j – Voir Rinck. Vom Zustand nach dem Tode ; Splittgerber, Après la mort. trad. de l’allemand sur la 3e édit. par Eug. Courvoisier.
Nous traiterons d’abord du lieu où séjournent les âmes décédées en attendant la résurrection et ensuite de l’état de ces âmes.
Ni l’espace ni le temps ne sont abolis au delà de la tombe.
Le lieu que nous appelons : les enfers (inferi)a est nommé dans l’A. T. le Scheol, mot dérivé soit de la racine schaal, demander, soit de schaal, être creux ou être basb. Selon la première étymologie, le scheol serait le lieu qui demande toujours, savoir, de nouvelles victimes, et le passage : Proverbes 30.15-16 serait favorable à cette étymologie. Selon la seconde, le séjour des morts aurait été désigné comme la partie la plus basse de la terre, τὰ κατώτερα μέρη τῆς γῆς (Éphésiens 4.9), ce qui s’accorderait également avec les intuitions régnantes en Israël (1 Samuel 28.13 ; Ésaïe 14.9-20).
a – La confusion des enfers et de l’enfer, faite par Osterwald dans Matthieu 16.18, change complètement le sens de ce passage.
b – La parenté de l’hébreu scheol avec l’assyrien saalu est contestée. Voir Literaturzeitung, 1890, n° 7, art. Budde.
La révélation de l’Ancienne alliance n’avait jeté sur les régions d’outre-tombe que des lueurs pâles et fugitives, propres à prévenir le désespoir plutôt qu’à alimenter la foi, et les fidèles eux-mêmes se représentaient le Scheol comme le séjour du silence et de la nuit (Job 10.21-22 ; Psaumes 6.6 ; 16.10 ; 115.17 ; Ésaïe 38.18), réunissant bons et méchants dans une commune enceinte (1 Samuel 28.19).
Mais ce que redoutent par dessus tout les fidèles de l’Ancienne alliance dans ce séjour mystérieux, et en ceci leurs terreurs deviennent touchantes et sublimes, bien différentes en tout cas de celles des anciens héros de la Grèce qui ne regrettaient -que la terre, c’est la perspective d’être éloignés de leur Dieu plus qu’ils ne le sont ici-bas : « C’est le vivant, s’écrie le pieux Ezéchias, c’est le vivant qui te célébrera » (Ésaïe 38.18).
Ces exemples suffiraient déjà à marquer l’exagération commise par M. Renan : « Il est clair, écrit-il, que les impénétrables obscurités dont le gouvernement du monde est entouré, aux yeux de notre auteur seraient dissipées, si Cohéleth avait les moindres notions d’une vie à venir. A cet égard, ses idées sont celles de tous les Juifs éclairés…… C’est la gloire du peuple d’Israël d’avoir le premier aperçu la vanité de la superstition et des chimères religieuses…… Quand un Israélite parcourait l’Egypte…, ces maisons des morts si supérieures à celles des vivants, le sentiment qu’il éprouvait alors était celui de la pitié qu’inspire la vue de l’absurde. Dieu lui apparaissait alors grand, unique, se riant des hommes et de leurs folies. La première de ces folies était à ses yeux la prétention à l’immortalitéc ». De manière aussi inexacte, M. Sabatier affirme: « Vous chercheriez vainement, l’idée d’une survivance des âmes dans les plus anciens écrits de la littérature hébraïqued »
c – Ecclés., pages 22, 29 et sq. M. Renan a salué dans le Cohéleth un précurseur. C’est à tort. (Voir Ecclésiaste 12.9,13-14).
d – Mémoire sur la notion hébraïque de l’esprit, pages 10-12.
L’exégèse de Jésus-Christ s’est montrée moins réservée, lorsqu’elle alla chercher dans la scène du buisson ardent (Exode 3.6) la preuve de la survivance des âmes d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, opposant ainsi à tous les négateurs de la vie future et de la résurrection le titre même du Dieu des vivants (Luc 20.38).
La preuve évidente que le Scheol ne se confondait pas dans les intuitions des fidèles de l’Ancienne alliance, à tout le moins, des auteurs sacrés qui les leur ont prêtées, avec le sépulcre, se tire déjà du fait que le patriarche Jacob, dans le deuil de son fils Joseph qu’il croit déchiré par les bêtes sauvages, s’attend à ne le revoir que dans le Scheol (Genèse 37.35). Dans la vision qui transporte le prophète au delà de la tombe, le roi de Babel nous est successivement représenté reçu dans le Scheol (Ésaïe 14.9-15) et privé de sépulture (v. 19 et 20). Saint Pierre et saint Paul ont argué du même passage : Psaumes 16.10, en faveur de la doctrine de la résurrection et, a fortiori, de la survivance de l’âme (Actes 2.27-31 ; 13.35) ; et comment enfin qu’on entende les deux récits de l’enlèvement d’Enoch (Genèse 5.24) et d’Elie (2 Rois 2), ils restent en tout état de cause les témoignages de l’opinion des écrivainse.
e – Telle est aussi à l’égard de ces deux récits l’opinion de H. Schultz, qui n’est pas suspecte. Ce n’est pas seulement la survivance de l’âme, c’est la vie éternelle des justes qu’il trouve enseignée dans l’A. T. (Genèse 6.1-3 ; Proverbes 12.28, etc.). Alltestament. Theol., 2o édit., pages 598 et sq.
