« Je suis seul, » dit le chantre royal dans son affliction, Psaumes 25.16. Il se croyait, se sentait seul ; mais le sentiment peut tromper. Le Seigneur était auprès de lui derrière un voile.
« Je suis seul, » entend-on fréquemment répéter dans les tentes des justes. Mais ceux qui se plaignent ainsi, songent-ils bien qu’ils font menteur le Dieu qui a dit : « Je ne t’abandonnerai point ni ne tarderai, » et menteur Jésus qui a déclaré qu’il serait avec ses disciples jusques à la fin du monde ?
A la vue des chemins par lesquels Dieu les conduit, plusieurs s’écrient : « Je suis seul, » et cet isolement les trouble et les décourage. Mais quand il serait vrai que le Seigneur te menât par une route où nul autre ne marche que toi, serait-ce un malheur ? et l’argile dit-elle au potier : « Que fais tu ? » Toutefois je pense que personne dans ce sens n’est réellement seul, et que d’autres, qu’il ne connaît pas, sont conduits par ce même chemin. Parcourez la Bible, vous y trouverez sûrement quelqu’un dont les destinées sont la fidèle image des vôtres.
« Je suis seul, » se disent encore plusieurs en pensant à leurs croyances. « Je crois des choses que des millions d’hommes ont depuis longtemps rejetées comme des folies. Qui est celui qui admet encore un Dieu triple et un, un Dieu incarné, la rançon par le sang ? » Et ils se demandent s’ils ont donc trouvé seuls la vérité et s’il est possible que tous les autres soient dans l’erreur. — Oui, vous avez la vérité, soyez en certains, et le monde est aveuglé et plongé dans le mal. Vous n’êtes point seuls. Feuilletez l’histoire : des bûchers s’élève le cri : Dieu s’est manifesté en chair. Sous les haches des bourreaux, les victimes invoquent avec joie Christ Emmanuel. Les sombres cachots retentissent de cantiques qui parlent de Jéhova dans la crèche. Et les tyrans et les inquisiteurs ont dû voir de leurs yeux comment la Bonne nouvelle du Dieu fait chair est une divine puissance non seulement pour sauver ceux qui croient, mais pour les revêtir d’une force invincible. Pourquoi d’ailleurs remonter aux temps passés ? Aujourd’hui même le nombre de ceux qui se sont rangés sous la même bannière que vous, est bien plus grand que ne l’imagine votre cœur facilement abattu. Et quand il n’en serait rien, la génération actuelle est-elle le monde entier ? Levez les yeux, portez vos regards au delà des nuages, voyez ces mille milliers devant le trône de l’Agneau, écoutez les chœurs des troupes glorifiées que nul ne peut compter ; ce sont vos frères, qui tous ont cru ce que vous croyez, qui vous approuvent, qui se tiennent à vos côtés, et qui chantent avec vous : « L’Agneau est digne de recevoir louange, richesses, puissance et honneur. »
Ces chœurs se tairaient, et tu serais seul avec ta foi dans la génération présente, qu’encore tu aurais entre les mains, pour affermir ta foi, cette Révélation dont tout atteste la vérité. L’histoire de l’humanité n’offre rien de vraiment grand et beau qui n’ait été produit par cette Parole. Cette Parole est au milieu des ténèbres du monde la seule lumière qui y brille de siècle en siècle. Ce n’est que dans les lieux où elle a trouvé des cœurs ouverts, qu’ont fleuri ces vertus qui ne redoutent pas le plus sévère examen ; c’est là seulement qu’habite l’amour et la paix. Les orages de la vie ne peuvent y effrayer les cœurs ; on n’y connaît même plus la mort, et l’on y entend répéter ces paroles étranges : « Je désire de déloger et d’être avec Christ. »
Mais la Parole en laquelle tu crois ne se prouverait même pas par son action miraculeuse, qu’elle ne perdrait pour cela rien de sa certitude, et que ta foi n’en devrait point être ébranlée. Car elle repose sur des bases plus solides encore, que la méditation d’aujourd’hui te fera considérer de plus près.
5 Et comme il parlait encore, voici une nuée resplendissante qui les couvrit de son ombre. Et voici une voix qui vint de la nuée disant : « Celui-ci est mon Fils bien aimé en qui j’ai mis toute mon affection. Ecoutez-le. »
Nous avons aujourd’hui devant les yeux la partie la plus mystérieuse et sublime du miracle de la transfiguration. Recueillons nos pensées, et nous approchant avec respect et adoration, contemplons la nuée lumineuse, écoutons la voix qui en sort.
