Au sujet de la procession, cinq questions se posent :
- Y a-t-il une procession en Dieu ?
- Y a-t-il en Dieu une procession qu'on puisse appeler génération ?
- Outre la génération, peut-il y avoir une autre procession en Dieu ?
- Cette autre procession peut-elle s'appeler génération ?
- N'y a-t-il en Dieu que ces deux processions ?
Objections
1. « Procession » évoque un mouvement vers le dehors. Mais en Dieu, il n'y a ni mouvement ni dehors : il n'y a donc pas non plus de procession en Dieu.
2. Tout ce qui « procède » est autre que son principe. Mais en Dieu il n'y a aucune diversité : c'est au contraire la simplicité suprême. Donc, pas de procession en Dieu.
3. Procéder d'un autre, cela paraît s'opposer à la notion même de premier principe. Or, comme on l'a montré plus haut, Dieu est le premier principe. Il n'y a donc pas de place en Dieu pour une procession.
En sens contraire, le Seigneur dit en S. Jean (Jean 8.42) : « Je suis sorti de Dieu. »
Réponse
Touchant les réalités divines, la Sainte Écriture use de termes qui ont trait à une procession. Procession qui a été comprise en sens divers. Certains l'ont entendue à la manière dont l'effet procède de la cause : Arius disait ainsi que le Fils procède du Père comme sa première créature, et que le Saint-Esprit procède du Père et du Fils comme leur créature à tous deux. Mais dans cette hypothèse, ni le Fils ni le Saint-Esprit ne seraient vrai Dieu, contrairement à ce qui est dit du Fils, en la première épître de S. Jean (1 Jean 5.20) : « Afin que nous soyons en son vrai Fils : il est vrai Dieu. » S. Paul dit aussi du Saint-Esprit (1 Corinthiens 6.19) : « Ne savez-vous pas que vos membres sont le temple du Saint-Esprit ? » Or il n'appartient qu'à Dieu d'avoir un temple.
D'autres ont entendu cette procession au sens où l'on dit que la cause procède en son effet, en tant qu'elle le meut ou lui imprime sa ressemblance. Ainsi fit Sabellius. D'après lui, Dieu le Père lui-même s'appelle « le Fils » en tant qu'il a pris chair de la Vierge ; et il s'appelle « le Saint-Esprit » en tant qu'il sanctifie et vivifie la créature raisonnable. Mais cela va contre l'affirmation du Seigneur an 5:19) : « Le Fils ne peut rien faire de lui-même... » ; et contre tant d'autres passages qui montrent que ce n'est pas le Père qui est le Fils.
Or, à bien réfléchir, Arius et Sabellius ont pris « procession » au sens de mouvement vers un terme extérieur ; de sorte qu'aucun d'eux n'a posé de procession en Dieu même. Mais toute procession suppose une action. Et si, dans le cas de l'action qui se porte sur une matière extérieure, il y a une procession ad extra ; de même aussi dans le cas de l'action qui demeure au-dedans de l'agent lui-même, il y a lieu de considérer une certaine procession ad intra. On le voit surtout dans l'intelligence, dont l'acte, qui est l'intellection, demeure dans le sujet connaissant. En quiconque connaît, et du fait même qu'il connaît, quelque chose procède au-dedans de lui : à savoir, le concept de la chose connue, procédant de la connaissance de cette chose. C'est ce concept que la parole signifie : on l'appelle « verbe intérieur », signifié par le « verbe oral ».
Or, Dieu étant au-dessus de toutes choses, ce qu'on affirme de lui doit s'entendre, non pas à la manière des créatures inférieures, autrement dit des corps, mais par analogie avec les créatures les plus hautes, c'est-à-dire avec les créatures spirituelles ; et même empruntée à celle-ci, cette similitude reste en défaut pour représenter les réalités divines. Il ne faut donc pas entendre « procession » au sens où il s'en rencontre dans le monde corporel, soit par mouvement local, soit par l'action d'une cause sur son effet extérieur : ainsi la chaleur procède de la source chaude et atteint le corps échauffé. Il faut ici l'entendre par manière d'émanation intellectuelle, tel le verbe intelligible émanant de celui qui parle et demeurant au-dedans de lui. C'est en ce dernier sens que la foi catholique pose une procession en Dieu.
