2 Rois 11.5, 7, 9 et 2 Chroniques 23.4, 8 se rattachent à une des scènes les plus émouvantes de l’histoire de ce royaume. Athalie, fille d’Achab et de Jésabel, était montée sur le trône de Juda, en épousant Joram, dont elle avait eu Achazia. Après la mort du père et du fils, elle prit elle-même le sceptre et, pour s’en assurer la possession, voulut faire périr tous les autres survivants de la famille royale. Mais un fils d’Achazia fut sauvé et élevé secrètement dans le Temple sous la direction du grand-prêtre Jéhojada. Quand il eut atteint l’âge de sept ans (2 Rois 12.1), une conspiration ourdie par Jéhojada et ayant un double caractère sacerdotal et militaire, éclata tout à coup en un jour de sabbat, pour aboutir au couronnement de Joas et à la mort d’Athalie.
[Le caractère militaire, ou mieux théocratique, est mis davantage en relief dans 2 Rois 11, le caractère sacerdotal dans 2 Chroniques 23. Voir Hävernick, Einleit. in das A. T., … « Les règnes de Jéhu et d’Athalie, placés par l’ancienne chronologie au commencement du ixe siècle, sont ramenés par les essais modernes au milieu de ce siècle (entre 850 et 841). » Le sacre de Joas est mis par Bruston en 844 ; par Hommel et Kamphausen, en 836 ; par Riehm, en 837.]
En ce jour et selon toute vraisemblance, déjà le vendredi soir, au commencement du sabbat, si ce n’est même un peu avant, il devait y avoir selon la coutume un grand mouvement de soldats : les uns quittaient leurs postes que d’autres au contraire, venaient occuper (v. 5-9). Ceux-ci devaient se partager en trois troupes appelées à garder l’intérieur du palais et les deux principales portes qui y conduisaient (v. 5-6). Ils le firent en effet, mais en ayant reçu de leurs chefs l’ordre de veiller à la garde du palais, de manière à empêcher qu’on y entrât (v. 6), évidemment pour que personne ne pût avertir Athalie de ce qui se préparait. Les autres corps militaires qui sortaient de service le jour du sabbat, se portèrent selon leurs instructions, vers la maison de l’Éternel, dont ils devaient faire la garde, en entourant de toute part l’enfant royal (v. 7-12). Tout fut ponctuellement exécuté. Jéhojada fit avancer Joas dans le parvis intérieur, près de l’autel des holocaustes, il mit sur lui « le diadème et le témoignage, » lui administra l’onction, et la multitude, frappant des mains, cria : « Vive le roi ! » (v. 11-12.) Quand Athalie entendit le bruit, elle sortit de son palais, se dirigea vers le Temple, et elle y vit le roi se tenant sur l’estrade selon l’usage, tandis que tout le peuple était dans la joie et que les trompettes retentissaient (v. 13-14).
Selon Ewald, c’était la coutume que le jour du sabbat une grande partie de la troupe se rendit au temple pour y maintenir l’ordre, à cause de l’affluence de la multitude. Selon le Bibelwerk de Bunsen, cette manœuvre militaire opérée lors de la conjuration, fut tout extraordinaire : les conjurés avaient choisi ce jour, parce que beaucoup d’Israélites pieux, par là même adversaires d’Athalie, se trouvaient alors à Jérusalem et que les soldats sortant de garde étaient disponibles. Quelle que soit l’interprétation choisie, l’importance officielle et publique que le sabbat avait alors dans la capitale de Juda, ne ressort pas moins du récit. L’avènement de Joas à la royauté était ordinairement regardée comme ayant eu lieu en 878, c’est-à-dire dans la 1re moitié du ixe siècle.
2 Rois 16.18 appartient à une des plus honteuses pages de l’histoire de Juda. Le verset se recommande tout de suite à notre attention, puisqu’il y est incontestablement parlé du sabbat. Mais il est difficile de se rendre compte du sens précis de la donnée. Commençons donc par chercher à nous faire une juste idée de ce qui précède dans le chapitre.
