Christ a été le serviteur de l’Eternel et c’est dans l’obéissance qu’il s’est complu à manifester sa gloire de fils de Dieu et l’intime union qui l’unissait à son père. Il faut donc que le chrétien, à son tour, suivant l’exemple du maître, s’efforce de glorifier Dieu sur la voie de l’obéissance. Son premier devoir, quelle que soit la position qu’il occupe en ce monde, la vocation qu’il exerce, doit être pour attester et honorer son titre d’enfant de Dieu, en se considérant et en se faisant considérer comme le serviteur de l’Eternel. L’obéissance et la charité seront donc les traits caractéristiques de la vie chrétienne. Elles constituent en quelque sorte les traits de famille auxquels on peut reconnaître un chrétien, quelle que soit l’époque à laquelle il ait vécu et la confession religieuse à laquelle il ait appartenu. On les retrouve tout aussi bien chez un Fénelon que chez un Luther. Que ce soit un apôtre ou un réformateur, ou le plus humble d’entre ceux qui passent inaperçus sur la terre, que nous nous complaisions à faire revivre, il faut qu’en eux nous retrouvions le sentiment de l’obéissance se confondant avec celui de la charité. Cette charité qui se complaît dans l’obéissance, nous l’appelons la vertu cardinale ou la vertu première du chrétien ; c’est par elle qu’il affirme la plénitude de sa liberté. Sa liberté, à son tour, ne peut se développer sans faire plus grand encore le sentiment de l’obéissance et de la charité. Car à la voir dans son essence, cette liberté n’est que l’amour de Dieu, la communion et la ressemblance avec Dieu. Dans le pressentiment, et l’on pourrait même dire, l’intuition de la foi chrétienne, Platon, le plus grand de tous les penseurs païens, assigne à la vertu pour son dernier terme et son couronnement, la ressemblance avec Dieu. Mais ce n’est qu’en Christ que Dieu se révèle à nous, et ce n’est qu’en lui et par lui que nous pouvons aimer le père. Nous ne pouvons donc prétendre à cette ressemblance avec Dieu, le moment le plus élevé de la vie chrétienne, que par la ressemblance avec le Christ, autant dire par l’amour pour Dieu en Christ.
On pourrait donc nous demander pourquoi nous ne faisons pas de la foi la vertu chrétienne par excellence. Nous répondrons qu’ainsi il en est, parce que la foi est plus pour nous que la vertu, elle est la mère de toutes les vertus et de la charité elle-même. La foi et la charité ne sont qu’une seule et même chose. La foi est la charité elle-même à son heure la plus féconde et la plus pleine de promesses. C’est alors qu’elle saisit la foi, que l’âme s’abandonne aux influences de la grâce divine ainsi que fait la fleur lorsqu’elle s’entrouvre aux rayons du soleil. Quelle que soit la définition que nous donnions de la foi, que nous l’appelions la démonstration des choses que l’on ne voit pas, ou la certitude assurée et toujours confiante, toujours est-il qu’elle est dans son essence et dans son principe l’amour pour Dieu, car elle n’est que parce qu’elle accepte dans une confiance entière et bien humble, comme un fait certain, l’amour que Dieu se complaît à nous témoigner. La foi justifiante n’est elle-même que parce qu’elle est l’acceptation et l’appropriation de la grâce de Dieu en Christ. En d’autres termes, elle est le Christianisme tout entier, cette heureuse et joyeuse nouvelle : Dieu nous aime en son fils ; en lui, il nous pardonne nos péchés et nous reçoit comme ses enfants. Mais la foi, cet acte le plus personnel que nous puissions accomplir, ne se réalise pas sans créer entre Dieu et l’homme la communion dans la charité. Et de cette communion, comme de leur source première, procèdent les forces qui deviennent, selon les milieux où elles se produisent, l’amour filial, la reconnaissance filiale, la louange, l’adoration, la sanctification, autant dire, l’âme qui s’offre en sacrifice et fait que l’homme accepte comme son service raisonnable l’immolation au service de Dieu. Mais ces vertus ne peuvent se produire en nous qu’à la condition de nous rappeler que l’homme ne peut rien donner, qu’il n’accomplit aucune action, ne souffre aucune douleur, ne consent aucun sacrifice, qu’à la condition de recevoir et de s’approprier constamment le don de la grâce de Dieu. L’acceptation et l’appropriation sont donc notre œuvre première : notre œuvre personnelle et véritablement à nous, elle ne vient jamais qu’au second rang.
