Si nous disons que nous n’avons pas de péché, nous nous séduisons nous-mêmes, et la vérité n’est point en nous. Si nous confessons Dos péchés, il est fidèle et juste pour nous les pardonner et pour nous purifier de toute iniquité. 1 Jean, I, 8, 9.
Cette parole, adressée aux Églises par l’apôtre saint Jean, constate un fait important : c’est que si Dieu, dans sa miséricorde infinie en Jésus-Christ, veut pardonner au pécheur, il veut aussi que le pécheur ait le sentiment de la valeur de ce pardon, que, sentant ses misères spirituelles, il en fasse un aveu complet. S’il se croit sans péché, il se trompe : il ment à sa propre conscience, et rien ne le porte à chercher sa délivrance, à désirer le salut, à croire en un Sauveur dont après tout il pense qu’il n’a que faire. S’il sent sa misère spirituelle et sa culpabilité, il en gémit, il la déteste ; il a recours à la source de toute miséricorde, il saisit avec empressement la promesse de réconciliation, il se jette avec abandon dans les bras de son libérateur ; et en retour Dieu lui donne l’assurance de son pardon ; il fait descendre dans le cœur de son enfant justifié une paix indicible, gage certain et avant-goût précieux d’un bonheur sans mesure et sans fin.
Cet aveu de la part du pécheur, c’est la confession ; cette assurance de pardon dispensée de Dieu, c’est l’absolution.
Le péché étant une transgression de la loi de Dieu, et par conséquent une affaire qui se passe entre l’homme et Dieu, et dans laquelle Dieu est l’offensé et l’homme l’offenseur, nous devons confesser notre péché à Dieu lui-même, qui, présent partout, est toujours prêt à nous écouter, et qui, connaissant tout, ne saurait jamais être trompé.
C’est à ce juge suprême que les Moïse, les David, les Daniel, les Manassé, et plus tard les péagers repentants, le Larron converti sur la croix, l’Enfant prodigue, confessèrent leur faute sans avoir recours à d’autres intermédiaires.
Devons-nous nous confesser aux hommes ?
Oui, s’il s’agit d’une offense dont nous nous soyons rendus coupables envers eux.
Oui, devant un père ou une mère qui, chargés de notre éducation, ont le droit de nous demander compte de notre conduite. Voilà pour les relations sociales et la vie de famille.
En ce qui concerne notre état spirituel ou nos relations avec Dieu, nous pouvons, par un élan spontané et libre, rechercher l’intimité des chrétiens plus avancés que nous dans l’expérience de la vie chrétienne et de la connaissance de l’Évangile ; nous pouvons leur ouvrir notre cœur, leur faire part de nos doutes, de nos chutes mêmes, et réclamer les leçons de leur sagesse, la communion de leurs prières, la consolation de leur sympathie fraternelle… ; témoignage libre et fraternel de l’union qui existe entre les membres de l’Église de Jésus-Christ et auquel un apôtre fait allusion quand il exhorte les lecteurs de ses épîtres à confesser leurs fautes les uns aux autres, tout aussi bien qu’il leur demande de prier les uns pour les autres (Jacq., V, 16.).
Mais ce chrétien auquel on ouvre son cœur en recourant à sa sympathie et à sa longue expérience, doit-on le considérer autrement que comme un frère ; faut-il le regarder comme un juge, un arbitre officiel ? Les protestants repoussent cette idée de la manière la plus positive, comme attentatoire à la gloire du Père, seul souverain de nos âmes, à la gloire de Jésus-Christ, notre seul juge suprême, à la gloire du Saint-Esprit, qui seul connaît ce qui est dans le cœur de l’homme et dans le cœur de Dieu.
L’absolution étant l’acte par lequel nous recevons l’assurance de notre entier pardon, Dieu seul peut la donner ; saint Jacques l’appelle « le seul législateur qui peut sauver et qui peut détruire (Jacq., IV, 12.). »
L’absolution est l’œuvre spéciale du Saint-Esprit ; saint Paul nous l’enseigne quand il écrit aux Romains (Rom., VIII, 16.) : « C’est ce même Esprit qui rend témoignage avec notre esprit que nous sommes enfants de Dieu ; » toute l’Écriture est pleine de déclarations par lesquelles nous pouvons constater la réalité et les conditions de cette précieuse assurance du salut. Méditez, et recevez dans votre cœur les passages suivants :
« Quiconque croira en Jésus-Christ recevra la rémission de ses péchés en son nom (Actes, X, 43.). Sachez, mes frères, que c’est par Jésus-Christ que vous est annoncée la rémission des péchés, et que c’est par lui que tous ceux qui croient sont justifiés (Actes, XIII, 38, 39.). Si quelqu’un a péché, nous avons un avocat auprès du Père, savoir : Jésus-Christ, le juste (1 Jean, II, 1.). Étant donc justifiés par la foi, nous avons la paix avec Dieu (Rom., V, 1.). Il n’y a plus de condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ (Rom., VIII, 1.). Celui qui croit au Fils de Dieu, a le témoignage de Dieu en soi-même, et voici quel est ce témoignage : c’est que Dieu nous a donné la vie éternelle, et cette vie est en son Fils (1 Jean, V, 11, 12.). »
Après ces déclarations si claires et si formelles, pourquoi irions-nous chercher auprès des hommes des assurances qui ne rassurent pas, des absolutions qui n’ont rien de certain ni d’absolu ? Pourquoi irions-nous réclamer auprès des hommes, pécheurs comme nous, des grâces qu’ils ne peuvent se donner à eux-mêmes ?