Achaz, qui marcha dans la voie des enfants d’Israël et même fit passer son fils par le feu, fut assiégé dans Jérusalem à la fois par Retsin, roi de Syrie, et Pékach, roi d’Israël. Dans son angoisse, il envoya des messagers à Tiglat Piléser, roi d’Assyrie, pour lui rendre hommage et implorer sa protection. En même temps il prit l’argent et l’or qui se trouvaient dans la maison de l’Éternel et dans les trésors du roi, et il l’envoya en présent au roi d’Assyrie. Celui-ci, prenant parti pour Achaz, monta contre Damas, la prit et fit périr Retsin. Achaz reconnaissant se rendit au-devant de Tiglat Piléser jusqu’à Damas et, après avoir vu le grand autel qui s’y trouvait, il en fit aussitôt construire un semblable à Jérusalem par le prêtre Urie. Lui-même, de retour dans sa capitale offrit des sacrifices sur le nouvel autel. Il déplaça même l’autel des holocaustes, qui était à l’est du Temple, en face de son entrée, au milieu du parvis intérieur, afin qu’il ne fût pas entre le nouvel autel et la maison de l’Éternel ; il le mit à côté du nouvel autel, vers le nord, et Urie reçut l’ordre d’offrir sur celui-ci tous les sacrifices.
L’historien sacré raconte ensuite (v. 17) qu’Achaz enlevab les (quarante) panneaux des bases des 10 bassins d’airain, qui, échelonnés le long de la façade du Temple, étaient dans le parvis intérieur, de même que la mer de fonte et l’autel des holocaustes, et qu’il ôta les bassins qui étaient dessus les bases. Ces bases étaient formées de quatre panneaux liés aux coins par des montants et ornés d’images de lions, de bœufs et de chérubins. En outre Achaz descendit la mer de fonte de dessus les douze bœufs d’airain et il la posa sur un (simple) pavé de pierres. Mais pourquoi donc enlever ces beaux ouvrages au temple de Jérusalem ? Certainement pour en faire présent à Tiglat Piléser, déjà peut-être, comme le pense Thénius, lors de la visite à Damas ou, comme nous serions plus porté à le croire, à la suite d’offres et de promesses faites alors. Selon Ewald, ce serait même à une époque postérieure. « Achaz, dit Thénius, après avoir obtenu le secours du roi d’Assyrie, ne pouvait paraître devant lui les mains vides ; les trésors avaient été épuisés (v. 8) ; il fallait lui offrir en présent quelque chose qui pût servir ou être vendu ; on pensa donc aux œuvres d’art qui étaient dans le Temple et dont on pouvait à la rigueur se passer… Josèphe avait déjà indiqué cette explication. Les 40 panneaux très artistement travaillés et les 10 bassins de 4 coudées de diamètre durent être pour Tiglat Piléser un cadeau fort agréable à cause de leur valeur intrinsèque et de l’emploi qu’on pouvait en faire comme ornements. »
b – ויקאץ. Segond : brisa. D’après le contexte, cette traduction ne convient pas. Lausanne : coupa en morceaux ou enleva.
Arrivons maintenant au difficile et intéressant v. 18 : Achaz changea dans la maison de l’Éternel, à cause du roi d’Assyrie, le portique du sabbat qu’on y avait bâti, et l’entrée extérieure du roi. Il y a littéralement : « et le portique du sabbat, qu’on avait bâti dans la maison de l’Éternel, et l’entrée extérieure du roi, Achaz les changea (dans) la maison de l’Éternel à cause du roi d’Assyrie. » Il est donc deux fois fait mention de la maison de l’Éternel et la deuxième fois ces mots sont rapprochés de ceux-ci : à cause du roi d’Assyrie. L’auteur tenait à faire ressortir ce rapprochement poignant, bien qu’il eût déjà parlé de l’introduction du nouvel autel copié sur celui de Damas, du déplacement, à son profit, de l’autel des holocaustes, de la mutilation des bassins d’airain et de la mer de fonte, profanations qui déjà se rapportaient toutes au parvis intérieur, c’est-à-dire à la maison de l’Éternel dans le sens large que l’on doit admettre dans le verset comme aussi dans 1 Rois 5.17. Achaz changea, c’est-à-dire transforma, en enlevant les ornements destinés au roi d’Assyrie et en les remplaçant par le strict nécessaire.
L’entrée extérieure du roi, c’est-à-dire l’entrée extérieure ou orientale, tournée du côté du parvis extérieur, de la porte orientale par laquelle le roi avait coutume de venir adorer dans le parvis intérieur, comme on peut le déduire surtout de Ézéchiel 46.1-2.