L’amour pour Dieu en Christ ne peut être la vertu cardinale de la foi chrétienne qu’à la condition d’être en même temps l’amour pour Christ. Le premier et le plus grand commandement qu’il ait promulgué a été : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, et par dessus toutes choses. » Pour lui ce commandement ne doit jamais être abrogé. Mais l’amour qu’il réclame pour Dieu son père, il le réclame également pour lui-même. Il veut que nous l’aimions plus que toutes choses. Il veut que nous le suivions et que pour le suivre nous abandonnions nos intérêts les premiers et les plus chers. Evidemment il n’aurait pas pu exiger pour lui un amour si infini, s’il n’avait pas eu la certitude qu’à l’aimer on aime toutes choses en lui et par lui. En aimant Christ, nous devenons, en effet, participants de la grâce de notre Seigneur Jésus et par elle, l’amour du père dans la communion du Saint-Esprit se réalise dans nos cœurs. L’amour de Christ nous fait donc aimer le Dieu trois fois saint, tel qu’il se manifeste au monde dans l’Évangile, et en lui seul se trouve le foyer de cet amour, la force qui le fait naître et grandir. Et de même qu’on ne peut pas aimer Christ sans aimer Dieu, on ne peut pas non plus l’aimer sans aimer l’homme, l’amour de Christ ne se séparant pas de l’amour de son royaume, de l’œuvre qu’il est venu accomplir en ce monde. Or ce royaume et cette œuvre embrassent l’humanité tout entière. Et, de plus, cette humanité on ne peut la connaître et l’aimer qu’en lui, car c’est pour lui et par lui qu’elle a été créée et ordonnée. Il est la tête, le chef sous lequel elle doit se rassembler et se retrouver (Colossiens 1.15). L’amour pour Christ comprend non seulement l’amour pour l’humanité mais aussi pour l’individu ; ce n’est donc qu’en lui que nous pouvons apprendre le véritable amour pour nous-mêmes, celui qui nous garde et nous rend notre véritable valeur et le noble souci de notre avenir éternel. L’amour pour Christ est donc le trésor impérissable qui renferme toutes les saintes causes et toutes les idéales aspirations que doit poursuivre l’humanité. Il est l’amour pour Dieu, l’idéal le plus élevé que puisse poursuivre l’homme, puisque Dieu lui-même, la communion avec Dieu, la ressemblance avec Dieu reste la fin suprême qui seule réalise et accomplit toutes les destinées. Il est encore l’idéal personnel que chacun de nous est obligé de poursuivre et qu’il ne peut reconnaître et atteindre qu’en Christ. Il n’est pas un seul idéal entre tous ceux que poursuit l’humanité qui puisse exister hors de lui et sans lui, car il est le centre vers lequel tendent et duquel procèdent tous les rayons de la lumière qui éclaire l’humanité.
Mais nous devons ajouter que pour aimer véritablement le Christ, il faut aimer en lui non seulement un idéal à nous personnel, mais toutes les saintes aspirations que peut aimer et poursuivre l’humanité. Le faire servir à un intérêt qui contredirait ou ne répondrait pas à la fin suprême de l’humanité, c’est l’aimer égoïstement et par conséquent l’amoindrir. Car aimer Jésus sans reconnaître en lui le fils, la parfaite révélation du père, ce serait adorer l’homme, faire acte d’idolâtrie, commettre une manière de fétichisme. Telle est cette piété maladive qui ne cherche en Christ qu’un salut égoïste, des émotions et des douceurs plus égoïstes encore. Aussi dans ces prétendus chants de réveil, dans ces cantiques de petite chapelle, il en est qui célèbrent l’union de l’âme et de Christ en des termes qui rappellent par trop le délire d’une affection grossière et sensuelle. On dirait que dans ce milieu saturé d’extase et d’encens. Dieu le père n’existe plus et que son fils seul règne et gouverne, non point parce qu’il est le fils qui ramène au père mais l’idole qui nous retient à ses pieds. Ce sensualisme devient inévitable quand on aime le Seigneur comme s’il n’était le Sauveur que de notre seule âme et qu’on oublie qu’il ne peut être le Sauveur de l’individu qu’à la condition d’être celui de l’humanité tout entière, le fondateur du royaume qui renferme toutes les fins et toutes les gloires de l’humanité. Ce particularisme pieux mais faux et sectaire se rencontre chez les ascètes, les ermites, dans les couvents et les cénacles piétistes. On aime encore le Christ d’un amour incomplet quand on ne sait voir en lui que le fondateur d’un royaume dont les effets bienfaisants ne sont que pour l’humanité terrestre et ne valent que pour élever toujours plus haut le niveau de la culture morale et intellectuelle. Telle est encore l’erreur que commettent ceux qui croient qu’avant de sauver l’individu et de constituer entre tous ceux qu’il a sauvés les rapports d’une communion tutélaire et immortelle, il veut d’abord fonder l’Eglise, institution extérieure et visible, et la constituer son intermédiaire exclusif pour servir aux meilleurs intérêts de l’humanité actuelle. Cette tendance se reproduit sous bien des aspects différents. Mais quelle que soit la forme qu’elle revête, elle est toujours l’ecclésiasticisme, quelque chose qui ressemble singulièrement à l’humanisme païen. Et comment en serait-il autrement ? Elle oublie que l’œuvre de Christ est avant tout un royaume qui ne peut se faire qu’avec des âmes rachetées et ne se réalise que dans la communion des saints. L’amour pour Christ, le véritable, est donc à la fois universaliste et individualiste ; et il poursuit, avec la même affection, la glorification de la société et celle de l’individu. Mais après tout il y aurait infidélité à ne pas le dire, le rapport personnel du racheté avec son Sauveur est essentiellement le premier et celui qui importe le plus. Et c’est ici surtout qu’il est vrai de dire : charité bien entendue commence par soi-même. Et c’est pour tous que l’apôtre parle, quand il recommande aux pasteurs et aux docteurs de l’Eglise qu’ils aient à veiller sur eux-mêmes d’abord et puis sur tout le troupeau. L’œuvre première pour chaque chrétien est donc pour assurer sa communion personnelle avec le Sauveur, car il n’est que trop évident que nul ne peut travailler à l’extension du Royaume de Dieu autour de lui si, au préalable, il ne l’a déjà reçu dans son propre cœur. Le but que dans notre activité morale et religieuse nous devons incessamment poursuivre reste l’affermissement, de notre union personnelle avec le Seigneur afin qu’elle devienne toujours plus une communion intime et vivante.
