La trinité

D) LE TÉMOIGNAGE DES FIDÈLES, DES DÉMONS, DES JUIFS, DES PAÏENS

47. Les fidèles aussi reconnaissent le Fils unique de Dieu. Ainsi Marthe

Dis-moi, qu’attends-tu pour salaire de ton affirmation, toi qui te déchaînes pour rien ? Es-tu si sûr de ton salut pour soutenir de ta bouche ce blasphème : le Christ est une créature et non le Fils de Dieu ? Tu ferais mieux d’apprendre ce mystère dans les Evangiles et d’y croire de toute ta foi ! Car, bien que le Seigneur soit Tout-puissant, il a voulu que tous ceux qui lui demandaient des miracles, les méritent en exprimant leur foi. Cette manifestation orale de la foi n’a pas augmenté la puissance du Christ qui est : « puissance de Dieu », mais cette foi fut récompensée par le miracle.

Marthe, en peine pour Lazare, supplie le Seigneur ; celui-ci lui demande si elle croit que ceux qui mettent en lui leur foi, ne meurent jamais. Marthe laisse parler la foi dont elle est pénétrée et dit : « Oui, Seigneur, je crois que tu es le Christ, le Fils de Dieu, qui est venu en ce monde » (Jean 11.27). Une telle affirmation mérite l’éternité, cette foi ne mourra jamais ! Marthe qui implore la vie pour son frère, se voit interrogée sur sa foi. Oui, elle croit au Fils de Dieu !

Et toi, je te le demande, quelle vie espères-tu donc, et de qui attends-tu la vie, toi qui rejette le Fils, alors que croire en lui est la seule condition pour obtenir la vie éternelle ? Car il est grand, le mystère de la foi, et le bonheur éternel consiste à y adhérer parfaitement !

48. De même l’aveugle-né

Le Seigneur avait accordé la vue à l’aveugle de naissance, et le Maître de la nature l’avait délivré d’un défaut de nature. Cet aveugle était né pour la gloire de Dieu ; aussi, pour que l’on puisse reconnaître l’œuvre de Dieu dans l’œuvre du Christ, celui-ci n’attend pas qu’il confesse sa foi pour le guérir. Mais lorsqu’il recouvrit l’usage de ses yeux, celui qui ignorait encore l’auteur d’un si grand cadeau mérita dans la suite de le connaître pour affirmer sa foi. Car ce n’est pas la guérison de sa cécité qui lui assura la vie éternelle ! Notre homme guéri et chassé de la Synagogue, le Seigneur lui demande : « Crois-tu au Fils de Dieu ? » (Jean 9.35). Cette question lui fut posée dans la crainte qu’il ne se croie perdu en se voyant expulsé de la Synagogue, et proclamer sa foi devait lui rendre l’immortalité. Or, comme l’homme, encore mal assuré, lui répond : « Qui est-il, Seigneur, pour que je croie en lui ? » (Jean 9.36), le Seigneur qui ne veut pas laisser dans l’ignorance celui à qui il avait rendu l’usage de ses yeux, fait maintenant à son intelligence le cadeau d’une foi si précieuse. Il lui dit : « Tu l’as vu, et celui qui te parle, c’est lui » (Jean 9.37).

Le Seigneur réclame-t-il de cet homme l’affirmation de sa foi comme prix de sa guérison, comme il l’avait exigée de tous ceux qui lui avaient demandé la santé ? Assurément non ! Car l’aveugle a recouvré la vue au moment où la question lui fut posée. Celle-ci eut pour but unique de susciter la réponse : « Je crois, Seigneur ! » La foi exprimée par cette réponse devait lui mériter la vie et non pas la guérison de sa cécité. Examinons attentivement le sens de es passage. Le Seigneur lui demande : « Crois-tu au Fils de Dieu ? » A vrai dire, si seule une foi au Christ, était une foi parfaite, le Seigneur lui aurait dit : « Crois-tu au Christ ? » Mais puisque tous les hérétiques devaient avoir ce nom sur les lèvres, puisqu’ils devaient tous reconnaître le Christ, mais pourtant rejeter le Fils, il est demandé à la foi d’admettre ce qui est le propre du Christ, c’est-à-dire de croire au Fils de Dieu. Or est-ce là croire au Fils de Dieu, de mettre sa foi dans une créature, alors que la foi qui nous est demandée, n’est pas de croire au Christ, créature de Dieu, mais au Christ, Fils de Dieu !

49. Les démons eux-mêmes ont avoué le Christ : Fils du Dieu Très-Haut

Et les démons ont-ils ignoré le caractère spécifique souligné par ce nom de Fils ? Les hérétiques méritent en effet, d’être réfutés, non seulement par l’enseignement des Apôtres, mais aussi de la bouche des démons. Car ceux-ci s’écrient, et ils le crient à plusieurs reprises : « Que me veux-tu, Jésus, Fils du Dieu Très-Haut ? » (Luc 8.28). La vérité leur arrache malgré eux cette confession, et la peine qu’ils ont à obéir atteste la puissance de la nature du Christ. Ou :, ils sont vaincus par la puissance du Christ, lorsqu’ils abandonnent les corps des possédés. Ils rendent honneur au Christ, lorsqu’ils confessent sa nature. Ils reconnaissent le Christ : Fils de Dieu, et par ses œuvres, et de nom. Dis-moi, hérétique, parmi tous les cris des démons qui confessent le Christ, perçois-tu le nom de « créature » et la grâce de l’adoption qui lui aurait été accordée ?

