Les chapitres 20 à 23 du livre d’Ezéchiel, qui forment un seul tout, se rapportent à la septième année de la déportation de Jéconias et du prophète, deux ans avant l’investissement de Jérusalem par Nébucadnetzar et quatre avant la prise de la cité.
Dans le ch. 22, qui concerne les crimes de Jérusalem, il est dit, v. 8 : « Tu dédaignes mes sanctuaires, tu profanes mes sabbats », et v. 26 : « Les sacrificateurs ont outragé ma loi, profanant les choses saintes, ils n’ont pas distingué entre le saint et le profane ; ils n’ont pas montré la différence entre celui qui est souillé et celui qui est pur ; ils ferment les yeux sur mes sabbats et je suis profané au milieu d’eux. » Rien de plus grave, au fond, que ce reproche, qui révèle une des causes les plus tristement fécondes de la profanation du sabbat alors générale en Juda. Les sacrificateurs devaient donner l’exemple de son observation et veiller de toute manière à ce qu’il fût bien pratiqué dans tout le royaume. Or, au lieu de cela, ils fermaient les yeux sur le saint jour et ils agissaient ainsi parce qu’ils ne distinguaient plus eux-mêmes le saint et le profane. Et cependant le fondement de toute la religion de l’Ancienne Alliance n’était-ce pas la double idée de la sainteté de l’Éternel et de celle qui devait aussi caractériser son peuple ?
On ne saurait donc beaucoup s’étonner de l’extrême profanation du sabbat signalée Ézéchiel 23.38-39 : « Voici encore ce qu’elles ont fait les deux sœurs prostituées, Ohola et Oholiba, c’est-à-dire Samarie et Jérusalem). Elles ont souillé mon sanctuaire le jour même où elles ont profané mes sabbats. Elles ont immolé leurs enfants à leurs idoles et elles sont allées le même jour dans mon sanctuaire pour le profaner. » Au fond, ces deux versets ne se rapportent directement qu’à Jérusalem, car elle seule avait le Sanctuaire. Comme le pense Hitzig, il ne faut pas les comprendre comme si l’on avait immolé des enfants dans le Temple, mais plutôt admettre qu’après avoir commis quelque part ailleurs cette abomination, on ne s’en rendait pas moins, encore tout souillé par elle, dans le Temple de Jéhovah, au jour même de son sabbat, Jéhovah étant ainsi adoré à côté des faux dieux et comme un des leurs. Certes, c’était bien alors que la confusion entre le saint et le profane, le bien et le mal, arrivait à son comble ! Ces deux versets doivent faire allusion à des faits réels, mais qui ne nous sont pas autre. ment connus et dont on ne peut préciser la date. En tout cas, ils ne sauraient surprendre d’après ce qu’on sait de l’idolâtrie de plusieurs rois de Juda. Hitzig cite, comme exemple, ce qui est dit de Manassé 2 Rois 21.4-5,7. — « Ce furent surtout les rois Achaz, Manassé et Amon, dit Fréd. Delitzsch, qui adhérèrent au culte de Moloch, culte auquel Josias mit un nouveau terme dans le principal lieu de ce culte, la vallée de Hinnom. » Mais Jéhojakim, Jéconias et Sédécias sont dits avoir fait ce qui est mal aux yeux de l’Éternel, « entièrement comme avaient fait leurs pères. »
En face de l’école Reuss-Wellhausen, constatons que si dans la seconde partie d’Ezéchiel il est, à plus d’une reprise, question du sabbat (Ézéchiel 44.24 ; 45.17 ; 46.1-3), à savoir du devoir qui en résultait pour les lévites et les prêtres, des sacrifices qu’il réclamait, de l’ouverture de la porte orientale du parvis intérieur en ce jour et lors de la néoménie, c’est d’une manière purement incidente et en supposant connu et admis tout ce qui avait été précédemment enseigné pour la célébration du 7e jour. Les modifications nouvelles introduites dans cette célébration, telles que l’attribution au prince des frais des holocaustes, des offrandes et des libations, aux fêtes et aux nouvelles lunes, aux sabbats et à toutes les solennités (Ézéchiel 45.17), ne touchent nullement le fond même de l’ancienne institution sabbatique.
« Nous ne pouvons pas admettre qu’on dise : Ezéchiel a ignoré le souverain sacerdoce, institution postérieure à l’exil. Nous croyons qu’il l’a connu, mais qu’il l’a supprimé à dessein… Il a retranché le grand prêtre parce que dans son tableau de la théocratie future, la suprématie, même en matière religieuse et dans le culte, appartient au prince. Nous supposons que déjà pour Ezéchiel, la perspective du roi idéal de l’avenir se combinait avec celle du grand-prêtre idéal, le Messie (pour employer le terme consacré) devant être à la fois prêtre et roi. » Gautier, Mission du proph. Ezéch., p. 360-363.