L’amour du disciple pour son maître comprend exactement les mêmes moments que ceux qui caractérisent l’amour de Christ pour son père. Dans son union avec le Père, Christ se révèle comme celui qui reçoit, accepte, contemple et prie, tandis qu’au regard du monde il agit et souffre. L’amour du chrétien pour le Christ se formant sur le modèle de l’amour du fils de Dieu pour son père et n’étant que son œuvre, ne peut donc se faire qu’à sa ressemblance. Cet amour, dont la foi est la cause première et le point de départ, sera d’abord une contemplation pieuse qui s’approprie le Seigneur Jésus, le Royaume de Dieu et les choses qui appartiennent à ce Royaume. Cette contemplation sans cesse se ravive dans l’étude attentive de la parole de Dieu qui seule peut nous apprendre à nous connaître et à connaître le monde. Nous rencontrons le modèle de cet amour dans cette Marie de l’Évangile qui se tenait assise aux pieds du Seigneur pour écouter sa parole et la recueillir dans son cœur. On peut dire de cet amour qu’il est l’inspiration de la véritable connaissance de Dieu. Il devient l’amour mystique, l’esprit de la prière et de l’adoration qui, dans une communion toujours plus fervente et plus personnelle avec le Seigneur, s’abandonne aux directions d’en haut, prie pour obtenir les dons parfaits et les grâces excellentes, qu’il résume et comprend tous, dans le don du Saint-Esprit et la consécration de sa volonté à la volonté du Seigneur. Et à parler d’adoration et de prière, nous n’entendons pas des actes isolés qui se succèdent et reviennent à des intervalles plus ou moins rapprochés, mais une disposition permanente qui constitue le tempérament moral de notre être : « Priez sans cesse. » (1 Thessaloniciens 5.17). S’il est un faux mysticisme panthéiste, c’est qu’il en est un essentiellement pur et sain et sans lequel on ne saurait comprendre, ni la vie religieuse, ni la vraie communion avec Dieu. L’essence de ce vrai mysticisme est la vie en Dieu, grâce à laquelle l’homme ne cherche pas seulement son Dieu dans le sanctuaire visible et fait de main d’homme, mais se fait lui-même le sanctuaire vivant. Ce mysticisme trouve sa véritable expression dans la prière. Mais il ne faudrait pas croire qu’il ne soit que la prière silencieuse, toujours renfermée dans la douleur et la passive contemplation. Il sait agir et se faire sa place au milieu des réalités et des épreuves de la vie ; contrairement aux faux mystiques, il aime les sanctuaires visibles, les grandes assemblées ; il en fait ses lieux de prière toujours préférés. La communion des fidèles lui est son réconfort et sa meilleure édification. Et comment en serait-il autrement ? C’est dans ce milieu plus que partout ailleurs que, conformément à sa promesse, le Seigneur aime à se trouver (Matthieu 18.20). C’est là que pour lui la lecture de l’Évangile fait revivre le Seigneur Jésus. C’est là qu’il peut entendre ses chants les meilleurs et les plus purs. Et comment en serait-il autrement ? N’est-ce pas dans l’enceinte sacrée que consacre la communion des saints, que se fait pour nous la certitude que nos actions de grâces, nos douleurs et nos joies deviennent la prière des deux ou trois pour s’élever jusques au trône de Dieu. C’est là encore au pied de la table sainte, que notre communion avec le Seigneur trouve sa forme la plus impressive et la plus pure. A cette place il se donne à nous sous la forme du pain qui apaise notre faim et de la coupe qui étanche notre soif. Dans le plus ineffable et le plus sacré de tous les mystères, il se fait le sang qui purifie de tout péché et le corps rompu, la victime sainte qui réconcilie le pécheur avec son Dieu. Désormais unis à lui par l’indissoluble lien que la mort et le péché ne peuvent plus atteindre, notre unique recherche est pour nous retrouver toujours plus près de lui, marchant sur ses traces, portant en tout lieu et avec lui la bonne odeur de l’Évangile. Les œuvres que désormais il peut entreprendre pour le bien de ses. frères, se rencontrent et se sanctifient toutes dans l’attente et la préparation du Royaume de Dieu. Grâce à l’amour qui est en Christ, le chrétien sait faire de sa vocation d’ici-bas l’apprentissage de sa céleste vocation. Il apprend à les confondre toutes les deux. Pour lui, l’amour qui agit devient l’amour qui souffre et qui sans cesse se rapproche du Royaume du ciel en traversant la grande tribulation. Mais cet amour qui obéit et qui s’immole, on ne peut l’apprendre que sous la croix.