Et qu’était ce portique du sabbat, qu’on avait bâti dans la maison de l’Éternel ? D’abord on est naturellement conduit à le rapprocher de l’entrée extérieure du roi et à admettre que tous deux servaient principalement au roi et appartenaient à la maison de l’Éternel dans le sens large. Il y a proprement dans le texte le couvert ou la couverture (Mousach) du sabbat. Mais pour mieux discerner ce qu’il faut entendre par là et arriver à une traduction française intelligible, examinons d’autres versets qui pourront nous y aider. Il est dit dans 2 Chroniques 6.12, à propos de la dédicace du premier Temple :
« Salomon se plaçac devant l’autel de l’Éternel en face de toute l’assemblée d’Israël, et il étendit ses mains. Car il avait fait une tribune d’airain et l’avait mise au milieu du parvis ; elle était longue de cinq coudées, large de cinq et haute de trois ; il s’y plaça, se mit à genoux en face de toute l’assemblée d’Israël et étendit ses mains vers le ciel. Et il dit :… »
c – ויע מד proprement se tint debout, comme traduit la Version de Lausanne.
[Dans 1 Rois 8.22, le récit est plus bref : « Salomon se plaça devant l’autel de l’Éternel, en face de toute l’assemblée d’Israël. Il étendit ses mains vers le ciel et il dit :… » Mais plus loin, v. 54, nous lisons : « Lorsque Salomon eut achevé d’adresser toute cette prière et cette supplication, il se leva de devant l’autel de l’Éternel, où il était agenouillé, les mains étendues vers le ciel. » Comme le pense Thénius, ce dernier verset prouve que d’après le récit même de 1Rois, quand il est dit v. 22 que Salomon se plaça devant l’autel de l’Éternel…, cela se rapporte au début de la cérémonie et que le roi fit ensuite la prière à genoux. Il en résulte aussi que la supposition déjà faite par Cappelle, qu’il faut compléter le passage des Rois par celui des Chroniques, gagne en vraisemblance, l’omission de 2 Chroniques 6.13 dans les Rois pouvant s’expliquer par la double présence des mêmes mots : « en face de toute l’assemblée d’Israël et il étendit les mains, » à la fin des v. 12 et 14 de 2Chron.]
Salomon, lors de la dédicace du Temple, s’était donc placé debout en face de l’autel des holocaustes, au milieu du parvis, c’est-à-dire du parvis intérieur, sur la ligne qui allait de l’entrée du Sanctuaire à la porte orientale par laquelle on allait dans le parvis extérieur, et il s’agenouilla ensuite pour prier à haute voix dans une tribune d’airain. Le mot hébreu que l’on traduit ici par tribune est très spécial et signifie proprement un bassin ou une chaudière. « Cette tribune, puisqu’elle est ainsi désignée, dit Thénius, ne peut être conçue que sous la forme d’une chaire, comme une estrade avec parois antérieure et latérales de la hauteur de une coudée et demie (car Salomon voulait s’y agenouiller), et avec un escalier de la même hauteur. Elle avait une forme quadrangulaire à sa base (puisqu’on en donne la longueur et la largeur), et arrondie à la hauteur des parois (d’où le mot כיור). Les rois commencèrent par s’en servir pour adorer solennellement dans le Temple, il y eut plus tard à sa place le מוסך השׁבת, dont il est parlé dans 2 Rois 16.18.
[Ewald (Gesch. d. v. Isr. 3, III, p. 343, note ; p. 330, note) a signalé une brève description de la tribune de Salomon, due à Eupolémos, ancien historien juif alexandrin, et d’autant plus intéressante qu’elle ne semble point provenir du récit des Chroniques. Transmise par Eusèbe (Prép. évang. I. IX, c. 34), elle est ainsi conçue : « Salomon fit faire aussi une estrade de bronze (βάσιν χαλκῆν) de la hauteur de deux coudées, à la suite de la baignoire (κατὰ τήν λουτῆρα ; il s’agit de la mer de fonte), afin que le roi s’y plaçât lorsqu’il viendrait prier et qu’il fût vu de tout le peuple des Juifs. » Ainsi traduit Séguier de S. Brisson. Dans la traduction de Vigerus, les mots grecs mis en parenthèse sont rendus par basis aenea, non procul a labro. D’après Rösch, le grand ouvrage d’Eupolémos sur l’histoire des Juifs parut entre 140 et 100 avant Jésus-Christ. (Real-Encykl., XVIII p. 421.)]
