J’étais malade et vous m’avez visité. Matth., XXV, 36.
Donnée de Dieu aux hommes pour détacher leurs affections d’un monde qui périt, et pour les diriger vers le salut et la vie, la religion devient surtout pour eux une source de consolation et de force. Il faut donc s’attendre à retrouver auprès du lit des malades les ministres de la Parole, chargés de l’administrer à tous selon leurs besoins.
Cette partie de leur pieux ministère leur a toujours paru digne de leurs soins les plus assidus, de leur plus sérieux intérêt. On comprend tout d’un coup que la visite des pasteurs aux malades ne peut être assujettie à une forme liturgique et sacramentelle. Elle consiste, selon l’occasion, en conseils, en exhortations, en lectures et en prières. Cette fonction exige, plus que toute autre, l’exercice d’une grande discrétion et d’une charité à toute épreuve. C’est ici surtout que se manifeste le chrétien de cœur.
Attentif aux souffrances de ses frères, il accourt à leurs cris ; que dis-je ! Il devance souvent leur appel. Ceux qu’il a bénis dans la ratification du vœu baptismal ou dans la sainte joie du mariage, ne viendrait-il pas encore les bénir au milieu de la souffrance et de l’angoisse ! Ce spectacle de douleurs déchire son cœur d’ami ; mais il sait que Dieu sanctifie pour plusieurs ces heures d’épreuves ; il profite donc de ces moments favorables où Dieu semble adresser aux hommes de nouveaux appels et des avertissements plus solennels, pour disposer les âmes qui lui sont confiées à répondre à cette voix céleste par une entière soumission.
Ceux des fidèles qui comprennent toute l’importance des consolations évangéliques au milieu des douleurs de la vie, se hâtent d’appeler leur pasteur aussitôt que la main de l’affliction s’appesantit sur eux ; mais, hélas ! trop souvent, par une contradiction dont il n’est pas aisé de rendre compte, il en est qui, redoutant que l’apparition d’un homme grave et sérieux dans leur maison ne porte l’épouvante dans l’âme du malade, n’appellent le pasteur auprès de lui qu’à la dernière extrémité, c’est-à-dire lorsque ses dernières angoisses démontrent qu’il lui reste trop peu de sensibilité pour qu’il soit fortement ému par les événements extérieurs, et encore assez de vie pour que le pasteur soit dispensé du scandale d’administrer les secours de la religion à un cadavre inanimé.
Dans les temps les plus orageux pour l’Église, les pasteurs ne se sont jamais ralentis dans les soins qu’ils donnaient aux malades, et souvent on les vit affronter les plus grands dangers, se glisser furtivement dans l’ombre, et, à l’aide d’un déguisement, s’introduire dans la maison d’un frère expirant, pour lui fermer pieusement les yeux. Et nos aumôniers en Crimée et en Italie n’ont pas failli à leurs périlleux devoirs.
Aujourd’hui, les progrès de la piété donnent à ces soins religieux un intérêt plus grand encore. Le préjugé qui attribue un effet sinistre à la première visite de l’homme de Dieu dans la maison du fidèle s’efface de plus en plus.
On demande du pasteur des visites plus fréquentes, plus longues, et par conséquent plus fructueuses, et, dans plusieurs familles, on n’attend plus que le malade soit arrivé au dernier période de souffrance ou d’atonie pour lui faire entendre la Parole du salut.
Dans ces circonstances, les ministres de la Parole ne manquent pas de profiter du moment favorable pour rappeler à leur frère malade l’état de péché et de misère dans lequel tous les enfants d’Adam sont plongés, et la nécessité où ils se trouvent tous de se convertir et d’être régénérés pour entrer dans la vie.
Les pasteurs annoncent ces grandes vérités avec tous les ménagements que commande la charité, mais aussi avec toute la fidélité que le devoir leur impose. Il ne s’agit pas d’endormir une âme malade, il s’agit de la réveiller et de la guérir.
Mais, après avoir ainsi annoncé les exigences de la loi, les ministres de la Parole se hâtent d’exposer les trésors de la miséricorde divine. Ils parlent du Dieu patient, lent à la colère, abondant en, grâces ; ils annoncent le Seigneur Jésus obéissant pour les pécheurs, crucifié à leur place, les appelant, les sollicitant, les attirant, les liant à lui par des cordeaux d’amour. Ils ouvrent aux yeux du mourant la glorieuse perspective de la vie à venir, la splendeur d’un ciel préparé et habité par Jésus ; puis ils prient, ils assiègent le trône de sa gloire en faveur de ce fidèle qui se débat contre la mort, et qui, peut-être quelques instants après, comparaîtra devant son Juge suprême.
Ils demandent à Dieu de l’éclairer, de le convertir, de le sauver, de lui multiplier les dons de son Esprit. Ils prient aussi pour les membres de sa famille, pour ses enfants qu’il va laisser orphelins, pour sa femme qu’il va laisser veuve, pour tous les chrétiens qu’un sentiment de pieuse compassion avait réunis autour du lit de douleur ; et, en se retirant, ils laissent dans la maison d’affliction un parfum d’espérance et de paix évangélique que la foi chrétienne peut seule et donner et comprendre.