Plus s’affirme au cœur du croyant l’amour chrétien, et plus il est amené à saisir sa véritable vocation dans la réalisation de la ressemblance divine, pour lui toujours plus distincte et plus visible. Sa vie tout entière se fait alors la protestation contre les deux fausses tendances de l’humanité contemporaine. Il sait condamner ceux qui dans un spiritualisme tout aussi faux que coupable, trouvent indigne et trop au-dessous d’eux — à la manière de Prométhée et de Faust, — une existence qui ne veut apprendre qu’à servir. Mais il n’est pas non plus avec ceux qui ne croyant qu’aux réalités matérielles voudraient nous astreindre à l’éternelle servitude de la chair et du sang. A distance égale de tous ces extrêmes, il cherche son juste milieu, son centre d’action, dans l’union consciente de l’esprit et de la nature, du céleste et du terrestre. Pour lui l’homme moral et religieux, ne doit pas être seulement l’esprit, mais l’être humain tout entier. Il sait que Christ ne vivifie pas seulement une partie de notre être, l’intelligence, l’esprit, mais l’être tout entier. L’amour chrétien forme donc l’antithèse la plus manifeste et la plus voulue contre l’égoïsme et ses conséquences, la convoitise de la chair, la convoitise des yeux et l’orgueil de la vie. Mais de ces trois démons, le plus redoutable, celui qui les représente et les exalte le plus, c’est encore l’orgueil de la vie. A l’orgueil de la vie, l’amour chrétien oppose l’humilité. L’humilité, pour être d’abord le sentiment profond de notre indigence spirituelle, de notre besoin de Dieu (indigentia Dei) n’en est pas moins la conscience du péché et de l’infinie distance qui sépare l’homme du Christ son rédempteur. Et le rédempteur ne peut racheter, ne peut élever à sa véritable hauteur en le réconciliant avec Dieu que celui qui se trouve sur la voie sainte de l’humilité. Celui qui s’abaisse sera élevé (Luc 18, 14). A la convoitise de la chair, l’amour chrétien oppose la pureté chrétienne (ἁγνεία) : pureté tout autrement sainte que celle qu’ont rêvée les ascètes. Bien loin de détruire comme ils le voudraient le sentiment véritablement humain, elle entend, au contraire, le relever et le sanctifier contre les exigences de l’instinct et de la nature. Elle veille attentivement pour que jamais il ne tombe sous l’oppression et dans la servitude de la matière. En opposition à la convoitise des yeux, la charité chrétienne nous rappelle que Christ nous faits indépendants des biens et des honneurs d’aujourd’hui, en nous apprenant à regarder non point aux choses visibles mais aux invisibles (2 Corinthiens 4.18). A sa lumière, nous ne pouvons plus nous laisser éblouir par les apparences qui ne sont que pour un temps. Quant à la position que le chrétien occupe ici-bas et les biens dont il dispose, il se considère comme un économe qui peut à chaque instant être appelé à rendre compte au maître de l’administration qui lui est confiée. Pour ce qui concerne les honneurs et les distinctions d’aujourd’hui, pour lui, ils ne représentent que la manière dont les hommes le considèrent. Cette considération à ses yeux n’a qu’une valeur bien secondaire, habitué qu’il est à vivre dans la dépendance du jugement de Dieu (1 Corinthiens 4.3). Dès l’apparition du Christianisme, en présence de l’humilité et de la charité chrétiennes, vertus ignorées et surhumaines pour le monde d’alors, les païens comprirent qu’une vie nouvelle venait de naître.