« Seigneur, si tu le veux, dressons ici trois tentes, » avait dit saint Pierre dans son ravissement de joie. Mais les tentes ne furent point dressées. Et en effet, quand le Seigneur conduit notre âme en un lieu agréable où nous aimerions à séjourner, bientôt il nous crie : « En avant. » Car nous ne devons pas oublier que nous n’avons pas ici-bas de cité permanente, et c’est d’ailleurs la privation qui éveille le désir, et le désir qui prépare le chemin à la joie. Ces alternatives maintiennent notre âme éveillée. Il se formerait en nous de mauvais dépôts si Dieu ne nous transvasait continuellement.
« Dressons ici des tentes. » Et « comme Pierre parlait encore, voici une nuée. » Nuée extraordinaire, qui est bien connue par l’histoire de l’ancien Testament : c’est la Schekina, la demeure de l’Ancien des jours, le vêtement de Celui qui marche parmi les tourbillons, et les nuées sont la poussière de ses pieds (Nahum 1.3). C’est dans une nuée formée en colonne, que le Seigneur marchait au devant de son peuple à travers le désert. Il s’enveloppa d’une nuée sur le sommet du Sinaï. Quand il se révélait au dessus du propitiatoire, c’était du milieu d’une nuée qu’il parlait. Et lors de la consécration du temple de Salomon, « une nuée remplit la maison de l’Eternel, de sorte que les sacrificateurs ne pouvaient se tenir debout pour faire le service à cause de la nuée ; car la gloire de l’Eternel avait rempli le temple. Alors Salomon dit : L’Eternel a dit qu’il habiterait dans l’obscurité. » Cette obscure nuée des temps de l’ancienne alliance, indiquait que le Dieu qui s’y voilait, n’aurait pu montrer sa face aux pécheurs sans qu’ils mourussent, que les sombres nuages du péché l’isolaient du monde, que l’accès auprès de lui n’était possible que par une expiation sanglante. La nuée était sombre, ou ne s’éclairait que de feux redoutables. Mais la nuée du Thabor est bien différente de celle de Sinaï ; elle n’arrive point avec le bruit de la tempête, elle ne porte point le tonnerre dans son sein, à son approche les montagnes ne tremblent point. Lumineuse, elle s’abaisse sans bruit sur la cime paisible, elle semble l’aurore d’un nouveau jour, l’annonce des temps de l’alliance de grâce. Le Dieu dont elle révèle la présence a déposé ses foudres et s’est dépouillé de ses terreurs. Non qu’il ait changé subitement et sans motifs de sentiment à notre égard, il a été réconcilié, et c’est Golgotha qui éclaire la nuée du Thabor.
Moïse et Élie entrent dans la nuée sans éprouver de crainte et comme dans la tente d’un père. Le temps n’est plus où le conducteur d’Israël s’écriait en s’approchant de l’obscurité dans laquelle Dieu était : « Je suis saisi de frayeur et je tremble ; » où le prophète de Tishbé se voilait la face devant le souffle doux et subtil sur l’Horeb. Ils sont maintenant assez forts pour supporter la présence de l’Eternel : ils le sont en Celui qui les accompagne et les prend sous ses ailes. Par le sacrifice de l’Agneau, nous, pécheurs, nous osons entrer la tête levée dans la Schekina du Dieu trois fois saint, nous y présenter tels que nous sommes, fervents de prières comme arides de cœur. Car en Christ nous sommes assurés d’être toujours les bienvenus dans le palais de Dieu, qui se change pour nous en la demeure d’un père plein d’amour et de compassion.
« Voici, une nuée resplendissante, et voici, » continue l’Evangéliste avec un étonnement croissant, « voici » une nouvelle révélation ; les deux messagers célestes sont enveloppés avec Jésus dans la nuée, et les disciples qui restent en dehors d’elle sont saisis d’effroi. « Et voici une voix qui arrive » non de la hauteur, mais qui se forme près d’eux « dans la nuée » qui s’abaissait, et la voix dit : « C’est ici mon Fils bien-aimé en qui j’ai mis toute mon affection ; écoutez-le. » Cette voix est celle du Dieu qui a créé toutes choses, et qui descend dans le silence de la nuit sur une colline de la terre, cachant son éclat et sa majesté sous un voile qui la rend pleine de douceur, accommodant sa voix toute puissante au pauvre langage de l’homme, et rendant lui-même témoignage au Fils de la dilection. Quand la terre a-t-elle été témoin d’un plus grand spectacle ? Le Dieu très saint dans la vallée de la mort ! La gloire divine, accessible aux sens de l’homme !