Nous avons déjà vu que lors du sacre de Joas, au moment où Athalie, à l’ouïe du bruit des soldats et du peuple, se rendit la Maison de l’Éternel, c’est-à-dire dans le parvis, elle vit, d’après 2 Rois 11.14, que le roi se tenait sur l’estrade (על–העמוד), selon l’usage. Dans 2 Chroniques 23.13, il y a : « se tenait sur son estrade, à l’entrée. »
Cette donnée doit être rapprochée de 2 Rois 23.3, où il est dit au sujet d’un moment non moins émouvant de l’histoire de Juda :
« Le roi Josias fit assembler autour de lui tous les anciens de Juda et de Jérusalem. Puis il monta à la maison de l’Éternel avec tous les hommes de Juda et tous les habitants de Jérusalem, les prêtres, les prophètes et tout le peuple depuis le plus petit jusqu’au plus grand. Il lut devant eux toutes les paroles du livre de l’alliance, qu’on avait trouvé dans la maison de l’Éternel. Le roi se tenait sur l’estrade, et il traita alliance devant l’Éternel … Et tout le peuple entra dans l’alliance. »
D’après Gésénius, עמוד, de עמד, se tenir debout, signifie : 1° colonne (1 Rois 2.7, etc.), 2° tribune (2 Rois 11.14 ; 23.3) ; עמד, 1° place, 2° tribune (2 Chroniques 34.31). — On a quelquefois traduit dans les divers versets cités plus haut על–העמוד par : près de la colonne, en entendant par là une des deux colonnes érigées par Salomon à l’entrée du Sanctuaire ; mais, comme le remarque Thénius, il suffirait de la préposition על, qui signifie sur, pour écarter cette opinion.
Mais où était-elle précisément, cette tribune ? Etait-elle identique avec la chaire de Salomon ? Les opinions sont partagées. Selon Winer, « certainement le עמוד n’est pas différent du כיור de Salomon. » « Dans le Temple même, dans le parvis intérieur, dit Ewald, le roi avait une place particulière… ; c’était un siège couvert appuyé sur une forte colonne, d’où le roi pouvait surveiller et haranguer la multitude assemblée en un jour de fête ; le siège s’appelait en conséquence « la chaire du sabbat, » par opposition à la chaire de cour où le roi rendait justice. Cela découle de 2 Rois 16.18 comparé à 2 Rois 11.14 ; 23.3. » — Thénius, par contre, et le Bibelwerk de Bunsen voient simplement dans le עמוד le perron supérieur de l’escalier qui conduisait au Sanctuaire. — Parmi les arguments allégués par Thénius, le plus fort, nous semble-t-il, est tiré de 2 Chroniques 23.13, où les mots : à l’entrée, sont ajoutés comme apposition à : sur son estrade. Mais ils ne se rapportent pas nécessairement à l’entrée du Sanctuaire. Ils peuvent aussi désigner l’entrée qui conduisait du parvis extérieur dans le parvis intérieur, et près de laquelle devait se trouver la chaire de Salomon, puisqu’elle était en face de l’escalier de l’autel des holocaustes et de l’escalier du Temple, et que cet autel était au centre du carré formé par le parvis intérieur 1. Pour que la chaire de Salomon ne fût pas trop près de l’autel des holocaustes, il fallait bien qu’elle fût assez rapprochée de l’entrée orientale du parvis intérieur, justement à la place qui lui est assignée par Thénius dans son plan du Temple de Salomon. Nous sommes donc amené à identifier plus ou moins le Mousach du sabbat avec la chaire ou tribune de ce roi et avec l’estrade royale dont il est parlé soit dans l’histoire de Joas, soit dans celle de Josias.
Le nom de Mousach venait, comme le pense Thénius 3, de ce qu’on avait bâti au-dessus de l’estrade, postérieurement à Salomon et probablement au temps de Joas, une espèce de couvert, de toit, un dais. Quels souvenirs en effet ne se rattachaient pas pour ce roi à l’endroit du Temple où il avait été sacré dans des circonstances si hautement tragiques ! Ce lieu ne devait-il pas figurer en première ligne parmi ceux que Joas pouvait désirer embellir et compléter ? Le mot Mousach désignait à l’origine le haut de l’édicule, et il avait fini par désigner l’édicule lui-même, de même que, selon Littré, notre mot dais, qui primitivement ne désignait que le couronnement d’un autel ou d’un trône, a fini par désigner simplement une estrade et qu’un haut dais était une estrade, avec ou sans dais, où le roi et la reine étaient assis dans les assemblées publiques. C’est par l’expression de haut dais d’airain, que la Bible de Des Marets désigne la chaire de Salomon, et c’est aussi l’expression de haut dais du sabbat, qui nous paraîtrait encore la meilleure pour 2 Rois 16.18.