Parce qu’il aura plu au monachisme de confondre la bassesse avec la véritable humilité, et la pureté morale avec une règle qui est une offense pour la conscience et une déraison pour le cœur, ce ne doit pas être une occasion pour mépriser ces vertus ou croire qu’elles ne sont que d’impossibles prétentions. Le célibat ecclésiastique qui fausse et calomnie les plus nobles instincts de notre nature, ne doit pas non plus nous faire oublier que Dieu a institué le mariage à la seule fin de sanctifier et d’ennoblir notre pauvre humanité. La besace et le bâton du moine mendiant, ne seront jamais que la ridicule parodie de l’indépendance que le chrétien, dans sa confiance absolue au père céleste, doit toujours garder en son cœur à l’égard des biens de ce monde. Ces vertus restent toujours nécessaires à notre sanctification et à notre salut, parce qu’elles sont, non seulement l’apprentissage, mais la réalisation de la vie éternelle. Bien comprises et à leur place, elles sont les vertus cardinales du véritable ascétisme. Bien loin de le proscrire à cause des abus qui ont pu le compromettre, nous persistons à le retenir comme indispensable à la morale véritable. Sans lui nous ne saurions combattre victorieusement le péché qui, toujours inhérent à notre nature, fait obstacle en nous au développement du Royaume de Dieu. En dépit des erreurs du monachisme et surtout du catholicisme, nous ne saurions méconnaître, et il y aurait danger à le faire, la nécessité d’une forte et ferme discipline dans notre vie religieuse. Et même parmi les moyens ascétiques en usage dans l’église catholique, il en est que nous aimerions à retenir sans leur reconnaître cependant la valeur exagérée que malheureusement elle leur attribue. Nous n’éprouvons donc aucune difficulté à confesser que dans nos églises on a trop méconnu l’influence légitime que représente pour le bien des âmes, la confession de nos péchés chrétiennement et volontairement pratiquée. Pourquoi ne le dirions-nous pas ? Ces jeûnes et ces symboles extérieurs que multiplie cette église, nous regrettons qu’à les prodiguer elle les ait profanés et trop souvent rendus impossibles pour nous chrétiens évangéliques.
Mais il y aurait infidélité à ne pas le dire, l’examen de nous-mêmes, attentif et sérieux, qui tient la place première dans la vie chrétienne ne peut se faire que bien difficilement sans le concours de la confession de nos péchés, sincère et vraie à un homme, frère en la foi. Et à ce point de vue, nous ne serions pas éloignés de croire avec l’apôtre saint Jacques que cette confession devant Dieu sera d’autant plus efficace que nous pourrons et oserons la faire devant un témoin ami. Pascal, selon nous, ne fait que constater un fait profondément humain, quand il affirme que la confession que Dieu seul entend n’a pas la même vertu que celle que l’homme a déjà entendue. Il est évident, en effet, qu’avant de recevoir notre confession, cet homme devait avoir pour nous une considération infiniment plus élevée que celle que désormais il nous garde après nous avoir vus dans toute l’intimité et dans toute la misère de notre véritable attitude. Mais l’homme qui reçoit notre confession, d’après nos idées chrétiennes, peu importe, qu’il soit prêtre ou pasteur, il suffit qu’il soit un ami et surtout un chrétien. Saint Jacques, au reste, nous le dit : Confessez-vous les uns aux autres vos péchés (Jacques 5.16). On doit également considérer le jeûne comme un moyen utile pour résister à l’instinct mauvais et charnel et pour conserver dans toute sa fraîcheur le sentiment de la pureté, à la condition toutefois qu’il ne soit pas pour nous un exercice corporel accompli pour nous valoir une œuvre méritoire. Il doit être un acte moral à l’aide duquel nous sachions nous refuser une satisfaction permise et nous défendre contre une jouissance interdite. On ne peut donc employer ce moyen que pour apprendre à retenir sous notre volonté les forces et les instincts de notre nature. C’est au reste l’enseignement de saint Paul. Il nous dit lui-même : « Je tiens mon corps en bride, de crainte qu’après avoir prêché aux autres, je ne sois moi-même rejeté (1 Corinthiens 9.27). Enfin le moyen véritable à faire valoir contre l’avarice, l’amour des biens et des avantages d’ici-bas, c’est la pensée de la mort, le memento mori. Insensé ! cette nuit même ton âme te sera redemandée, et pour qui seront les biens que tu te seras amassés ? (Luc 12.20). Combien peu pour celui qui les possède, ou plutôt qui en est possédé, valent ces biens trompeurs ? Combien réellement, au contraire, ils représentent l’universelle vanité que dénonce l’Ecclésiaste : « Vanité des vanités », nous aurons l’occasion de le montrer dans notre Morale spéciale.