50. Et les Juifs aussi ne le nient pas

Tu as encore à apprendre qui est le Christ ; eh bien, que ce soit du moins ceux qui le rejettent qui t’enseignent. Ainsi la déclaration arrachée à ceux qui le repoussent flétrira ton impiété !

Car bien que les Juifs n’aient pas reconnu le Christ dans la chair, ils savaient pourtant que le Christ devait être le Fils de Dieu, lorsqu’ils dressaient de faux témoins contre lui, sans aucun grief véritable. Le Grand-Prêtre interroge Jésus : « Es-tu le Christ, le Fils du Béni ? » (Marc 14.61). Ils ignorent son mystère, mais ils n’ignorent pas sa nature ! Ils ne lui demandent pas si le Christ est le Fils de Dieu, mais s’il est, lui, le Christ, Fils de Dieu. Ils se trompent sur l’homme, mais non sur le Fils de Dieu ; ils ne doutent pas que le Christ soit Fils de Dieu. Aussi, lorsqu’ils lui demandent s’il est le Christ, ils ne nient pourtant pas que le Christ soit le Fils de Dieu.

Et toi, je te le demande, sur quoi t’appuies-tu pour rejeter ce que même les Juifs qui ne reconnaissent pas le Christ, ne nient pas. Car si la connaissance parfaite consiste à reconnaître que le Christ, Fils de Dieu, existant avant tous les siècles, est né aussi de la Vierge, ceux-là même qui ne reconnaissent pas le Christ né de Marie, ne nient pourtant pas qu’il soit le Fils de Dieu. Vois donc, en rejetant le Fils de Dieu, tu te fais complice de l’impiété des Juifs. Car ils attestent eux-mêmes le motif pour lequel ils condamnent le Christ : « D’après notre Loi, il doit mourir, parce qu’il s’est fait Fils de Dieu ! » (Jean 19.7). Ta voix qui blasphème, ne lui fait-elle pas le même reproche : pourquoi se dit-il Fils, lui que tu affirmes créature ? Les Juifs le déclarent digne de mort parce qu’il se prétend Fils de Dieu. Et toi qui nies qu’il est Fils de Dieu, je me demande bien quelle sentence tu porteras contre lui ! Car cette déclaration du Christ te déplaît autant qu’aux Juifs. Oui, je te le demande, porteras-tu sur le Christ une sentence différente, puisque tu acceptes leur verdict ? Avec la même impiété, tu rejettes le Christ, Fils de Dieu. Cependant, leur crime est moindre, dans la mesure où il y a en eux part d’ignorance. Car ils ne reconnaissent pas le Christ, fils de Marie, mais ils ne doutent pas que le Christ soit le Fils de Dieu. Toi, bien que tu ne puisses ignorer que le Christ soit né de Marie, tu ne reconnais pourtant pas que le Christ est Fils de Dieu. Eux, s’ils parviennent à la foi, ils pourront encore recevoir le salut, étant donné qu’ils étaient dans l’ignorance ; mais pour toi, toutes les portes du salut te sont fermées, parce que tu nies ce que maintenant, tu ne peux ignorer.

Car tu n’ignores pas que le Christ soit le Fils de Dieu. La preuve en est que tu lui donnes le nom de fils adoptif, pour soutenir à tort qu’il est une créature comme les autres, dotée du nom de Fils. De tout ton pouvoir, tu lui dérobes sa nature, et tu lui enlèverais aussi son nom de Fils, si tu le pouvais. Mais cela ne t’est pas possible ; aussi tu sépares la nature du nom : on l’appelle fils, mais il n’est pas vrai Fils de Dieu.

51. Toi qui fais naufrage, ne peux-tu pas dire avec les disciples : « Il est Fils de Dieu ? »

Tu aurais pour t’aider, l’aveu de ceux pour qui la mer en furie et les vents déchaînés se sont calmés. Tu pourrais, toi aussi, proclamer le Christ : Fils de Dieu, en te servant de leur propre exclamation : « Vraiment, il est Fils de Dieu ! » (Matthieu 14.33). Mais un souffle mauvais t’emporte, ta vie fait naufrage, la tempête règne sur les mouvements de ton âme qui sombre dans une mer déchaînée !

52. Car un tel aveu sort de la bouche des païens, eux-mêmes.

A tes yeux, un tel témoignage de foi n’apparaît pas convainquant, parce que les marins qui l’expriment sont des Apôtres ; mais pour moi, s’il me paraît moins étonnant, il en acquiert un plus grand poids. Eh bien, enregistre encore ce qu’ont cru à ce sujet, les païens. Les gardes cruels de la cohorte romaine sont là, auprès de la croix. Ecoute l’un d’eux : il est subjugué au point d’affirmer sa foi. A la vue des œuvres de la puissance du Christ, le centurion déclare : « Vraiment, celui-là était Fils de Dieu ! » (Matthieu 27.54).

Le Christ rend l’esprit, le voile du temple se déchire, la terre tremble, les sépulcres s’ouvrent, les morts ressuscitent et un homme, un païen mécréant, affirme sa foi[47]. Il constate dans ces œuvres, la nature toute-puissante du Christ, et reconnaît dans ce nom de Fils de Dieu, la vérité de sa nature divine. Oui, le mobile qui le pousse à proclamer la vérité est si pressant, l’assurance de sa foi est si grande que la nécessité de reconnaître la vérité s’impose à sa volonté, et celui qui l’avait crucifié, est obligé de proclamer que le Christ, Seigneur de la gloire éternelle, est vraiment Fils de Dieu !

[47] Cf. Matthieu 27.50-53.

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