Solutions
1. Cette objection prend « procession » au sens d'un mouvement local, ou bien d'une action qui s'exerce sur une matière extérieure ou qui tend à un effet extérieur. Mais on vient de dire qu'il n'y a pas de procession de ce genre en Dieu.
2. Ce qui procède par procession ad extra, et le principe dont il procède, sont nécessairement divers. Ce n'est plus le cas pour ce qui procède intérieurement par processus intellectuel : ici au contraire, plus la procession est parfaite, plus le terme fait un avec son principe. Il est clair en effet que, mieux la chose est connue, plus la conception intellectuelle est intime au connaissant et fait un avec lui : car l'intellect, en tant précisément qu'il est en acte de connaître devient une seule chose avec le connu. Dès lors, I'intellection divine étant au sommet de la perfection, comme on l'a dit, il s'ensuit nécessairement que le Verbe divin est parfaitement un avec son principe sans la moindre diversité.
3. Procéder d'un principe comme son terme extérieur et divers : oui, cela répugne à la condition de Premier Principe. Mais procéder comme terme intime, sans diversité, par mode intellectuel, c'est inclus dans la notion de Premier Principe. En effet, quand nous disons que l'architecte est le principe de l'édifice, nous évoquons dans ce mot de « principe » la conception de son art ; et cette conception serait ainsi incluse dans l'attribut de premier principe, si l'architecte était premier principe. Or Dieu qui est le Premier Principe des choses, est aux choses créées ce que l'architecte est à ses œuvres.
Objections
1. La génération est le changement du non-être à l'être, c'est-à-dire l'opposé de la corruption ; l'un et l'autre ont pour sujet la matière. Mais rien de tout cela ne convient à Dieu. Il ne peut donc pas y avoir de génération en Dieu.
2. En Dieu, avons-nous dit, il y a procession de mode intellectuel. Mais en nous cette procession ne s'appelle pas génération. En Dieu non plus, par conséquent.
3. Quiconque est engendré reçoit l'être de son principe ; par suite en tout engendré, l'être est reçu. Mais aucun être reçu n'est subsistant par soi. Et comme l'être divin nous l'avons prouvée est subsistant par soi, il s'ensuit que l'être d'aucun engendré n'est l'être divin. Il n'y a donc pas de génération en Dieu.
En sens contraire, on lit dans le Psaume (Psaumes 2.7) : « Je t'ai engendré aujourd'hui. »
Réponse
La procession du Verbe en Dieu se nomme « génération ». Pour le montrer, distinguons deux emplois du mot génération. On l'applique d'abord dans un sens général à tout ce qui s'engendre et se corrompt ; dans ce cas, « génération » ne signifie rien d'autre que le passage du non-être à l'être. Nous en usons en second lieu, et cette fois au sens propre, à propos des vivants ; dans ce cas, « génération » signifie « l'origine qu'un vivant tire de son principe vivant conjoint » : on la nomme proprement « naissance ». Ceci pourtant ne suffit pas pour être qualifié d'« engendré » ; ce nom n'est donné proprement qu'à ce qui procède selon la ressemblance au principe. Un poil, un cheveu ne vérifie pas la condition d'engendré, ni de fils ; seul la vérifie ce qui procède selon la ressemblance ; et non pas selon n'importe quelle ressemblance ; car les vers engendrés des animaux ne vérifient pas une génération, ni une filiation, malgré la ressemblance générique. Pour qu'il y ait génération au second sens, il faut procéder selon la ressemblance spécifique, comme l'homme procède de l'homme ; le cheval, du cheval.
Dès lors, chez les vivants, comme l'homme ou l'animal, qui procèdent de la puissance à l'acte de vie, la génération inclut les deux modes susdits, changement et naissance. Mais dans le cas d'un vivant dont la vie ne passe pas de la puissance à l'acte, la procession, s'il s'en rencontre en lui, exclut absolument le premier mode de génération ; par contre, elle peut vérifier la notion propre aux vivants.
