A la fin de la Genèse, Israël n’est encore qu’une famille. Au commencement de l’Exode, c’est un peuple.
Rien sur cet intervalle de quelques siècles. Mais après tout, ce silence ne doit pas nous surprendre ; cette longue période d’accroissement et de multiplication n’a dû présenter aucun événement bien digne de remarque. La vie de ces tribus de pasteurs devait être très simple ; qu’est-ce donc que l’histoire des Arabes avant Mahomet ? D’ailleurs, n’oublions pas que le peuple d’Israël n’a d’importance aux yeux de la Bible qu’en tant qu’il sert d’organe à la révélation. Quelles lacunes ne présente pas le temps des Juges ? Que savons-nous sur l’exil de Babylone et sur le temps qui s’est écoulé d’Esdras aux Macchabées, ou des Macchabées à Jean-Baptiste ?
Il est probable que les enfants d’Israël demeurèrent en majeure partie dans le pays de Goscen, fidèles au genre de vie de leurs pères. On peut conjecturer, d’après 1 Chroniques 7.21, qu’ils firent de là quelques excursions dans la direction de l’Orient. Gad et Ruhen semblent s’être appliqués avec un succès particulier à l’élève du bétail (Nombres 32.1). Toutefois, le peuple avait déjà des demeures fixes et même des villes, et des passages comme Exode 1.14 ; Nombres 11.5, et surtout Deutéronome 11.10, nous montrent qu’il n’était pas demeuré étranger aux travaux agricoles. Mêlés comme ils l’étaient à là population indigène (Exode 3.22 ; 12.33), les Israélites devaient nécessairement subir l’influence de la civilisation égyptienne qui, dès ces temps reculés, avait atteint un très grand développement. C’est une erreur complète que de se représenter les Israélites à leur sortie d’Egypte comme une horde de nomades rudes et sans aucune culture. Le Pentateuque nous les dépeint comme un peuple de col raide, mais non pas comme un peuple sauvage. Du temps des patriarches, pour ne citer qu’un exemple, nulle trace d’écriture ; lors de la sortie d’Egypte, au contraire, certains employés portent le nom de scribes (shoterim), et, en effet, les monuments de l’Egypte prouvent que l’art de l’écriture a été répandu dans ce pays dès la plus haute antiquité.
En vrais Sémites, les Israélites prirent la famille pour base de leur constitution civile. Les représentants immédiats du peuple sont, d’après Exode 3.16, des anciens, des pères de famille jouissant d’une considération particulière. Puis il y avait les scribes ou secrétaires, appelés dans nos traductions commissaires ou préposés, et qui étaient des Israélites, comme les anciens, tandis que anciens et secrétaires étaient subordonnés à des employés égyptiens nommés exacteurs (Exode 5.6 et sq.)
Quant à l’état religieux des enfants d’Israël à la fin de leur séjour en Egypte, il n’était pas des plus satisfaisants. Ils avaient, pour la plupart, grand besoin qu’on vînt réveiller dans leurs esprits la mémoire des promesses faites jadis aux patriarches et même le souvenir du Dieu de leurs pères. Il résulte de passages positifs, tels que Josué 24.14 ; Ézéchiel 20.7 ; 23.8-19, et des pratiques idolâtres auxquelles le peuple se livra dans le désert, qu’en Egypte déjà les enfants d’Israël avaient été plus ou moins infidèles au vrai Dieu. Le veau d’orc (Exode ch. 32) est une imitation du bœuf Apis ; le culte des boucsd (Lévitique 17.7), une réminiscence du culte de Mendès, le dieu Pan des Egyptiens (Hérodote 2.46). On peut conclure de Lévitique 18.21 ; 20.2 que déjà alors le culte du dieu du feu, Moloch ou Milcom, fort répandu chez les peuples qui avoisinaient l’Egypte du côté de l’Orient, avait pénétré chez les Israélites. Le prophète Amos (Amos 5.26) reproche à ses compatriotes d’avoir voulu combiner le culte de Moloch avec celui de l’Éternel. Une semblable combinaison est d’autant plus facile à concevoir que Moloch, qui représentait la nature sous son côté redoutable, offrait avec le Dieu jaloux des Israélites une certaine analogie, une de ces analogies, bien entendu, telles qu’il en peut exister entre une figure parfaitement belle et sa caricature, entre un Dieu jaloux par sainteté, et une puissance aveugle qui ne peut être apaisée que par des sacrifices humains.
c – A proprement parler, c’était un taureau.
d – Et non pas des démons.
Il n’y a pas bien longtemps encore qu’il était de misee de considérer le culte de Moloch ou de Saturne comme le culte primitif des Israélites. Nous reconnaissons que Moloch a trouvé de fort bonne heure et plus tard encore, après Achas, de trop nombreux adorateurs chez les Israélites. Mais vouloir faire passer un culte que l’A. T. condamne sévèrement pour le point de départ de la religion de l’A. T., c’est de la prestidigitation, mais à coup sur ce n’est pas de la science.
e – Vatke, Ghillany, Daumer, etc.
Ainsi, c’est dès leur séjour en Egypte que les Israélites ont contracté l’habitude du syncrétisme religieux qui les caractérise, et qui fait qu’à tout prendre ils n’ont jamais rien inventé en fait d’idolâtrie.