On appelle « fidélité » l’amour chrétien qui, malgré toutes les difficultés et jusques à la fin de notre course d’ici-bas, sait persévérer dans la voie de l’obéissance. Si l’amour est la substance et en quelque sorte le contenu de la vertu chrétienne, la fidélité en est l’expression. C’est à elle que nous devons la persévérance qui toujours affirme comme le premier et le plus grand de tous les biens, la communion avec Dieu, et sait la faire toujours plus pure et plus vraie. (Voir la parabole des talents). La fidélité comprend la vigilance, l’œil qui éclaire notre voie et nous montre avec la tâche à remplir les distractions qui pourraient nous faire obstacle. La fidélité, par cela même qu’elle est la persévérance, (perseverantia), est aussi la vaillance. Il faut qu’en temps et hors de temps, dans les bons et les mauvais jours et jusques à la fin, elle maintienne son ferme propos. Pour être le combattant qui lutte, toujours vaillant et généreux, il faut aussi qu’elle sache souffrir dans une patience ou mieux vaudrait dire dans une endurance que rien ne peut lasser. Tertullien appelle la patience « la fille chérie de Dieu ». Elle ne va jamais sans la douleur qui toujours accompagne l’esprit de Dieu lorsqu’il descend sur la terre. Celui qui aura persévéré jusques à la fin, celui-là sera sauvé, nous dit l’Ecriture (Matthieu 10.22). La liberté chrétienne, dans notre vie, n’est jamais que l’expression de la puissance avec laquelle s’affirme l’amour chrétien dans la persévérance et la fidélité. Notre liberté chrétienne ne peut vivre et grandir que dans la paix et dans la joie, dans la communion avec notre Dieu et notre sauveur. (Voir le livre de la liberté chrétienne de Luther.) C’est également dans la paix humble et glorieuse que Jésus notre maître et notre idéal, a toujours le plus hautement attesté sa liberté aux jours de son abaissement. Cette liberté chrétienne à son tour procède de l’humilité et d’une conscience pure, car il faut qu’elle puisse dire : « C’est par la grâce de Dieu que je suis ce que suis », et en même temps, il faut qu’elle connaisse toute l’infinie distance qui la sépare encore du but à atteindre, et qu’à l’exemple de saint Paul, elle sache se rendre le témoignage qu’elle n’a pas encore saisi le but et qu’elle n’est pas encore arrivée à la perfection (Philippiens 3.12). Cette distance entre le but à atteindre et les efforts déjà accomplis, ou si l’on aime mieux entre l’idéal et la réalité, doit durer toute notre vie, car la liberté chrétienne ne peut grandir que dans l’attente du Royaume de Dieu, un jour pleinement réalisé.
Les quatre vertus cardinales de la morale païenne, la sagesse, la justice, la prudence et la vaillance se retrouvent agrandies et sanctifiées dans la vertu chrétienne. Pour le régénéré, la sagesse païenne devient l’amour qui contemple, car la véritable sagesse ne se comprend que comme l’amour dans l’intelligence, l’amour qui a conscience de la voie qu’il doit suivre et du but qu’il doit poursuivre, il les éclaire et les possède l’un par l’autre. La justice pour le chrétien n’est également que l’amour en action. Et il ne saurait en être autrement, car l’amour est un avec l’obéissance qui accomplit la loi. Il ne fait point de mal, et qu’il faille agir ou souffrir, il se conforme toujours aux saintes exigences de la volonté de Dieu. La sagesse et la vaillance sont inséparables de la fidélité du chrétien régénéré, et sans elles, elle ne pourrait subsister parce qu’elle sait ce que ne savait pas la vertu païenne, prier et veiller dans l’espérance qui peut attendre et se résigner.
Se sanctifier, faire l’œuvre de la sanctification, c’est vivre la vie du Seigneur Jésus, le suivre, marcher sur ses traces depuis notre heure première jusques à la dernière. Si la sanctification est le fruit de la grâce divine qui, toujours créatrice, inspire la régénération de l’homme, la retient, la dirige et la garde dans tous les moments de son développement comme son œuvre propre, cette sanctification n’en est pas moins le résultat des efforts incessants et du labeur toujours persistant de la liberté chrétienne. Elle est la vocation de l’homme qui veut s’affranchir de toutes les servitudes mondaines qu’il a pu contracter alors qu’il était sans Christ et sans espérance au monde. Sans elle, il n’est pas une existence humaine si élevée, si grande soit-elle aux regards des hommes, qui puisse conquérir la conscience de sa véritable destinée et trouver en Dieu une vie affranchie des influences de la chair, ou si on l’aime mieux, une vie conforme à la volonté de Dieu. Plus notre sanctification s’avance, et plus elle soumet et transforme sous les influences de la vie que le Christ met au cœur des siens, les dons et les aptitudes naturelles ; ce qui n’était en nous que le fait de la nature, elle en fait une grâce d’en haut, elle sanctifie tout ce qui est humain. Il n’est pas en nous une aptitude, un talent qu’elle ne s’approprie et qu’elle n’oblige à concourir au développement du caractère chrétien. Avec le monde, elle fait le Royaume de Dieu ; elle rachète les moments et le temps qui passent et les fait valoir pour l’éternité. Toutes les puissances et toutes les heures de la vie, elle les subordonne et les consacre à la fin suprême qu’elle-même est appelée à servir. Cette œuvre qui embrasse et domine notre existence tout entière, doit se résumer, ainsi que déjà nous l’avons indiqué, dans l’assimilation de la personne du Christ. Elle est la purification de notre être, la force qui agit par l’efficace de l’esprit de Christ pour repousser, combattre tout ce qui provient du péché, ou peut le provoquer.
