L’Imitation de Jésus-Christ, traduite en vers français

2
De l’humble soumission

        Ne te mets pas beaucoup en peine
        De toute la nature humaine
Qui t’aime ou qui te hait, qui te nuit ou te sert ;
Va jusqu’au Créateur, mets ton soin à lui plaire,
            Quoi que tu veuilles faire ;
Et s’il est avec toi, marche à front découvert.
        La bonne et saine conscience
        A toujours Dieu pour sa défense,
De qui le ferme appui l’empêche de trembler,
Et reçoit de son bras une si forte garde,
            Quand son œil la regarde,
Qu’il n’est point de méchant qui la puisse accabler.
        Quoi qu’il t’arrive de contraire,
        Apprends à souffrir, à te taire,
Et tu verras sur toi le secours du Seigneur.
Il a pour t’affranchir mille routes diverses,
            Et sait dans ces traverses
Quand et comme il en faut adoucir la rigueur.
        C’est en sa main forte et bénigne
        Qu’il faut que l’homme se résigne,
Quelques maux qu’il prévoie ou puisse ressentir ;
A lui seul appartient de nous donner de l’aide ;
            A lui seul le remède
Qui de confusion nous peut tous garantir.
        Cependant ce qu’un autre blâme
        Des taches qui souillent notre âme,
Souvent assure en nous la vraie humilité ;
Souvent le vain orgueil par là se déracine,
            L’amour-propre se mine,
Et fait place aux vertus avec facilité.
        L’homme qui soi-même s’abaisse,
        Par l’humble aveu de sa faiblesse,
Des plus justes fureurs rompt aisément les coups,
Et satisfait sur l’heure avec si peu de peine,
            Que la plus âpre haine
Ne saurait contre lui conserver de courroux.
        L’humble seul vit comme il faut vivre :
        Dieu le protège et le délivre ;
Il l’aime et le console à chaque événement ;
Il descend jusqu’à lui pour lui montrer ses traces ;
            Il le comble de grâces,
Et l’élève à la gloire après l’abaissement.
        Il répand sur lui ses lumières
        Et les connaissances entières
De ses plus merveilleux et plus profonds secrets ;
Il l’invite, il l’attire à ce bonheur extrême,
            Et l’attache à soi-même
Par la profusion de ses plus doux attraits.
        L’humble ainsi trouve tout facile,
        Toujours content, toujours tranquille,
Quelque confusion qu’il lui faille essuyer ;
Et comme c’est en Dieu que son repos se fonde
            Sur le mépris du monde,
En Dieu malgré le monde il le sait appuyer.
        Enfin c’est par là qu’on profite,
        C’est par là que le vrai mérite
Au reste des vertus se laisse dispenser.
Quelque éclat qu’à leur prix les tiennes puissent joindre,
            Tiens-toi de tous le moindre,
Ou dans le bon chemin ne crois point avancer.

chapitre précédent retour à la page d'index chapitre suivant