Il faut donc chasser cette pensée blasphématoire, et se servir de ce remède, dont David se sert, et se résoudre à prier au milieu des péchés, oui, même au milieu d’une mer de péchés. Car à quoi servirait ce mot aie pitié, si ceux qui prient étaient purs et n’avaient pas besoin de miséricorde ; mais c’est ici, comme j’ai déjà dit, un combat bien dur et bien difficile d’exciter et de forcer son cœur au milieu du sentiment du péché à crier à Dieu : O Dieu, aie pitié de moi. Je sais quelque chose par mon expérience de ce que je dis et de ce que je propose ici aux autres, j’ai éprouvé que c’est la chose du monde la plus difficile que de prier quand on sent les reproches et les remords du péché dans la conscience ; c’est pourquoi je ne veux pas me vanter d’être maître dans cet art, mais j’avouerai que dans mes plus grands dangers, j’ai souvent prononcé ces paroles aie pitié de moi, avec beaucoup de froideur et de découragement, à cause du sentiment où j’étais de mon indignité. Pourtant, dans ces états-là l’Esprit de Dieu triomphait en moi et m’encourageait en me disant : Enfin quel que tu sois, il faut pourtant prier, car Dieu veut être prié et il veut exaucer nos prières à cause de sa propre dignité, pour l’amour et par un effet de sa grande miséricorde.