Dans son étude de 1847, parue dans la Réformation au xixe siècle, Mr Schérer, au temps où il était un pilier de l’orthodoxie calviniste, écrivait qu’en dehors du cercle méthodiste, Wesley était très peu lu et cité. Voici ce que lui répondit Charles Cook, dans son écrit, Wesley et le wesleyanisme justifié, 1849.
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C’est là, il faut l’avouer, une manière bien singulière de juger les mérites d’un théologien, en écartant premièrement le témoignage de ceux qui l’admirent. Elle n’a de parallèle que dans la prétention de quelques écrivains incrédules qui disent qu’il faut récuser le témoignage rendu à l’Évangile par les premiers chrétiens ou les Pères apostoliques, parce qu’ils étaient des témoins intéressés ; et ne recevoir les miracles des premiers temps que sur le témoignage des païens qui les auraient vus sans être convertis par leur moyen ! Notre savant adversaire ne fait-il pas comme ces incrédules ? Des milliers de fauteurs d’une doctrine de prédestination qui fait de Dieu l’auteur de tout le péché qui est au monde, ont été convaincus par les écrits de Wesley que cette erreur n’est pas moins nuisible à l’homme qu’elle n’est déshonorante pour Dieu ; et qu’elle n’est pas plus scripturaire que raisonnable. Dans ces convictions, ils ont abandonné les Églises où ces doctrines sont enseignées, pour se joindre à quelque Église wesleyenne. Les écrits de Wesley sont très estimés par eux ; ils se les procurent, ils les étudient avec délices, ils les citent souvent ; n’importe, leur témoignage est nul, ils sont de l’Église de Wesley ! Pour que leur opinion eût quelque valeur pour le docteur, il aurait fallu qu’ils les eussent lus sans être convaincus par cette lecture, et qu’ils les eussent cités après avec approbation ! Et Luther et Calvin, dont il rappelle les noms par opposition à Wesley, est-ce qu’ils reçoivent plus que lui des témoignages de respect de la part de ceux qui estiment qu’ils se sont égarés dans des erreurs grossières ? Je ne le pense pas.
« Il est très peu lu ! » Nous pensons, au contraire, que pour un exemplaire des écrits de Luther ou de Calvin, il s’en vend au moins cent des écrits de Wesley.
Mais il y a une autre raison pour laquelle Wesley n’était pas cité comme théologien ; c’est qu’il était quelque chose de mieux ; il fut, dans le meilleur sens du mot, un réformateur. Il participait en conséquence aux opprobres des prophètes et des apôtres ; il fut haï et méprisé par le monde qu’il aimait, et à la régénération duquel il se consacrait. Le citer aurait été s’exposer à avoir part aux outrages qu’on lui prodiguait. Mais combien serait superficiel le jugement qui déciderait de l’influence théologique des écrits de Wesley en comptant les citations qu’on en aurait faites ! Dans une telle question, des moyens si mesquins sont fort au-dessous du sujet. L’impression faite par Wesley sur la théologie de son pays et de son siècle a des traits qu’une partialité plus qu’ignorante peut seule méconnaître. Voyez les modifications de tout genre que le calvinisme a subies depuis ce théologien si peu influent ; modifications que ses défenseurs ont été contraints d’inventer ou d’adopter pour faire face à l’arminianisme évangélique qu’il a remis en lumière ! M. Schérer avoue lui-même que du temps de Wesley « le calvinisme se résumait dans une assertion antinomienne de la prédestination ». D’où vient qu’il n’en est plus ainsi, et que les prédicateurs calvinistes de nos jours évitent avec soin et condamnent avec courage l’antinomisme que leurs prédécesseurs proclamèrent, si ce n’est de l’influence théologique du wesleyanisme ? « Les calvinistes du temps de Wesley », nous dit encore M. Schérer, « en proclamant que le Sauveur n’avait souffert que pour les seuls élus, tombaient facilement dans une manière de parler peu scripturaire, et prêchaient quelquefois l’Évangile comme s’il n’était pas destiné et offert à tout le monde » ; et il pense que « la distinction féconde » d’une rédemption virtuelle et actuelle suffit pour mettre les calvinistes à leur aise sur ce point. Mais ce subterfuge, que la grande âme de Calvin aurait dédaigné, et tant d’autres par lesquels on essaie d’étayer et de badigeonner un édifice qui s’écroule, qu’est-ce qui les a rendus nécessaires ? C’est l’influence toujours croissante des vérités auxquelles les écrits de Wesley et de ses fils dans la foi ont donné une si grande extension !
Voyez encore les nouvelles confessions de foi promulguées de nos jours. Les doctrines distinctives du calvinisme y sont passées sous silence, et les nouvelles Églises se sont tacitement affranchies d’un joug qui, plus que tout autre, aurait entravé leurs progrès évangéliques. C’est un présage heureux pour le monde, mais n’est-ce pas aussi un indice de l’influence des écrits de Wesley ?
Charles Cook