Cette purification doit être l’intérêt dominant de toute notre vie, elle s’étend sur toutes nos actions et se poursuit dans toutes les sphères de notre activité. Il n’en est pas une seule qui puisse se soustraire à son influence. Elle doit s’accomplir dans le moment le plus intime de notre vie, dans l’activité du recueillement et de la prière, dans la résignation de la douleur, dans le renoncement au regard de la possession et de l’usage des biens de ce monde, en un mot, elle doit comprendre notre activité terrestre, et toutes les œuvres qui la représentent. On peut s’attendre à retrouver l’influence du vieil homme, cherchant toujours à se faire sa part en nous détournant du commandement ou en viciant la bonne action que nous venons d’accomplir. Nous avons donc toujours à nous garder et à nous observer pour écarter les obstacles qui pourraient contredire à notre tâche et surtout pour retenir et nous approprier les moyens qui en facilitent l’accomplissement. L’œuvre de la purification revêt donc une double signification, elle doit produire et détruire, transformer et réformer. Quant à la manière dont elle doit s’accomplir elle n’a qu’à regarder comment Jésus a toujours procédé à l’égard de ses disciples. D’une part, il les délivre de leurs préjugés et de leurs illusions, puis il réforme et purifie leurs cœurs. Cette purification il nous l’a présentée sous la forme symbolique du lavage des pieds (Jean ch. 13). Il les régénère et les vivifie en leur promettant une grâce nouvelle et plus grande : Celui qui croit en moi, des fleuves d’eau vive découleront de son sein (Jean 7.38). Au reste, la méthode dont il use pour l’éducation de ses disciples n’est que l’application et l’appropriation à leurs circonstances et à leurs besoins personnels des forces morales que renferme la rédemption. Cette œuvre que pour tous il vient accomplir, a pour but de nous délivrer du péché, de faire de nous de nouvelles créatures, de nous élever au plus haut degré de la vie véritable. Poursuivre le Seigneur Jésus, il faut donc s’engager à vivre et à mourir avec lui (Rom. ch. 6). De même que Christ est mort pour le péché, de même aussi nous devons mourir au péché et au monde. De même qu’il est ressuscité, nous aussi nous devons marcher en nouveauté de vie. Si nous ne poursuivons qu’une seule de ces vérités, il en résulte une existence exclusive et atrophiée. L’histoire de l’Eglise nous en offre de nombreux exemples. L’une de ces tendances exclusives se rencontre pour l’église catholique dans la tendance ascétique et monacale, et pour le protestantisme dans le piétisme étroit, espèce de monachisme laïque, qui croit que pour conquérir le ciel il faut abjurer tous les devoirs et tous les intérêts de la vie humaine. Mais on dirait que de parti pris il veut ignorer cet esprit de Christ qui fait de nous de nouvelles créatures et nous investit de ces énergies et de ses forces qui procèdent du monde d’en haut et nous rendront capables de le posséder un jour. Dans ce milieu, on multiplie les exhortations et les appels à la conversion, on donne de bonnes petites recettes pour apprendre à mourir saintement, mais on oublie de nous dire comment dès aujourd’hui, nous pouvons vivre la vie bienheureuse et immortelle. Constamment on nous répète que celui qui croit en Christ ne sera pas perdu mais on se garde d’ajouter que « celui qui croit en lui des fleuves d’eau vive découleront de son sein ». On dirait que pour ces chrétiens, il suffit de savoir que Christ est mort pour nos péchés, mais qu’il n’est pas nécessaire de le connaître comme le pain de vie. A cette tendance exclusivement ascétique, nous devons en opposer une toute contraire, celle que l’on pourrait appeler « hellénistique » car elle poursuit la conciliation du paganisme grec et du Christianisme. Dans l’antiquité chrétienne, c’est surtout dans l’église grecque qu’elle se rencontre, mais de nos jours, dans toutes les langues que parle la pensée moderne, elle cherche à faire revivre sous le couvert du Christianisme et sous des dehors purement mondains, une conception toute païenne de la vie humaine. Elle relègue dans l’ombre le péché et la rédemption et s’efforce de représenter le Christ exclusivement, comme celui qui a pleinement réalisé l’idéal de la vie qui désormais, grâce à lui, devient le point de départ de la véritable humanité. L’imitation du Christ n’est plus en ce sens, que le progrès s’accomplissant dans l’humanité an commandement d’un Christ qui n’est que le fils de l’homme, et l’homme idéalisé au gré de l’imagination et du caprice de la chair. Mais pareille conception n’est possible