Dans la lettre que M. Lobstein nous a fait l’honneur de nous adresser à propos du tome précédenth, il nous a critiqué d’avoir séparé l’eschatologie « qui n’est que le prolongement de la sotériologie », de cette dernière. Il nous conteste la légitimité d’une séparation si tranchée entre le présent et l’avenir, entre l’œuvre rédemptrice réconciliant l’homme avec Dieu et l’œuvre réparatrice glorifiant la nature et l’univers.
h – Revue de théol. et de phil.. 1888, pages 598 et 599.
Si cette critique était inspirée par la tendance ultra-spiritualiste que nous venons de rencontrer sous la plume de MM. Bruston et Rével, elle serait atteinte par les mêmes arguments.
A ceux qui, sans renier l’interprétation réaliste des données eschatologiques, nous contesteraient l’utilité d’accorder une place de premier rang dans la dogmatique à la doctrine des choses finales, nous accorderions que les événements de la fin ne seront point des commencements absolus, mais seulement les déploiements de principes dès longtemps déposés, l’accomplissement définitif d’œuvres dès longtemps en cours d’exécution. Le mot salut lui-même désigne tour à tour dans le N. T. l’œuvre déjà faite (Actes 4.12 ; Romains 1.16), et celle qui reste à faire et qui se fera : νῦν ἐγγύτερον ἡμῶν ἡ σωτηρία, Romains 13.11 (cf. Romains 5.11 : σωθησόμεθα — ; Romains 8.24 : τῇ ἐλπίδι ἐσώθημεν).
Le N. T. n’en établit pas moins entre les faits qui se rattachent à la première venue de Christ et ceux qui se rattacheront à la seconde, un double contraste qui justifie la division que nous établissons entre eux, et le rang principal que nous assignons à l’eschatologie à la suite de la cosmologie et de la sotériologie : Christ est venu une première fois pour sauver ; il reviendra une seconde fois pour juger (Luc 9.56 ; Jean 12.47). Il est venu en bassesse, il reviendra en gloire (1 Jean 3.2) afin d’exaucer le triple et long soupir de la nature, de l’Eglise et de l’Esprit (Romains 8.18-25).
Suivant dans l’eschatologie scripturaire le même ordre que dans l’ensemble de la doctrine du salut, et passant de l’individu à la collectivité sans sacrifier l’un à l’autre, nous décomposons cette troisième partie de la dogmatique en trois sections intitulées :
- La consommation de l’individu ;
- La consommation de l’humanité ;
- La consommation de l’universi.
i – Les mêmes règles d’interprétation que nous avons appliquées à la prophétie de l’A. T. nous paraissent convenir à celle du Nouveau ; et comme cette partie des Ecritures ne peut avoir, ainsi que toute autre, qu’un but pratique et accessible à tout fidèle, nous opposons la question préalable à toute interprétation qui prétend traduire en « ans, jours et heures » les nombres symboliques de la prophétie, parce qu’elle est à la portée exclusive des historiens et des savants, ou qui m’invite à retrouver les Turcs et les Russes dans l’une ou l’autre des sept trompettes. Voir de Rougemont, La Révélation de saint Jean, et G. Rosselet, l’Apocalypse et l’Histoire.