C'est donc ainsi que la procession du Verbe, en Dieu, a raison de génération. Le Verbe, en effet, procède par mode d'activité intellectuelle : et c'est là une opération « vitale » ; il procède « d'un principe conjoint » on l'a déjà dit ; et « par assimilation formelle », car le concept d'intelligence est la similitude de la chose connue ; et il « subsiste en la même nature », car en Dieu l'intellection est identique à l'être on l'a montré plus haut. Voilà pourquoi la procession du Verbe en Dieu, prend le nom de « génération », et le Verbe qui procède, celui de « Fils ».
Solutions
1. Cette objection tire argument de la génération au premier sens, celle qui comporte passage de la puissance à l'acte. Ainsi entendue, la génération ne se trouve pas en Dieu, nous l'avons dit.
2. En nous, l'acte d'intellection n'est pas la substance même de l'intellect : aussi le verbe qui procède en nous selon l'opération intellectuelle, n'a pas la même nature que son principe ; et par suite il ne vérifie pas proprement et complètement la notion de génération. Mais l'acte d'intellection divine est la substance même du sujet connaissant on l'a montré plus haut ; aussi le Verbe y procède comme un subsistant de même nature. Et pour cette raison, c'est au sens propre qu'on le dit « engendré » et « Fils ». De là vient que l'Écriture, pour désigner la procession de la Sagesse divine, fait appel à des notions propres à la génération des vivants, celles de « conception », d'« enfantement ». Ainsi le livre des Proverbes (Proverbes 8.24) fait dire à la Sagesse divine : « Les abîmes n'existaient pas encore, et j'étais déjà conçue. J'étais enfantée avant les collines. » Mais pour notre intellect, nous usons seulement du terme « conception », pour autant que le verbe de notre intellect soutient avec la chose connue un rapport de similitude, et non d'identité de nature.
3. Tout ce qui est reçu n'est pas nécessairement reçu dans un sujet ; sans quoi l'on ne pourrait pas dire que toute la substance de la chose créée est reçue de Dieu, puisqu'il n'y a pas de sujet récepteur de toute la substance. Semblablement, ce qui est engendré en Dieu reçoit bien l'être de celui qui l'engendre, sans que pour autant cet être soit reçu dans une matière ou un sujet ; car cela répugne à la subsistance de l'être divin : on le dit « reçu », parce que le terme procédant tient d'un autre l'être divin, et non pas parce qu'il serait distinct de cet être divin. La perfection même de l'être divin contient en effet et le Verbe qui procède intellectuellement et le principe du Verbe, comme aussi nous l'avons dit tout ce qui appartient à la perfection divine.
Objections
1. Il n'y a, semble-t-il, en Dieu d'autre procession que la génération du Verbe. Car en admettre une seconde, c'est se donner une raison d'en admettre encore une autre, et ainsi de suite à l'infini : or cela ne saurait être admis. Arrêtons-nous donc à la première : il n'y a qu'une procession en Dieu.
2. D'ailleurs chaque nature ne comporte qu'une manière de se communiquer. La raison en est que les opérations se multiplient et se différencient par leurs termes. Or il n'y a procession en Dieu que par communication de la nature divine. Et puisqu'il n'y a qu'une nature divine, ainsi qu'on l'a montré plus haut, il s'ensuit qu'en Dieu il n'y a qu'une procession.
3. S'il devait y avoir en Dieu une autre procession que la procession intellectuelle du Verbe, ce serait sans doute la procession de l'amour, qui s'accomplit par l'opération de la volonté. Mais cette procession ne peut pas se distinguer de la procession propre de l'intellect, puisqu'en Dieu la volonté n'est pas distincte de l'intellect, on l'a vu plus haut. En Dieu donc, pas d'autre procession que la procession du Verbe.
En sens contraire, on lit en S. Jean que le Saint-Esprit procède du Père (Jean 15.26), et qu'il est lui-même distinct du Fils (Jean 14.16) : « Je prierai mon Père et il vous enverra un autre Paraclet. ». Il y a donc en Dieu une autre procession que la procession du Verbe.