Le haut dais du sabbat qu’Achaz dépouilla de ses ornements était donc un oratoire royal dans le parvis intérieur, mais un oratoire où l’on était très en vue et d’où le roi pouvait, à l’occasion, prier à haute voix au nom de son peuple ou le haranguer. C’était là que Salomon s’était agenouillé et avait adressé à Dieu sa mémorable prière lors de la consécration du Temple ; là, ou tout près, que l’enfant Joas avait été sacré roi ; là que Josias avait lu au peuple « les paroles du livre de l’alliance », qui venait d’être retrouvé. Mais de pareilles circonstances étaient fort exceptionnelles. L’édicule servait le plus souvent à l’édification du roi dans les jours de sabbat, et de là le nom qu’il avait reçu, peut-être au temps de Joas. Nous avons quelque peine à nous représenter le culte public de l’Ancienne Alliance, mais il devait être en général solennel et impressif. On le sent en lisant ces simples lignes tracées par Thénius dans sa description de ce culte (Anhang, p. 45) : « Dans les grandes fêtes, l’ordre du service divin paraît avoir été le suivant. A l’est de l’autel des holocaustes se tenaient, d’un côté, les chantres et les musiciens des Lévites, en vêtements de lin et avec leurs divers instruments ; de l’autre, les prêtres qui sonnaient de la trompette et avaient un très beau costume (2 Chroniques 5.12 ; 29.25 ; 7.6). Le roi et sa suite étaient près de l’escalier de l’autel, de telle sorte que le roi avait derrière lui la porte orientale du parvis intérieur, près de laquelle on lui avait, dans un temps postérieur, élevé une loge particulière couverted. Le peuple n’était aucunement exclu du parvis intérieur (1 Rois 8.14, 22 ; 2 Rois 12.10) ; mais son espace limité pouvait obliger la plus grande partie de la multitude à se tenir pendant le culte dans le parvis extérieur, la face tournée vers l’autel et le Temple (Psaumes 5.8). Lorsqu’on commençait l’holocauste de fête (2 Chroniques 29.27), le chœur, accompagné par la musique (2 Chroniques 5.13), entonnait des psaumes de David ou d’autres auteurs ; le chant durait jusqu’à la fin de l’holocauste, pendant que la multitude adorait à genoux (2 Chroniques 29.28). Le roi et sa suite ne s’agenouillaient qu’après le sacrifice (2 Chroniques 29.29). Le service se terminait par un nouveau chant, après lequel les lévites se prosternaient à leur tour (2 Chroniques 29.30). »
d – 1 Rois 8.22 ; 2 Chroniques 6.12-13, cp. Ézéchiel 46.1-2, où l’on voit que dans la description du nouveau Temple et du nouveau culte, le prophète restreignait l’usage antérieur en excluant du parvis intérieur le roi, lors des sacrifices.
Nous avons cherché à nous expliquer ce que pouvait être le Mousach du sabbat de 2 Rois 16.18. Mais quelque conjecturale que soit en quelques points notre explication, même quelle que soit celle qu’on y substitue, il n’en demeure pas moins qu’au temps d’Achaz il y avait dans le parvis intérieur du Temple de Jérusalem une construction solide, élégante et riche qui, comme son nom l’indique, se rattachait intimement à la célébration officielle du sabbat dans le Temple. Le fait même de cette construction concourt donc à prouver que la célébration du sabbat ne faisait pas défaut dans le royaume de Juda avant la deuxième moitié du viiie siècle.
Cette conclusion est encore confirmée par Ésaïe 1.13 : « J’ai en horreur l’encens, les nouvelles lunes, les sabbats et les assemblées. Je ne puis voir le crime s’associer à la réunion solennelle. Mon âme hait vos nouvelles lunes et vos fêtese. Elles me sont à charge, je suis las de les supporter. » La censure de l’Éternel ne portait donc pas sur l’observation extérieure du sabbat, mais sur son observation spirituelle. Il y avait un contraste criant entre les cérémonies religieuses et la conduite morale de ceux qui y prenaient part. Ce qui est si énergiquement tancé, c’est le formalisme hypocrite, même le pharisaïsme anticipé, déjà constaté au sujet d’Amos 8.5. Mais à quelle époque rapporter cette parole de l’Éternel transmise par Esaïe ? On ne peut le dire avec précision. La suscription du chapitre : « Prophétie d’Esaïe… sur Juda et Jérusalem, au temps d’Ozias, de Jotham, d’Achaz, d’Ezéchias, rois de Juda, » est très vague et n’est point particulière au chapitre, mais aux 12 premiers. Quant à la dévastation de la Judée, décrite dans les v. 7-9, elle peut être rattachée soit à l’époque d’Achaz, soit à celle d’Ezéchias. Gesenius, Knobel, Hävernick, Delitzsch sont pour la première ; Hitzig, Umbreit, Drechsler, pour la seconde.
