Consignons maintenant ce que Matthieu 27.62-66 est seul à nous rapporter :
Mais le lendemain, c’est-à-dire après la préparation, les grands-prêtres et les pharisiens se réunirent vers Pilate, disant : Seigneur, nous nous sommes souvenus que cet imposteur a dit quand il vivait : Après trois jours je ressuscite. Ordonne donc que le tombeau soit gardé jusqu’au troisième jour, de peur que les disciples ne viennent le dérober et qu’ils ne disent au peuple : Il est ressuscité des morts ; cette nouvelle imposture serait pire que la première. Pilate leur dit : Prenez une garde, allez, faites garder le sépulcre comme vous l’entendrez. Et s’en étant allés, ils mirent le tombeau, après avoir scellé la pierre, sous la protection de la garde.
Le lendemain, c’est-à-dire après la préparation : Matthieu désigne ainsi le sabbat, lendemain du vendredi qui en était appelé la préparation. « Cette désignation a quelque chose de surprenant, on attendrait plutôt : le lendemain, jour du sabbat, d’autant plus que Matthieu n’a point encore parlé du jour du supplice comme un jour de préparation. Ce qui seul semble expliquer cette désignation, c’est qu’au temps où Matthieu rédigea son Évangile, on savait très bien dans l’Église que Christ était mort une veille de sabbat et qu’en conséquence la veille du sabbat y avait déjà revêtu un caractère de solennité supérieur même à celui du sabbat » (Bleek, Syn. Erkl.)
Le lendemain, c’est-à-dire après la préparation. Bleek remarque que d’après le sens habituellement donné par la Bible à cette expression du lendemain, il ne s’agit pas du soir du vendredi, après le coucher du soleil, bien que ce fût alors que commençât proprement le sabbat, mais du samedi matin. Cette opinion est aussi celle qui est généralement suivie.
Bleek fait encore observer qu’on dut sceller la pierre en y étendant des fils fixés et scellés au rocher du sépulcre, à droite et à gauche de l’entrée.
On a trouvé étrange que tandis que les apôtres avaient oublié ce que leur avait annoncé Jésus concernant sa résurrection trois jours après sa mort, les adversaires s’en fussent si bien souvenus ; mais, en définitive, nous ne saurions partager cet étonnement, et en effet :
1° C’est à ses adversaires que Jésus avait annoncé d’abord et à plusieurs reprises sa résurrection, d’une manière voilée sans doute, mais particulièrement solennelle et saisissante (Jean 2.18-22 ; Matthieu 12.38-42 ; 16.1-4 ; Luc 11.29-30) ;
2° C’est encore à ses adversaires que Jésus avait dit quelques mois avant sa mort : Mon Père m’aime, parce que je donne ma vie, afin de la reprendre… J’ai le pouvoir de la donner et j’ai le pouvoir de la reprendre. J’ai reçu cet ordre de mon Père (Jean 10.17-18) ;
3° Les grands-prêtres et les sacrificateurs avaient été en rapport avec Judas et celui-ci avait très bien pu, surtout s’il avait été interrogé, leur parler de l’annonce si précise et si répétée que Jésus avait faite à ses disciples de sa résurrection ;
4° Quand Jésus avait dit aux pharisiens : Détruisez ce sanctuaire et en trois jours je le relèverai, cette parole leur avait fait une impression si profonde et si vive qu’on y fit allusion, soit dans la séance du Sanhédrin où Jésus fut condamné (Marc 14.57-58 ; Matthieu 26.60-61), soit pendant le supplice de la crucifixion (Matthieu 27.39-40 ; Marc 15.29-30) ;
5° Le péché a si profondément troublé le cœur humain, le monde est tellement plongé dans le mal, comme le démontre l’expérience de tous les jours et de tous les siècles, que l’on comprend sans peine que la haine des adversaires de Jésus pût les rendre plus intelligents que les disciples eux-mêmes pour retenir et comprendre certaines paroles du divin Maître. L’amour et la foi des disciples avaient encore le plus grand besoin d’être fortifiés et épurés, d’abord par la résurrection même de Jésus, puis par l’effusion du Saint-Esprit.
Nous aurons plus tard l’occasion d’expliquer en quelque manière pourquoi Matthieu seul nous parle de cette garde sous la protection de laquelle fut placé le tombeau de Jésus.