Divers degrés d’union à l’Église. — Membres « de fait » et membres « de droit ». — Ministres. — Deux classes générales : « Ministres extraordinaires » et « Ministres ordinaires ». — Leur office respectif. — La mission des premiers fut temporaire, celle des seconds doit être perpétuelle.
Membres de l’Église. — Quiconque est uni à Jésus-Christ par une foi vivante et marche selon l’Esprit, est membre de l’Église invisible, ou intérieure. Quiconque fait profession de Christianisme est membre de l’Église visible. Quiconque adhère à la doctrine, au culte, à la discipline d’une église particulière, est membre de cette église.
On peut considérer comme étant dans l’Église extérieure, tous les habitants du monde chrétien, même les indifférents et les incrédules, car, qu’ils le veuillent ou non, ils sont à beaucoup d’égards sous l’influence du Christianisme, ils se trouvent en contact avec ses principes comme avec ses disciples ; « le Royaume de Dieu s’est approché d’eux » ; ils appartiennent à la Chrétienté. Mais peut-on les considérer tous comme étant de l’Église, même dans le sens le plus indéterminé ? Ce serait certes un latitudinarisme excessifa. Il est nécessaire de poser une limite. Comme c’est la foi vivante, avec ses œuvres, qui rend membre de l’Église invisible, c’est la profession de foi, avec les actes qu’elle entraîne, qui rend membre de l’Église visible. Cela semble indiqué dans la parabole du festin par la robe de noces et par l’entrée dans la salle (élus, appelés).
a – Image de la Vigne, nom fréquemment donné à l’Église dans les Saintes Ecritures. Là, les sarments qui portent du fruit doivent seuls rester unis au cep ; les sarments stériles sont destinés à être retranchés : séparés du cep, leur sort est d’être brûlés (Jean 15.1-8).
Il en est de même des églises particulières. Il ne suffit pas, pour leur appartenir réellement, d’être né dans leur sein, ou d’avoir participé d’une ou d’autre manière à quelqu’une de leurs cérémonies ; il faut adhérer à leur symbole, si elles en ont un, et s’unir à leur culte. Une Église particulière étant une conception du Christianisme réalisée en institution, une Société fondée pour développer, soit en elle, soit hors d’elle, la vérité et la vie chrétienne sous une forme déterminée, nul ne peut être regardé comme faisant partie de cette église, s’il n’en admet pas, au moins extérieurement, la doctrine constitutive, le principe caractéristique, la pensée et la direction fondamentale, de même que nul ne peut être regardé comme membre de l’Église générale, s’il n’admet pas, du moins à quelque degré, le Christianisme.
On entre dans l’Église en entrant dans le monde ; on est ainsi mis en rapport avec les lumières et les grâces qu’elle répand, on est élevé par ses soins dans la connaissance de la vérité ; mais après en avoir été membre de fait, il faut en devenir membre de droit, il faut déclarer qu’on s’unit à elle par conviction et parce qu’on la tient pour évangélique.
Ce principe est reconnu par toutes les grandes communions chrétiennes. Elles baptisent dès l’enfance, mais elles n’admettent à la Cène qu’à un âge plus avancé, après une instruction et une épreuve plus ou moins sérieuses, et elles font confirmer alors le vœu du baptême.
Ce principe, pris en soi, concilie les intérêts et les droits des enfants avec les préceptes de la morale, qui veulent que personne ne soit engagé par autrui sans son consentement, de même qu’avec la liberté et la responsabilité personnelles, qui ressortent de l’esprit de l’Évangile.
L’usage des deux sacrements, envisagé sous ce rapport, est une manifestation sensible du double caractère de l’Église, savoir son caractère d’« institution divine », auquel se lient des bénédictions spéciales dont on doit se hâter de faire jouir les nouveau-nés, et celui de « libre association », qui suppose une connaissance préalable et une adhésion volontaire.
Mais si le principe est universellement reçu, il est, en général fort mal compris, et plus mal suivi encore. On ne voit guère que des formalités dans les coutumes et les règles saintes qu’il a produites, dans les promesses baptismales et dans leur renouvellement. Plus on se pénètre du véritable esprit de ces pratiques religieuses, plus aussi on les trouve graves et solennelles dans leur simplicité, plus on reconnaît l’obligation de retarder autant que possible l’âge de la première communion, de soigner, plus qu’on ne le fait communément, l’instruction catéchétique de l’enfance et de la jeunesse, et d’éclairer les chefs de famille sur ce point.