e – Réunions solennelles, Segond : aux solennités. Nous avons traduit plus littéralement עצרה comme la version de Lausanne. Mais l’expression hébraïque est tout autrement énergique. Vos fêtes : ומועדיכם. Les sabbats y sont compris en première ligne. Voir Lévitique 2.
Deux autres passages du livre d’Esaïe sont très remarquables au sujet du sabbat. Ils appartiennent à ce qu’on appelle la seconde partie d’Esaïe (ch. 40 à 66), et nous devons immédiatement indiquer ce que sont pour nous ces chapitres. Un grand nombre de théologiens modernes et croyants, parmi lesquels plusieurs de ceux que nous avons le plus souvent cités, tels qu’Ewald, Riehm, Lotz, n’attribuent point ces chapitres à Esaïe, mais à un grand prophète inconnu, du temps de l’exil. Nous comprenons qu’on puisse arriver à ce résultat, mais nous n’y avons point été conduit, quand nous avons pu étudier la question. Aussi nous rattachons-nous volontiers aux auteurs de la Bible annotée, arrivés à cette conclusion : « L’opinion traditionnelle qui attribue à Esaïe la prophétie ch.40 à 66 soulève de graves objections ; mais elle peut aussi faire valoir des raisons sérieuses en sa faveur. Les arguments pour et contre ne nous ont paru être, ni les uns ni les autres, absolument décisifs : ils se balancent, pour ainsi dire. Dans cette incertitude il n’y a pas de motif péremptoire pour abandonner le point de vue traditionnel. » En tout cas, comme le disait Delitzsch, lorsqu’il maintenait encore ce point de vue : « Si c’est Esaïe, comme nous croyons devoir l’admettre, il s’est complètement enlevé au milieu dans lequel il vivait réellement, et il vit spirituellement parmi les exilés. En vérité dans l’Ancien Testament il n’y a point de livre plus johannique que ce livre de consolation. »
Le premier des passages annoncés est Ésaïe 56.1-8. Il prédit la participation des païens au salut qui devait bientôt arriver et dont le prophète avait précédemment parlé, surtout pour Israël :
« Ainsi parle l’Éternel : Observez ce qui est droit et pratiquez ce qui est juste, car mon salut ne tardera pas à venir et ma justice à se manifester. Heureux l’homme qui fait cela, et le fils de l’homme qui y demeure ferme, gardant le sabbat pour ne point le profaner, et veillant sur sa main pour ne commettre aucun péché. Que l’étranger qui s’attache à l’Éternel ne dise pas : L’Éternel me séparera de son peuple ! Et que l’eunuque (Deutéronome 23.1) ne dise pas : Voici un arbre sec ! Car ainsi parle l’Éternel : Aux eunuques qui garderont mes sabbats, qui choisiront ce qui m’est agréable et qui persévéreront dans mon alliance, je donnerai dans ma maison et dans mes murs une place et un nom préférables à des fils et à des filles, … un nom éternel qui ne périra pas. Et les étrangers qui s’attacheront à l’Éternel pour le servir,… tous ceux qui gardent le sabbat pour ne point le profaner et qui persévèrent dans mon alliance, je les amènerai sur ma montagne sainte et je les réjouirai dans ma maison de prière…. »
Le second passage, Ésaïe 58.13-14 est une promesse conditionnelle adressée spécialement à Israël :
« Si tu retires ton pied pendant le sabbat, pour ne pas faire ta volonté en mon saint jour, si tu appelles délices le sabbat et honorable ce qui est saint au Seigneur (c’est-à-dire le sabbat, en tant que sanctifié par l’Éternel, Genèse 2.3), si tu honores ce qui est saint au Seigneur, en ne suivant point tes voies, en ne te livrant pas à tes penchants et à de mauvais discours, alors tu trouveras tes délices auprès de l’Éternel, et je te ferai passer en char sur les hauteurs du pays, je te ferai jouir de l’héritage de Jacob ton père … »
