Il y a… un temps pour se taire et un temps pour parler.
Un spécialiste de renom affirmait qu’une personne normale utilisait en moyenne 25 à 30 000 mots par jour. Imprimés, ces mots formeraient un livre d’environ 150 pages. Ce qui signifie qu’au terme d’une année, vous et moi avons « parlé » chacun… 365 livres. Et en fonction de votre âge, calculez le nombre d’ouvrages que vous avez eu le loisir, non de rédiger, mais de parler. Tous du même auteur. Une vraie bibliothèque. Fécondité redoutable puisque toute parole est enregistrée par le Créateur. La parole n’est pas sur ma langue que déjà, Éternel ! tu la connais entièrement (Psaumes 139.4). Plus inquiétant encore est d’apprendre ou de se rappeler que Dieu n’oublie aucun de nos propos. Pas un seul livre ne sera enlevé des rayons ou retiré de la circulation. Le Seigneur a bonne mémoire et au jour du jugement, les hommes rendront compte de toute parole vaine qu’ils auront proférée (Matthieu 12.36).
En général nous parlons trop. Tenir sa langue en bride (Jacques 3.2) est une chose importante, mais hors de notre portée si Dieu ne nous vient en aide. Comme David, demandons lui de veiller sur notre bouche et de garder la porte de nos lèvres (Psaumes 41.3).
Lors d’une émission à la télévision, un jeune homme de 17 ans fut interrogé par trois spécialistes chevronnés. Pour gagner, il fallait tenir dix minutes sous le feu nourri de questions pièges : interdiction était faite de répondre par « oui » ou par « non », deux petits mots qui sautent sur le bout de la langue sans prévenir. Avant lui, deux candidats malheureux n’avaient pas résisté plus d’une minute, alors que ce garçon vint à bout de l’épreuve sans prononcer l’un de ces mots fatidiques qui déclenchaient l’impitoyable coup de gong. Émerveillé, l’un des questionneurs s’informa :
— Mais comment faites-vous pour tenir si longtemps sans laisser échapper un « oui » ou un « non » ? Dix minutes, c’est long !
— Oh ! Rien d’extraordinaire ! Je me suis entraîné des semaines et des mois durant. Je tenais fermement à gagner.
Un bel exemple !
Je sais qu’il ne suffit pas d’un effort de volonté et d’un long entraînement pour juguler une langue insaisissable comme une savonnette dans l’eau du bain. Je resterai négatif et médisant tant que mon cœur sera chargé de rancœur ou de jalousie. Une purification s’impose pour changer de langage et tenir sa langue en bride : N’est-ce pas de l’abondance du cœur que la bouche parle (Matthieu 12.34) ? Cependant, je ne ferai aucun progrès si je ne suis pas résolu à museler ce « petit membre » qui fait tant de ravages et nous dérobe tant de précieuses minutes.
Justement, en pensant au gaspillage de temps passé en vains bavardages, il nous semble à propos de citer une page des Pensées du matin d’Alfred Boegner, de simples notes écrites au siècle dernier :
Temps perdu, forces perdues par les paroles inutiles et quelquefois mauvaises.
Que de conversations pour tuer le temps, pour retarder l’effort inévitable.
Alors, je veux éviter les paroles qui font du mal, soit à des absents, soit à moi-même. Ici, je pense, non à la médisance, mais à tant de constatations banales, superflues et répétées au sujet de ce qui ne va pas, tant de paroles perdues pour analyser des situations, revenir sur le passé, redire la part que tel ou tel y a prise…
Donc, sobriété dans les paroles. Pour cela, un moyen : tout dire à Dieu. Lorsque c’est fait, je suis bien mieux disposé envers les autres, je désire les aider, les encourager, porter leur fardeau. Quand l’entretien avec Dieu a manqué, le cœur se dégonfle dans le cœur de l’homme ; de là les conversations inutilement longues et répétées. Certes, je ne veux pas me priver ou priver les autres des épanchements, mais en finir avec les paroles vaines, les fatigantes redites, les propos amers ou simplement inutiles.
Il faut éviter les appels à la sympathie des autres, appels qui trahissent souvent des préoccupations personnelles : « Dis tout à ce Frère. » Puis va vers les autres. Écoute-les plus que tu ne leur parleras toi-même.
Mourir à soi dans la parole, dans les conversations, c’est un grand devoir…
Ce qui précède ne doit pas pour autant nous inciter à rester muet. S’il y a un temps pour se taire, il en est un autre pour parler. La parole – ce serait grave de l’oublier – est un don de Dieu. Quoiqu’elle soit « un petit membre », la langue peut accomplir des merveilles. C’est un grand privilège de pouvoir tenir des propos qui sauvent ou édifient, qui consolent ou avertissent, surtout qui magnifient le Seigneur. La louange lui est agréable, infiniment plus que les grands sacrifices (Psaumes 69.32). Ah ! comme je voudrais pouvoir offrir à Dieu une « bibliothèque » dont chaque volume, chaque page et chaque mot lui sont dédiés. Hélas, mes lèvres ont été tant de fois impures dans le passé que je désespérerais si je n’étais assuré de la fidélité de Dieu qui pardonne abondamment (Esaïe 55.7). Sa grande miséricorde m’incite à veiller constamment afin qu’aucune parole de ma bouche ne le déshonore, ne ternisse sa gloire ou ne lui manque de respect.
Alors, ceux qui craignent l’Éternel se parlèrent l’un à l’autre ; l’Éternel fut attentif et il écouta… (Malachie 3.16).
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