Tout cela implique, on le voit, le droit d’admission et d’exclusion, que toutes les églises se reconnaissent, alors même qu’elles n’en font point usage. Toujours cet idéal auquel le réel répond si peu.
La sagesse veut qu’on travaille à vivifier cette constitution où ont conduit l’expérience et la conscience chrétienne, plutôt que de briser ce qui est sous prétexte qu’il n’est pas ce qu’il devrait être, et de se jeter dans des essais aventureux, qui d’ordinaire ne corrigent un mal que par un mal plus grand.
Bien des causes placent de plus en plus notre Église dans la nécessité de ramener le fait au principe ou au droit. Notons, en particulier, son retour à l’élection, événement d’une gravité et d’une portée incalculables, auquel on semble à peine prendre garde. Dans le suffrage universel, tel qu’il s’est constitué, et dans un état religieux tel que le nôtre, le fait et le droit sont tellement discordants qu’il doit en sortir des luttes et des ruptures sans fin, si l’on n’y pare de quelque manière. La masse indifférente, formaliste, incrédule, qui domine partout, remuée par l’esprit de parti, peut faire pencher de toutes parts et en toute chose vers le minimum de christianisme. Faudra-t-il que l’Église livre ses fonctions administratives et, par suite, sa direction générale à des hommes qui ne lui appartiennent que nominalement, qui sont étrangers ou même hostiles à ses croyances fondamentales ? Il y a là évidemment des règles à établir ; et c’est par là qu’on aurait dû commencer. Le principe de l’élection est excellent en soi ; mais il ne l’est que sous des conditions normales ; et la première de ces conditions, c’est qu’il s’adapte à l’esprit et au but de la Société religieuse, qu’il serve au maintien et au développement de sa charte constitutionnelle. Or, dans la disposition actuelle des esprits, le suffrage universel peut aller à l’encontre de ces fins et n’être qu’un dissolvant de plus.
Ministres de l’Église. — Jésus-Christ a donné les uns pour être « apôtres », les autres pour être « prophètes », les autres pour être « évangélistes » et les autres pour être « pasteurs et docteurs » (Éphésiens 4.11). Nous avons là quatre ordres de ministres, que nous pouvons ranger en deux classes générales, les ministres extraordinaires (apôtres, prophètes, évangélistes) et les ministres ordinaires (pasteurs et docteurs). — Nous négligeons les subdivisions indiquées dans des passages tels que Romains 12.6-8 ; 1 Corinthiens 12.28, qui marquent des fonctions plutôt que des ministères, et sur lesquels d’ailleurs les commentateurs sont peu d’accord. (Voy. M. Stuart, Bloomfield). —
L’office des « ministres extraordinaires » fut de donner au monde la révélation et d’y constituer le Christianisme et l’Église ; ils reçurent pour cela des pouvoirs exceptionnels et surnaturels. L’office des « ministres ordinaires » est de travailler à l’édification et à la conversion des âmes, à l’affermissement et à l’avancement du règne de Christ, en prenant pour règle la parole des premiers hérauts de l’Évangile qui est la parole de Dieu. La mission des uns fut temporaire, celle des autres doit être perpétuelle. Les dons communiqués aux ministres extraordinaires, la nature de leur œuvre et de leur charge, prouvent que leur mission ne devait pas se continuer. Ils furent les fondateurs et les législateurs inspirés de l’Église, prérogatives toutes spéciales qui n’ont pu passer à d’autres. Les pouvoirs miraculeux et prophétiques dont ils étaient revêtus cessèrent peu à peu lorsque le Christianisme eut jeté des racines assez profondes et que ses bases furent affermies. Ils n’ont donc pas de successeurs permanents, quant à la partie extranaturelle de leur œuvre et à l’autorité qu’elle leur conférait. Ce fut là l’opinion générale des premiers siècles ; ce n’est que plus tard qu’on a représenté le corps épiscopal comme la continuation du collège apostolique, et le Pape comme l’héritier de saint Pierre, prince supposé des apôtres. Le même fait ressort, d’ailleurs, d’un autre ordre de considérations : l’Ecriture renferme des règles sur l’élection des ministres ordinaires (pasteurs, diacres), elle prescrit d’en établir de lieu en lieu, mais elle n’a rien de semblable relativement aux ministres extraordinaires. C’est le Seigneur qui les avait suscités et légitimés.
Je me bornerai à quelques courtes observations sur ces deux classes de ministres.