Ce qui frappe d’abord dans ces deux passages, c’est l’importance donnée au sabbat, et il est certain qu’elle devait vivement ressortir pendant l’exil, en l’absence de tout culte national : le sabbat devait alors toujours plus apparaître comme le signe distinctif des Israélites et le lien qui les unissait. Cependant l’institution était déjà importante dans la Loi, et le Décalogue suffirait à lui seul pour le prouver. — Ce qui frappe en second lieu, c’est la manière spirituelle dont l’observation du sabbat est comprise. Dans Ésaïe 56.1-8, cette observation est associée (v. 2) à l’abstention de toute mauvaise action, (v. 4) au choix de ce qui est agréable à l’Éternel et à la persévérance dans son alliance, (v. 6) à cette même persévérance. Et dans Ésaïe 58.13-14, quelle spiritualité, quelle haute religiosité ! L’Israélite doit retirer son pied pour ne pas faire sa volonté propre dans le saint jour de l’Éternel, il doit trouver ses délices en ce jour, l’honorer comme saint au Seigneur, en ne suivant point ses propres voies, en ne se livrant ni à ses propres penchants, ni à de vains discours. — Il y a sous ce rapport une profonde harmonie entre ces deux passages, d’une part, et, de l’autre, Ésaïe 1.13-14. Seulement la mauvaise manière de célébrer le sabbat est ici condamnée, tandis que là c’est la vraie célébration qui est définie. Dans les deux cas l’observation spirituelle et morale est également essentielle. Si l’Éternel haïssait les sabbats des Israélites contemporains d’Esaïe, c’est que le crime y était associé. Le sabbat prescrit par l’Éternel est tout pénétré de sainte joie, d’amour de Dieu et du prochain, puisque le moi charnel et égoïste ne doit y jouer aucun rôle. Au fond, si Ésaïe 56.1-8 ; 58.13-14, sont d’Esaïe, comme nous sommes disposé à le croire, ils confirment ce que nous avons déjà vu dans l’histoire du sabbat en Israël, ils le confirment richement, mais sans y ajouter proprement rien de nouveau.
Parmi les violations du sabbat commises par le peuple juif avant la destruction de Jérusalem, les plus graves qui nous soient rapportées, à l’extérieur et au spirituel, se rattachent à une époque voisine de la terrible catastrophe. Elles sont signalées, l’une Jérémie 17.19-27, les autres Ézéchiel 22.8, 26 ; 23.38-39.
Selon la Bible annotée, Jérémie 17.19-27 se rapporte plutôt à la période de Jéhojakim et de Jéhojachin (Jéconias) ; selon Hitzig, à la courte période de Jéconias, mais un peu plus tard que les v. 15-18 qui se relient aux premiers temps postérieurs à la mort de Jéhojakim ; selon Rödiger et Ewald, au règne même de Sédécias, comme c’est le cas sans conteste pour Ezéch. ch. 22 et 23. Or les 3 mois de règne de Jéconias se placent entre 599 et 597 ; la destruction de Jérusalem entre 588 et 586. On sait que les quatre derniers rois de Juda eurent tous une triste fin de règne. Joachaz, après avoir régné 3 ans fut envoyé par Néco en Egypte, d’où il ne revint jamais. Jéhojakim, successivement vassal de l’Egypte et de Babylone, se révolta contre Nébucadnetzar et périt misérablement dans la guerre qui lui fut aussitôt déclarée. Jéconias, un enfant mal dirigé par sa mère, ne tarda pas à être emmené à Babylone avec la meilleure partie de ses compatriotes, en particulier Ezéchiel. Sédécias, après 8 ans de sujétion au monarque babylonien, et même un voyage dans sa capitale, pour lui rendre hommage, finit aussi par se révolter. Jérusalem fut prise après un siège de 2 ans ; Sédécias, aveugle et chargé de chaînes, fut transporté à Babylone et avec lui presque toute la population du royaume.
