint de l’Éternel ». Il attendra que Dieu lui-même l’élimine. S’il frappait Saül, il pécherait contre l’Éternel et s’aliénerait du même coup les gens dévoués au roi défunt, ceux d’Éphraïm en particulier ; la plupart des tribus refuseraient de se rallier à sa couronne et l’unité de la nation en serait compromise pour longtemps. Chercher à contourner ou à supprimer une épreuve par des moyens que Dieu réprouve est une réelle tentation. L’épreuve acceptée avec patience est toujours formatrice : Il faut que la patience accomplisse une œuvre parfaite, afin que vous soyez parfaits et accomplis, et qu’il ne vous manque rien (Jacques 1.4). Il faut avouer que nous ne sommes pas naturellement portés à attendre patiemment l’heure de Dieu pour agir. Nous sommes toujours perdants à précipiter les choses. Vous n’ignorez pas que les théories en vogue et la plupart des chansons modernes incitent les jeunes à brûler les étapes. Sans doute l’éducation y est-elle aussi pour quelque chose. Aujourd’hui, hélas, dès 14 ou 15 ans déjà, le garçon « court » les filles avec la pensée de s’unir à la première qui acceptera de se livrer. Tout de suite. En tout cas, bien avant le mariage, si cette pensée l’effleure. Tel un homme qui mord dans un fruit encore vert et qu’il jette en grimaçant, ainsi sont les jeunes gens qui se donnent avant le temps : le plus souvent, ils ne tirent de leurs relations bâclées que déception et dégoût. C’est reconnu : le garçon habitué à flirter finit par mépriser la jeune fille qui lui cède. Et pourtant, c’est si beau de se découvrir comme mari et femme après des fiançailles vécues dans la chasteté ! On perd son avenir et des années de bonheur par trop d’impatience.

Certains jeunes époux se lancent dans des dépenses insensées et se couvrent de dettes pour acheter une voiture de sport ou un pavillon, avant d’en avoir vraiment les moyens. Ce n’est pas sage, car les premières années de vie commune se passent alors dans les tensions et le souci constant de joindre les deux bouts : les mensualités sont lourdes et les échéances semblent se rapprocher dangereusement. Qu’il est sage de « s’asseoir pour calculer la dépense » !

Puisse Dieu nous rendre capables de discerner son heure, c’est-à-dire le bon moment d’agir.


♦   ♦

Qui est patient sinon Dieu ? Il attendit plus de 1800 ans avant d’exécuter la sentence prononcée par Noé sur la postérité de Cham, les nations cananéennes (Genèse 9.25). Malgré de sérieux avertissements (la destruction de Sodome et de Gomorrhe par exemple), ces tribus restèrent sourdes à la voix de l’Éternel, qui patienta encore jusqu’à ce que la déchéance morale ait atteint son comble (Genèse 15.16). Et peu avant d’exécuter le châtiment promis, Dieu permit une fois de plus que ces païens idolâtres fussent prévenus (Jos. 9.24). Dieu n’était-il pas disposé à épargner quiconque se tournerait vers lui (Rahab eut la vie sauve, Josué 6.23) ? La preuve est faite : Dieu use de patience envers nous ; il ne veut pas qu’aucun périsse, mais il veut que tous parviennent à la repentance (2 Pierre 3.9).

Paul évoque le temps de la patience lorsqu’il déclare : Dieu a voulu montrer sa justice parce qu’il avait laissé impunis les péchés commis auparavant au temps de sa patience (Romains 3.25). En effet, durant des millénaires, la justice divine parut sommeiller au point que l’on était en droit de se demander si l’Éternel n’encourageait pas le mal en ne châtiant pas les coupables. Le jugement dernier serait-il une menace chimérique ? Certes, au travers des siècles les châtiments n’ont pas manqué : le déluge, la destruction de Sodome et de Gomorrhe, l’exil ainsi que d’innombrables cataclysmes ont semé la terreur sur la terre. Mais pour les hommes qui les vivaient, c’étaient de simples catastrophes naturelles, qui atteignaient sans distinction bons et méchants : des accidents comme il en arrive parfois sans qu’on éprouve le moindre sentiment de culpabilité. Parce qu’ils ont un caractère général, impersonnel, de tels malheurs n’atteignent pas les gens. Ils ne sont pas réellement confrontés avec le Juge en personne. Le méchant dit avec arrogance : L’Eternel ne punit pas… Dieu oublie… il ne regarde jamais ! (Psaumes 10.4-11). L’honneur de Dieu étant en jeu, il fallait que tôt ou tard sa justice se manifestât avec éclat. C’est pourquoi l’apôtre enchaîne : … Dieu a voulu montrer sa justice dans le temps présent, de manière à être reconnu juste, tout en justifiant celui qui a la foi en Jésus (Romains 3.26). C’est au début de notre ère (le temps présent pour l’écrivain sacré) que le Seigneur, par un acte insolite et sans précédent, a montré sa justice. Où donc ? Au Calvaire, lorsqu’il frappa son Fils, chargé de nos iniquités. Là, le péché des hommes reçut la rétribution suprême que nous méritions, à savoir la mort (Romains 6.23) : « Le salaire du péché, c’est la mort »). Se substituant au pécheur, Jésus a subi son châtiment. Nous ne pouvons contempler le Crucifié sans réaliser la gravité et la grandeur de nos iniquités (le péché n’est pas « véniel ») et sans découvrir en même temps l’immense amour dont nous sommes l’objet. Le Dieu de sainteté se punit en la personne du Fils pour épargner un être indigne de toute faveur. Le Seigneur ne pouvait nous absoudre à vil prix, car il nous eût incité à mépriser sa grâce. La Croix « démontre la grandeur de la misère de l’homme par la grandeur du remède qu’il a fallu » (Pascal). A Golgotha, Dieu se montre « juste » (mon péché reçoit le châtiment mérité) tout en justifiant (ou déclarant irréprochable) celui qui place sa confiance en Jésus et dans son œuvre de rédemption. C’est extraordinaire ! Gloire à Dieu pour son don ineffable !

QUESTIONS

  1. Êtes-vous de ceux qui agissent avec précipitation, « avant le temps » ? Avec le regret ensuite d’avoir brûlé les étapes ?
  2. N’avez-vous pas remarqué que des difficultés présentement insolubles se résolvent d’elles-mêmes avec le temps ?
  3. Relisez Jacques 1.1-4 et notez le fruit que produit la patience. Bénissez le Seigneur qui vous a « tellement aimé » !

chapitre précédent retour à la page d'index chapitre suivant