Nous appelons : déterminations de l’existence divine, les éléments de l’existence divine qui ne font pas partie intégrante de l’essence elle-même, et que nous ajoutons, sur la foi des révélations scripturaires, à la notion essentielle de l’Être divin. Nous en distinguons trois, que nous rangeons comme suit, et qui feront le sujet de trois articles :
- Des déterminations hypostatiques de l’Être divin, ou Doctrine de la Trinité ;
- Des déterminations modales de l’Être divin, ou Doctrine des attributs divins ;
- Des déterminations économiques de l’Être divin, ou des fonctions spéciales de chacune des trois personnes divines dans les diverses économies de l’histoire.
On nous objectera peut-être que le sujet de cette deuxième section ne se distingue pas rigoureusement de celui de la première, tel que nous l’avons conçu, et que, par exemple, le mode de l’existence trinitaire et les attributs divins dont nous allons traiter sous ce chef, sont aussi bien inhérents à l’essence divine que les éléments de l’existence ontologique et morale que nous venons d’y faire rentrer.
Nous nous défendrions de ce reproche de confusion avec bonne conscience. Quant aux attributs divins, tout d’abord, tels que nous les définirons : les modes généraux des activités divines, résultant par conséquent des rapports de l’Être divin avec l’existence finie, ils ne sauraient être tenus pour des éléments constitutifs de l’essence divine elle-même. Le mode d’existence trinitaire lui-même ne doit pas l’être, car non seulement il est étranger à la connaissance naturelle, primitive et universelle de l’Être divin, mais cette détermination est relativement tardive dans le cours des révélations scripturaires, et l’Ancien Testament n’en contient que des pressentiments fugitifs et indécis.
Par cette dernière assertion, nous nous trouvons derechef en désaccord avec Franck, selon lequel la doctrine de la Trinité est au contraire essentielle à la vraie notion de l’Absolu et même de la Personnalité divine :
« Au fait que l’essence absolue de Dieu n’est ni ne peut être comprise sans sa personnalité, correspond cet autre que l’essence personnelle de Dieu n’est pas ni ne peut être comprise sans son existence trinitaire. Nous ne pouvons rien savoir ni rien dire au sujet du Dieu absolu que pour autant que son absoluité renferme sa personnalité, et nous ne saurions traiter d’un Dieu personnel que pour autant que sa personnalité renferme son existence trinitaire. Nous ne possédons le Dieu absolu qu’en ce que et parce qu’il est personnel, et nous ne possédons le Dieu personnel qu’en ce que et parce qu’il est trinitaireg. »
g – System der Christlichen Wahrheit, tome I, page 152.
Mais alors, demanderons-nous à l’auteur, pourquoi avez-vous traité dans trois sections (Abschnitte) successives, de l’absoluité divine, de la personnalité et de la Trinité, et ne vous condamniez-vous pas de nouveau vous-même ou à anticiper dans le premier et le second chapitre sur la matière du troisième, ou à ne donner de l’absoluité et de la personnalité divine privées de leur complément nécessaire, la doctrine de la Trinité, que des définitions insuffisantes et provisoires, appelant d’ultérieures rectifications ?
Les incohérences de sa méthode n’ont point échappé à l’auteur ; car après avoir déclaré erronée toute définition de la personnalité divine qui exclurait d’avance l’existence trinitaire, ce à quoi nous souscrivons, il se demande s’il n’eût pas été plus rationnel de ne pas séparer le chapitre de la Trinité de celui traitant de la personnalité divine ; et il nous renvoie avec l’assurance que ce cas est le même que celui de la séparation des deux chapitres de l’absoluité et de la personnalité. Ceci reviendrait à dire qu’une seconde faute peut être justifiée par une première.
L’ordre que nous venons d’indiquer, en plaçant la doctrine de la Trinité avant celle des attributs divins, si rationnel qu’il nous paraisse, n’est pas universellement suivi. Si nous sommes d’accord sur ce point avec Nitzsch, Martensen, Ebrard, Dorner, Franck, nous nous séparons de Kahnis, Lipsius, Luthardt et du Handbuch der theologischen Wissenschaften, dirigé par Zöckler. Mais quelle que soit la définition donnée des attributs divins, il nous paraît incontestable que le mode d’existence trinitaire étant plus rapproché de l’essence, doit être traité avant la doctrine des attributs.
Nous apprenons que la doctrine de la Trinité est placée par Cremer dans son cours de dogmatique au terme plutôt qu’au début ; traitée comme un résultat plutôt que comme un principe. A première vue, cette postposition nous paraît vicieuse ; mais nous suspendons notre jugement sur ce point jusqu’au moment où l’auteur aura justifié publiquement son point de vue.