Réponse
Il y a deux processions en Dieu : celle du Verbe, et une autre. Pour le faire voir, considérons qu'en Dieu il n'y a de procession qu'en raison de l'action qui demeure en l'agent lui-même, au lieu de se porter vers un terme extérieur. Et dans une nature intellectuelle, cette action immanente se réalise dans l'acte d'intelligence et dans l'acte de volonté. La procession du Verbe appartient à l'acte d'intelligence. Quant à l'opération de la volonté, elle donne lieu en nous à une autre procession : la procession de l'amour, qui fait que l'aimé est dans l'aimant, comme la procession du Verbe fait que la chose dite ou connue est dans le connaissant. Dès lors, outre la procession du Verbe, est affirmée en Dieu une autre procession : c'est la procession de l'amour.
Solutions
1. Il n'est pas nécessaire d'aller à l'infini dans les processions divines. Car, dans une nature intellectuelle, la procession ad intra trouve son achèvement dans la procession de volonté.
2. Tout ce qui est en Dieu est Dieu, comme on l'a montré. Mais c'est là une condition qui ne se retrouve nulle part ailleurs. Il est donc vrai que la nature divine est communiquée dans toute procession qui n'est pas ad extra : mais ce n'est pas le cas des autres natures.
3. Bien qu'en Dieu intelligence et volonté ne soient qu'une même chose, il est pourtant essentiel à la volonté et à l'intellect que les processions qui s'accomplissent dans leurs opérations respectives se disposent dans un certain ordre : en effet, pas de procession d'amour qui ne dise ordre à la procession d'un verbe, puisque rien ne peut être aimé de volonté, qui n'ait été conçu dans l'intellect. De même donc qu'on doit considérer un ordre du Verbe au principe d'où il procède, bien qu'en Dieu l'intellect et le concept ne soient qu'une même substance ; de même, bien qu'en Dieu volonté et intellect ne fassent qu'un, la procession de l'amour garde une distinction d'ordre avec la procession du verbe, parce qu'il est essentiel à l'amour de procéder de la conception de l'intelligence.
Objections
1. Oui, semble-t-il, c'est une génération. Car l'être qui procède en ressemblance de nature chez les vivants, on dit bien qu'il est engendré, qu'il naît. Or ce qui procède en Dieu par mode d'amour, procède en ressemblance de nature : sans quoi il serait étranger à la nature divine, et nous aurions là une procession ad extra. Par conséquent, ce qui procède en Dieu par mode d'amour, procède comme un terme engendré et qui naît.
2. La similitude, qui est essentielle au verbe, est aussi essentielle à l'amour : « Tout être vivant aime son semblable », dit l'Ecclésiastique (Ecclésiastique 13.15). Si donc, en raison de sa similitude, il convient au verbe qui procède d'être engendré et de naître, cela convient aussi, semble-t-il, à l'amour qui procède.
3. Ce qui ne rentre sous aucune espèce d'un genre, ne fait point partie de ce genre. Donc, du fait qu'on vérifie en Dieu une « procession », il faut bien qu'outre ce nom générique, elle ait un autre nom, spécifique celui-ci. Or on n'en peut donner d'autre que celui de « génération ». Il semble donc bien que la procession d'amour en Dieu est une génération.
En sens contraire, s'il en était ainsi, le Saint-Esprit qui est le terme de cette procession d'amour, serait engendré : or S. Athanase le nie : « Le Saint-Esprit vient du Père et du Fils ; non qu'il soit fait, ni créé, ni engendré [par eux], mais il en procède. »
Réponse
La procession de l'amour, en Dieu, ne doit pas être qualifiée de génération. On s'en rendra compte par la considération que voici : entre l'intelligence et la volonté, il y a cette différence que l'intelligence est en acte du fait que la chose connue est dans l'intellect par sa similitude : la volonté, elle, est en acte, non parce qu'une similitude du voulu est dans le voulant, mais bien parce qu'il y a en elle une inclination vers la chose voulue. Il en résulte que la procession qui se prend selon le caractère propre de l'intellect est formellement assimilatrice, et pour autant il est possible qu'elle soit une génération, car celui qui engendre, c'est le semblable à soi-même qu'il engendre. A l'inverse, la procession qui se prend selon l'action de la volonté, ce n'est pas sous l'aspect d'assimilation qu'elle nous apparaît, mais plutôt comme impulsion et mouvement vers un terme. C'est pourquoi ce qui, en Dieu, procède par mode d'amour ne procède pas comme engendré, comme fils, mais bien plutôt comme souffle. Ce mot évoque une sorte d'élan et d'impulsion vitale, dans le sens où l'on dit que l'amour nous meut et nous pousse à faire quelque chose.