Ce fut donc sous Jéhojakim ou sous Jéconias ou dans les premières années du règne de Sédécias, que Jérémie fut chargé de transmettre au roi et à tous les habitants de Jérusalem un message bien solennel, Jérémie 17.19-27 :
« Ainsi m’a parlé l’Éternel : Va et tiens-toi à la porte des enfants du peuple, par laquelle entrent et sortent les rois de Juda, et à toutes les portes de Jérusalem. Tu leur diras : Ecoutez la parole de l’Éternel, rois de Juda, et vous tous habitants de Jérusalem, qui entrez par ces portes. Ainsi parle l’Éternel : Prenez garde à vos âmes. Ne portez point de fardeau le jour du sabbat et n’en n’introduisez point par les portes de Jérusalem. Ne sortez de vos maisons aucun fardeau le jour du sabbat, et ne faites aucun ouvrage. Mais sanctifiez le jour du sabbat, comme je l’ai ordonné à vos pères. Ils n’ont pas écouté… Si vous m’écoutez, dit l’Éternel, … alors entreront par les portes de la ville les rois et les princes assis sur le trône de David, montés sur des chars et des chevaux, eux et leurs princes, les hommes de Juda et les hommes de Jérusalem ; et cette ville sera habitée à toujours … Mais si vous n’écoutez pas quand je vous ordonne de sanctifier le jour du sabbat…, alors j’allumerai un feu aux portes de la ville, et il dévorera les palais de Jérusalem et ne s’éteindra point. »
Evidemment l’éclat avec lequel Jérémie devait transmettre ce message, en le proclamant à toutes les portes de la ville, non seulement pour le roi, mais pour tous les passants, fait ressortir la gravité du péché dont on se rendait coupable par la violation du sabbat. Un trait est mis en saillie : le port des fardeaux en ce jour, soit en passant par les portes de la ville (v. 21, 24, 27), soit en sortant des maisons (v. 22, cp. 21, 27). Mais ce trait, qui accusait et les porteurs, et tous ceux qui bénéficiaient de leur travail ou le permettaient, n’était qu’une des violations du sabbat, contre lesquelles s’élevait le prophète. Au fond, c’était toute violation du sabbat dont il s’agissait, comme le montrent les v. 22, 24, et 27, où se trouvent deux fois la défense de ne faire aucune œuvre en ce jour et trois fois l’ordre de le sanctifier. Mais le port même des fardeaux, tel qu’il est signalé, semble impliquer une violation plus grave encore qu’on ne s’y attendrait. Comme le pense Hitzig, en s’appuyant sur Néh. ch. 13, où certainement il devait en être ainsi, les fardeaux portés étaient « très vraisemblablement des marchandises, que l’on voulait offrir à bas prix le sabbat et aux portes mêmes où se tenait le marché. Ce jour-là les gens ne s’occupaient pas de leurs affaires ordinaires et avaient du temps pour faire des emplettes ; le vendeur lui-même ne pouvait pas, de son côté, rester tranquille avec ses marchandises. Mais tout ce remue-ménage était une profanation du sabbat. Comparez du reste Exode 20.8 ; 31.15 ; Deutéronome 5.14. » Il y avait donc alors une certaine observation du sabbat, puisqu’il y avait en général interruption du travail ordinaire ; mais il y avait en même temps une violation des plus graves, puisqu’il surgissait alors un nouveau travail, en flagrante contradiction avec la sainteté du jour et menaçant d’en faire un vrai jour de marché. Ce qui montre encore la gravité de cette désobéissance, c’est, d’un côté, la grandeur des promesses qui devaient se réaliser pour le peuple s’il changeait de conduite (v. 25, 26), et, de l’autre, le caractère terrible des malédictions qui fondraient sur lui dans le cas contraire (v. 27). La question se pose comme une question de vie ou de mort pour Jérusalem, comme elle l’avait été déjà par Ésaïe 56.1-8 ; 58.13-14, mais uniquement comme promesse.
Jérémie 17.19-27 n’en montre pas moins, à sa manière, qu’il y avait alors une certaine observation du sabbat, qu’il continuait à se distinguer des autres jours, et le fait est confirmé par un verset des Lamentations, qui, pour Juda, est le pendant de Osée 2.13 pour Israël. Il est dit, en effet, Lament.2.6 : « L’Éternel a dévasté sa tente comme un jardin, il a détruit le lieu de son rendez-vous. L’Éternel a fait oublier en Sion les fêtes et le sabbat et, dans sa violente colère, il a rejeté le roi et le prêtre. » Mais c’est par anticipation que ce verset peut être ici cité car il se rapporte à un temps postérieur à la destruction de Jérusalem, et quelques passages d’Ezéchiel antérieurs à cette catastrophe sont encore à examiner.