Nous attribuons une portée analogue à tous les passages de l’A. T. qui attribuent à Dieu le pouvoir de faire remonter l’homme du Scheol, et qui, entendus même d’un relèvement du corps, impliqueraient certainement la croyance à la survivance de l’âme : 1 Samuel 2.5 ; Psaumes 30.4 ; 86.13.
Le séjour des morts est nommé dans le N. T. ἅδης (ἀ privatif, ἰδεῖν, voir), Matthieu 11.23 (allusion probable à Ésaïe 14) ; Matthieu 16.18 ; Luc 16.23 ; Actes 2.27-31.
Il nous est représenté comme séparé en deux compartiments par une barrière infranchissable, Luc 16.20, assez voisins l’un de l’autre cependant pour permettre des échanges de paroles (v. 24) ; lieu d’attente paisible pour les uns, douloureuse et angoissée pour les autresf
f – Rinck rapporte l’opinion de la cabale juive et de plusieurs docteurs anciens et modernes, selon laquelle « le sein d’Abraham » serait une division du Scheol souterrain, distincte du Paradis céleste. Lui-même en fait « ein Ort der Erquickung und Seligkeit. in den die Engel einführen », pages 100 et sq. C’est le cas, ou jamais, de dire : Glissez, mortels, n’appuyez pas !
C’est, croyons-nous, dans la partie lumineuse de ce séjour que Jésus donna rendez-vous au brigand converti pour le jour même (Luc 23.34) ; et c’est dans sa partie la plus profonde et la plus obscure appelée ἄβυσσος (Romains 10.7), φυλακή (1 Pierre 3.19 ; 4.6), que le Christ est descendu dans l’intervalle de sa mort et de sa résurrection pour prêcher aux rebelles de l’Ancien Monde.
La doctrine du purgatoire, déjà indiquée chez Tertullieng et chez Augustinh, et introduite dans la tradition ecclésiastique par Grégoire-le-Grand, n’est que le prolongement dans l’eschatologie de la doctrine de l’expiation par la souffrance. Par une nouvelle déviation du principe évangélique, les martyrs étaient réputés exemptés de cette épreuve intermédiaire et introduits directement dans le séjour des bienheureux. L’élément de vérité auquel faisait droit ce dogme devenu bientôt si funeste, est l’impossibilité de rattacher à la fin de la vie terrestre la décision du sort éternel de toute créature humaine.
g – Nemo dubttabit aniniam aliquid pensare penes inferos. De anima, cap. LVIII, 3…
h – Poenas quas paliuntur spiritus mortuorum… ut in ignem non mittantur æternum. De civ. XXI, 24.
Nous posons ici la question de savoir si c’est dans la partie lumineuse de l’Adès que résident les âmes rachetées en attendant la résurrection, ou si elles possèdent un séjour provisoire encore, et destiné à passer avec l’économie présente de l’univers, mais plus rapproché de Christ et de la perfection. On serait tenté de citer en faveur de cette seconde alternative le texte : 2 Corinthiens 5.1-2, si l’opposition de cette « maison éternelle » au corps terrestre ne nous contraignait pas d’y voir la désignation de notre corps futur préparé dès maintenant pour le jour de la résurrection. Mais nous croyons pouvoir inférer de la parole adressée par Jésus à ses disciples : πορεύομαι ἑτοιμάσαι τόπον ὑμῖν, Jean 14.2, qu’un domicile céleste spécial aux rachetés de la Nouvelle alliance existe depuis la glorification de Christ. Le « troisième ciel » où Paul se souvient d’avoir été enlevé dans une heure de sa vie (2 Corinthiens 12.2), ce séjour de la communion parfaite avec Christ où il compte entrer dès sa sortie de ce monde (Philippiens 1.23), doit être voisin de cette station suprême que Christ glorifié occupe au sommet de l’univers (Éphésiens 4.8 ; Philippiens 2.9), et supérieur à la région même fortunée de l’Adès.
Ainsi Jésus-Christ a manifesté la vie et l’immortalité au delà de la tombe comme ici-bas (2 Timothée 1.10), en assurant aux fidèles de la Nouvelle alliance dès leur départ de ce monde une félicité plus complète, une communion avec Christ plus intime, une vision plus immédiate de Dieu, un séjour plus lumineux que ceux accordés aux fidèles de l’Ancienne alliance.