La solidarité, on le sait, c’est l’influence de l’hérédité et du milieu, c’est l’action de tous sur chacun et de chacun sur tous, c’est l’enchaînement mystérieux et indéfini des vies et des volontés humaines. Dieu seul peut démêler ce qui, dans le mal qui est en nous ou que nous faisons, et dans le bien aussi, nous est personnellement imputable et ce qui ne l’est pas. Nul n’est seul coupable de ses propres fautes ; nul n’est complètement innocent de celles d’autrui (1 Timothée 5.22). Le fait de la solidarité ne supprime pas la responsabilité individuelle, mais il la limite et l’environne de toutes parts, comme l’Océan environne la terre ferme.
Saint Paul va droit au fait capital, primordial. Il y a un homme qui a fait à son image, non pas un peuple ou une époque, mais l’humanité ; c’est le premier homme, Adam. Les destinées de notre race étaient entre les mains de notre premier ancêtre. Il a péché, et les conséquences ont été terribles ; « par un seul homme, le péché est entré dans le monde et par le péché la mort » (Romains 5.12). Comme tous les hommes sont mortels, tous aussi sont pécheurs ; il ne dépend pas d’eux de ne pas l’être ; ils sont donc responsables et coupables, non de l’existence du péché dans leurs cœurs et dans leur vie, comme l’ont cru à tort saint Augustin et Calvin, mais bien de telles et telles fautes qu’ils ont commises et qu’ils auraient pu et dû éviter.
Ce rôle d’Adam explique le rôle à la fois analogue et contraire de Jésus-Christ. Puisque nous nous trouvons être héritiers du péché et de la mort sans l’avoir voulu ou en tout cas avant de l’avoir voulu, je ne veux pas dire que Dieu nous devait une réparation, l’apôtre Paul n’eût pas toléré un tel langage, pénétré comme il l’était des droits souverains de Dieu. Mais enfin, il était digne de Dieu, digne de sa justice aussi bien que de sa sagesse et de sa bonté, d’opposer au premier Adam, un second Adam, et à la solidarité du mal une solidarité du bien ; de nous faire bénéficier de la justice d’un autre, comme nous portions les conséquences du péché d’un autre ; de nous ouvrir un fleuve d’eau pure et vivifiante où nous pouvons nous laver des souillures dont nous a couverts le fleuve de boue qui procède de la première chute. C’est bien ce qu’enseigne saint Paul. « De même que par la désobéissance d’un seul homme, tous les autres ont été rendus pécheurs, ainsi par l’obéissance d’un seul, tous les autres seront rendus justes » (Romains 5.19).
Etude Biblique sur la Rédemption,
C.-E. Babut