Ce témoignage que Dieu rend à Christ, comprend en trois phrases tout l’ancien Testament qui s’accomplit en Christ. C’est ici mon Fils, est une parole des psaumes : « Tu es mon Fils, je t’ai engendré aujourd’hui. » En qui j’ai mis toute mon affection, se lit dans Ésaïe 42.1, donc dans les prophètes. Ecoutez-le est l’ordre que Moïse donnait aux Hébreux en leur parlant du prophète comme lui que Dieu leur susciterait. — Ces trois paroles indiquent en outre le triple ministère de notre Seigneur. Christ est notre roi en sa qualité de Fils bien-aimé de Dieu. Il est notre médiateur et notre Souverain sacrificateur, par qui Dieu réconciliait le monde avec lui, et en qui Dieu a mis toute son affection. Il est le prophète que nous devons écouter. — Enfin ces trois paroles nous disent : qui est le Rédempteur en lui-même et par sa nature : le Fils de Dieu ; ce qu’il est pour nous :Celui en qui Dieu a mis son affection ; et à quelle condition il habite en nous : si nous l’écoutons. — Telle est une partie des richesses contenues dans cette insondable parole de Dieu !
Je ne vous rappellerai pas ce que nous avons dit précédemment du but de la transfiguration. Le témoignage que Dieu y rend à son Fils s’adressait avant tout aux cinq témoins qui représentaient le monde invisible et le monde visible, et en présence de qui l’homme-Dieu était établi prêtre-roi du nouvel empire et recevait du Père la puissance sur toutes choses et en particulier sur l’église de ses rachetés. Mais ce témoignage devait aussi relever les forces de Jésus dans ses heures d’abattement.
« C’est ici mon Fils bien aimé, » a dit l’Eternel du fils de Marie ; et à cette parole tous les saints glorifiés, tous les anges portent leurs regards sur Jésus. Le Père l’a nommé son Fils dans ce sens unique et insondable qui ne peut s’appliquer à personne d’autre au ciel et sur la terre. Par ce nom il l’ôte du rang des créatures et le place sur le trône de la divinité. Il le déclare le reflet de sa gloire, l’image empreinte de sa personne. Par ce titre il nous le présente comme égal à Dieu, possédant la plénitude de la divinité, ayant la vie en lui-même, devant recevoir le même honneur que le Père. Heureux sommes-nous de ce que notre foi en la divinité de Christ repose sur un semblable témoignage, sur une déclaration de l’Eternel lui même !
Tout l’édifice du christianisme repose sur cet article : « Dieu manifesté en chair. » Mystère que saint Paul a nommé à bon droit évidemment grand. (1 Timothée 3.16) Il est grand par son contenu : Dieu fait enfant de la poudre. Grand par ses effets : il a opéré une création nouvelle au sein de l’ancienne. Grand par ses promesses : tous les peuples de la terre s’humilieront devant lui. Grand surtout par toutes les merveilles qu’il dévoile à qui consent à l’accepter : le ciel s’ouvre, et nous y lisons dans le livre de vie les noms de pauvres pécheurs ; la terre, lieu maudit, redevient la demeure de Dieu, le théâtre de ses miracles de miséricorde ; la race humaine est unie par les liens du sang à l’Eternel ; je rencontre sur la terre un Dieu que mes yeux voient, que mes mains touchent ; je vois un homme assis sur le trône de Dieu et je l’entends me nommer son frère, tandis que les saints anges ne sont que des serviteurs. — Nier que l’homme Jésus soit Dieu, c’est fouler aux pieds l’évangile : plus de réconciliation par le sang, plus de sacrifice pour le péché, plus de mérite qui compense nos dettes ; car le sang d’une créature, quand ce serait de la plus glorieuse, ne suffirait pas pour la rançon des péchés. Ce ne serait que pour lui-même que Christ a souffert, que pour lui qu’il a combattu, que pour lui qu’il a accepté la loi ; car une créature ne peut en sauver d’autres de la colère divine. Jésus n’aurait point tué la mort, vaincu l’enfer, brisé la tête du serpent. Et la doctrine de la justification ne serait qu’un rêve ; car l’obéissance de Christ ne peut nous être imputée que si elle est celle d’un homme qui soit Dieu et qui ne soit pas lui-même soumis à la loi. Il n’est pas un seul article important de la foi qui ne s’écroule, si l’on nie le « mystère de piété. » Que Christ ne soit qu’un rabbin juif, et tout le christianisme n’est qu’une ruine, et aujourd’hui même je m’enfuirais de l’église et laisserais cette chaire à un autre prédicateur. Le caractère essentiel d’un homme qui est dans la vérité (saint Jean l’a déclaré) est de confesser que Jésus-Christ est venu en chair. Qui nie la divinité de Christ et la combat, n’appartient pas à notre église. Il est son ennemi. Il est un compagnon de l’antéchrist. Il périra misérablement.