Solutions
1. Tout ce qui est en Dieu ne fait qu'un avec la nature divine. Ce n'est donc pas du côté de cette unité qu'on peut saisir la raison propre de telle ou telle procession, autrement dit ce qui distingue l'une de l'autre ; la raison propre de chacune des processions doit se prendre de l'ordre qu'elles soutiennent entre elles. Or cet ordre dépend de la nature propre du vouloir et de l'intellect. C'est donc d'après la nature propre de ces deux activités que chaque procession en Dieu reçoit un nom : le nom qu'on donne à une chose, en effet, veut signifier la nature propre de cette chose. Voilà pourquoi ce qui procède par mode d'amour a beau recevoir la nature divine : on ne dira pourtant pas qu'il est « né ».
2. Si la similitude appartient au verbe et à l'amour, c'est à titre différent. Elle appartient au verbe en ce sens que lui-même est une similitude de celui qui l'engendre. Quant à l'amour, ce n'est pas qu'il soit lui-même une similitude ; mais la similitude est principe d'amour. Il ne s'ensuit donc pas que l'amour soit engendré, mais que l'engendré est principe de l'amour.
3. Nous ne pouvons nommer Dieu que par emprunt aux créatures, on l'a dit plus haut. Et comme, dans la créature, il n'y a communication de la nature que par génération, la procession en Dieu n'a pas d'autre nom d'espèce que celui de génération. Dès lors, la procession qui n'est pas génération est demeurée sans nom d'espèce : on peut cependant l'appeler « spiration » puisque c'est la procession de l'« Esprit ».
Objections
1. De même qu'on attribue à Dieu la connaissance et le vouloir, on lui attribue aussi la puissance. Donc, si l'on conçoit deux processions en Dieu selon la connaissance et le vouloir, il faut en concevoir une troisième selon la puissance.
2. La bonté est par excellence principe de procession, puisqu'on dit que le bien est diffusif de soi. Il faut donc concevoir en Dieu une procession selon la bonté.
3. En Dieu, la fécondité a plus de puissance qu'en nous. Or en nous la procession du verbe n'est pas unique, mais multiple ; en effet, d'un verbe en nous procède un autre verbe ; et pareillement d'un amour, un autre amour. Donc en Dieu aussi, il y a plus de deux processions.
En sens contraire, ils sont deux seulement qui procèdent en Dieu : le Fils et le Saint-Esprit. Il n'y a donc en lui que deux processions.
Réponse
En Dieu on ne peut concevoir de procession que selon les actions qui demeurent dans l'agent. Or, des actions de ce genre, dans une nature intellectuelle et divine, il n'y en a que deux : l'intellection et le vouloir. Car la sensation, qui semble aussi une opération immanente au sujet sentant, n'appartient pas à la nature intellectuelle ; elle n'est d'ailleurs pas complètement étrangère au genre des actions ad extra, puisque la sensation s'accomplit par action du sensible sur le sens. Il reste donc qu'en Dieu, il ne peut y avoir d'autre procession que celle du verbe et de l'amour.
Solutions
1. La puissance est principe de l'action qu'on exerce sur autre chose ; l'action évoquée par l'attribut de puissance est donc l'action ad extra. Dès lors, la procession évoquée dans ce même attribut n'est pas la procession d'une personne divine ; ce n'est que la procession des créatures.
2. Au dire de Boèce, le bien concerne l'essence, et non pas l'opération, sinon à titre d'objet de la volonté. Et comme il nous faut concevoir les processions divines à raison de quelque action, la bonté et les attributs du même genre ne nous donnent pas à saisir d'autres processions que celles du Verbe et de l'Amour, en tant que Dieu connaît et aime son essence, sa vérité et sa bonté.
3. C'est par un acte unique et simple que Dieu connaît tout, et pareillement veut tout ; on l'a dit plus haut. Il ne peut donc pas y avoir en lui de verbe procédant d'un autre verbe, ni d'amour procédant d'un autre amour ; il n'y a en lui qu'un Verbe parfait et qu'un Amour parfait. Et c'est en cela que se manifeste sa parfaite fécondité.