Tout au plus, comme nous l’avons dit plus haut, pourront-ils exercer auprès de nous un ministère fraternel de conseils, de consolation, d’encouragement ; mais ils ne sauraient aller plus loin sans se rendre coupables de présomption et sans usurper les droits du Saint-Esprit, qui seul produisant en nous la véritable conviction du péché, peut seul faire descendre dans nos âmes la paix de Dieu dont il est le céleste dispensateur.
Mais, dira-t-on, Dieu n’a-t-il pas institué des hommes qu’il a revêtus d’un pouvoir plus étendu qu’un simple ministère fraternel et auquel il a dit d’une manière formelle : « Ceux à qui vous pardonnerez les péchés, ils leur seront pardonnés ; et ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus (Jean, XX, 23.) ? »
Ces hommes étaient les premiers disciples et les apôtres, exerçant un ministère accompagné de miracles nécessaires au premier établissement du christianisme dans le monde. Alors l’Écriture, « toute inspirée de Dieu, » n’avait pas encore été rédigée pour faire connaître au monde les conditions de l’alliance de grâces et les sources de l’absolution qui vient de Dieu. Ces conditions étaient enseignées par le ministère direct des apôtres, qui, en recevant le pouvoir d’accomplir des miracles, de parler des langues étrangères et d’annoncer la vérité par inspiration, avaient aussi reçu le don de « discerner les esprits, » et par conséquent d’apprécier l’état des âmes au point de pouvoir leur donner l’assurance qu’elles étaient dans la voie du salut ou qu’elles étaient engagées dans celle de la perdition.
Ce pouvoir d’absolution conféré aux disciples directs du Sauveur n’avait aucun rapport avec la confession ; l’Écriture ne nous montre aucun chrétien allant se confesser aux apôtres ; elle nous montre ceux-ci lisant directement dans l’âme d’Ananias, de Saphira et d’autres pécheurs, sans qu’il fût nécessaire de les interroger sur leurs pensées secrètes.
Or, ce pouvoir de discerner les esprits et de sonder les cœurs sans confession et de leur appliquer les conditions du salut d’une manière infaillible a cessé avec les apôtres. Ceux-ci n’ont point eu de successeurs. Il est écrit que Dieu donne « les uns pour être apôtres, d’autres pour être prophètes, d’autres pour être évangélistes, d’autres pour être pasteurs et docteurs (Ephés., IV, 11.). » Cette déclaration établit des distinctions importantes. Elle constate que les pasteurs ne sont pas des apôtres, et que si le Seigneur a conféré des dons spéciaux à ceux-ci, il ne s’ensuit pas du tout que ceux qui sont pasteurs ou se disent tels aient hérité de ces dons. Ce qui prouve d’ailleurs qu’ils ne les possèdent pas, c’est que ceux qui prétendent absoudre les péchés se trouvent dans la nécessité de confesser les pécheurs avant de les absoudre ; ce qui, montrant leur impuissance à connaître ce qui se passe dans les cœurs, démontre en même temps leur impuissance à leur appliquer d’une manière certaine et absolue les conditions de l’éternel salut.
Et s’appuyant sur les principes ci-dessus exposés, les protestants repoussent la pratique de la confession obligatoire, détaillée, provoquée par voie d’interrogation. Ils repoussent l’absolution prononcée par un homme d’une manière absolue, autoritative[1], judiciaire et sacramentelle.
[1] Néol. imposant avec autorité ce qui semble être une vérité indéniable… sa croyance d’enfant eût pu évoluer, si elle [Marie] avait attaché au dogme l’importance qu’elle accorde aux aspects sentimentaux de la foi. Mais il n’en est rien. Et l’état mystique où elle atteint aujourd’hui est autoritatif, au point de lui donner une certitude absolument irréfutable du monde spirituel. « Nous qui sommes habitués à plier notre sensibilité au travail de notre raison, nous n’avons aucune idée de ces certitudes-là… » R. Martin du Gard, Jean Barois, 1913, p. 488.
Ils pratiquent la confession générale dans le culte public.
Ils ont recours à leurs pasteurs comme à des amis, comme à des frères pieux et avancés dans l’expérience de la vie chrétienne, pour recevoir de leur pieux ministère les conseils, les consolations, les encouragements que ceux-ci leur donnent à l’aide de la Parole de Dieu, notre code suprême. Les protestants ne cherchent pas ces secours spirituels exclusivement auprès de leurs pasteurs : ils ont recours aussi à tous les chrétiens qui leur paraissent dignes de leur confiance ; car il est bien entendu qu’il ne s’agit pas ici d’un acte officiel, mais d’un ministère tout fraternel.
Les protestants croient qu’à l’aide de la Parole de Dieu et par la foi, ils peuvent acquérir la certitude qu’ils sont enfants de Dieu, rachetés de Christ et pardonnés de leurs péchés d’une manière bien autrement sûre qu’ils ne pourraient le faire par les jugements des hommes, toujours incertains et faillibles.