qu’à la condition d’oublier l’antagonisme absolu entre l’homme ancien et l’homme moderne. Il faut même ne tenir nul compte de la distance qui oppose la civilisation et les mœurs païennes aux influences de justice et d’honneur qui procèdent de l’ère chrétienne. Il faut en sus ignorer le péché et ses influences délétères au profit d’un progrès continu, d’un développement harmonique qu’aucun obstacle ne peut plus troubler. L’évidence nous oblige au contraire à reconnaître que la vie chrétienne elle-même n’est pas cette heureuse harmonie qui concilie dans la paix et dans la joie les forces de la terre et celles d’en haut. Nous ne pouvons ne pas voir les crises fréquentes et douloureuses à subir pour vaincre les éléments inassimilables que nous portons en nous-mêmes et dont nous devons nous affranchir au péril de la vie elle-même. Le vieux levain qui est en nous serait un ferment mortel si nous ne savions pas le rejeter (1 Corinthiens 5.7). Très certainement pour celui qui est véritablement régénéré, le péché est mortellement atteint mais il est lent à mourir et nous réserve de terribles et d’inattendus retours. En principe elles peuvent être vaincues pour le chrétien la convoitise de la chair, la convoitise des yeux et l’orgueil de la vie. Il peut encore n’avoir plus à redouter les indifférences coupables d’un optimisme égoïste, et les atteintes subites et cruelles d’une tristesse pessimiste. Mais quoiqu’il ne soit plus exposé à ces abattements qui troublent, à ces agitations malsaines que traînent toujours après elles les journées d’inaction et d’ennui toujours pleines d’espérances exagérées ou de terreurs tout aussi folles, il n’est malheureusement pas un chrétien qui ne garde en lui des restes du vieux levain et n’en retrouve toujours l’influence dans son caractère et les circonstances particulières à sa situation.
Dieu veut bien se faire notre éducateur, mais à la seule fin de nous faire capables de comprendre et de vouloir son royaume. Il envoie donc les épreuves et les bienfaits, les châtiments et les bénédictions, pour qu’ils soient des appels et des moyens de grâce et servent à cette unique intention. Et le plan que poursuit avec nous et pour nous le divin éducateur, exige que souvent nous ayons à subir des œuvres ingrates, vulgaires et répugnantes faites en apparence pour froisser, contredire et provoquer l’ennui et les angoisses de la servitude. Mais si vulgaires qu’elles puissent nous paraître, nous devons leur consacrer notre force et notre intelligence aussi entières que si elles représentaient les distinctions les plus enviées. Car alors même qu’elles nous sembleraient en contradiction avec la vie éternelle, incapables ou indignes de concourir à son service, elles n’en auraient pas moins une valeur disciplinaire qu’il y aurait péril pour nous à méconnaître. C’est grâce à elles que nous apprenons à obéir et que notre égoïsme est froissé, notre orgueil spirituel abattu. Les épreuves qui nous frappent en notre corps, les soucis matériels qui mettent en question la paix de chaque jour, ne sont pas non plus sans avoir leur décisive importance. Que de chrétiens qu’égaraient les prétentions d’un faux spiritualisme par elles tout à coup, ont appris le service raisonnable des véritables enfants de Dieu !
Dieu ne peut pas se faire notre éducateur sans nous et malgré nous. Il faut que dans une mutuelle et libre entente, nous devenions collaborateurs et, comme dit l’apôtre, ouvriers avec lui, travaillant sous ses ordres et sous sa direction. Cette entente ne se fait qu’avec le concours de l’esprit qui combat, repousse et condamne le mal, s’alliant à l’esprit qui ordonne et dispose nos forces morales et les fait concourir à la création de l’homme nouveau, notre personnalité véritable. Or, de ces deux esprits, l’un est la force qui nous protège et l’autre, la lumière qui éclaire notre voie et nous fait pressentir la gloire à venir. En nous, tous les deux doivent s’unir et se compléter afin qu’à suivre le Seigneur Jésus, nous prenions conscience de nous-mêmes, et devenions dans sa communion, les concitoyens des saints et les futurs habitants du ciel. A ces conditions et à ce prix, peut se faire notre corps spirituel, tandis que notre corps de mort se transforme au service des puissances de la vie éternelle et devient le temple du Saint-Esprit. Il faut donc que nous apprenions à nous faire notre robe de noces avec le manteau de deuil d’aujourd’hui, notre trésor éternel avec les larmes et les épreuves de l’heure présente, et qu’en même temps, avec les ruines du présent nous élevions le temple du Saint-Esprit.