Le Père nomme le Seigneur Jésus : son Fils bien-aimé. Tu sonderais plus aisément le nom de Fils que les mots : mon bien-aimé. Ce que nous appelons amour, ne nous donne aucune mesure pour apprécier ce qu’est l’amour d’un Dieu. Tu connaîtrais comment aiment les glorifiés dans les cieux, les séraphins devant le trône de l’Eternel, qu’encore tu ne comprendrais pas quelle est cette affection que Dieu a pour son Fils ; ou penses-tu qu’il t’aurait été possible de te faire, d’après une seule goutte d’eau, une idée de l’immense océan, et de deviner au pâle rayon qui pénètre dans un appartement fermé, la figure et l’éclat de l’astre qui préside au jour ? Elève aussi haut que tu le peux ton idéal de l’amour, et arrivé à la dernière cime à laquelle peuvent atteindre nos pressentiments, tu n’auras encore qu’une étincelle du feu incommensurable qui brûle dans le cœur du Père. Prends les ailes de l’imagination la plus hardie, et l’élévation au dessus de laquelle tu ne pourras plus monter, sera encore éloignée du but que tu veux atteindre, autant que le ciel l’est de la terre. Tant est incompréhensible l’amour d’un Dieu, l’amour du Père pour son Fils unique. Et c’est cependant ce Fils bien-aimé qu’il a donné au monde, livré pour toi et pour moi à la mort ! Pressens-tu maintenant la portée de ces mots : « Dieu a tellement aimé le monde, » Jean 3.16 ? L’ange même n’en sonde pas la profondeur.
Et quel est celui que le Père nomme son Fils bien-aimé ? C’est Jésus, le second Adam, notre représentant. Nous avons donc notre part à cet amour de Dieu pour Jésus ! L’Eternel n’aime proprement que son Fils ; mais ceux qui sont unis à Jésus comme les sarments au cep, ceux qui sont ses membres et dont il est le médiateur, reposent avec lui dans le sein de Dieu.
La voix qui vient de déclarer que Jésus est le Fils bien-aimé de Dieu, lui rend en outre le témoignage que c’est en lui que Dieu a mis toute son affection. Par ces mots, le Père nous montre d’abord dans Jésus-Christ, celui qui de toute éternité a été l’unique objet de sa dilection et de sa joie. Lui qui seul possède la félicité parfaite, a trouvé dans la communion de son Fils, pour ainsi dire son ciel, son paradis. C’étaient ses propres perfections qu’il contemplait en sa vivante image, et devant lui était son autre moi dans la personne incréée du Fils, émanation substantielle de sa divine essence. Mais le témoignage qui est ici rendu au Fils, se rapporte moins au Verbe qui était de toute éternité auprès de Dieu, qu’au médiateur Jésus, au grand Représentant qui « sous la forme d’une chair de péché, » s’était fait notre caution et s’était soumis au joug de la loi, pour que sa justice couvrît notre nudité. C’est à Celui « qui se sanctifiait lui-même pour ses disciples, » que l’Eternel témoigne toute son affection. Vous le voyez, mes frères, le Thabor de Christ est évidemment aussi le nôtre : car l’obéissance de Christ est notre obéissance, si nous lui appartenons, et c’est à nous aussi que Dieu dit : « Vous êtes mes enfants bien-aimés en qui j’ai mis mon affection. »
« Ecoutez-le, » tel est le dernier mot que proclame la voix du sein de la nuée. Christ est la vérité. S’il n’eût ouvert la bouche au milieu des ténèbres d’un monde qui restait muet, que connaîtrions-nous de tout ce qu’il nous importe de connaître. Enfants égarés dans une forêt sans issue, nous demandions avec angoisse : « Où suis-je ? et qui suis-je ? et que deviendrai-je ? » Et l’écho nous renverrait nos questions sans réponse ! Confinés dans une nuit affreuse, nous y marcherions au hasard, et des flammes trompeuses nous attireraient d’un abîme à un autre abîme. Nul prophète ne porterait devant nous de flambeau, nul apôtre ne nous montrerait le chemin d’en haut, car Moïse, Esaïe, Daniel, et tous les voyants, que sont-ils d’autre que des planètes dans la nuit, brillant non de leur propre lumière, mais de celle de Christ ? Et que sont les apôtres ? Des astres étincelants, qui toutefois ne sont pas des soleils, et qui tels que des satellites ne tirent tout leur éclat que du soleil qui est Christ. Tous les autres docteurs qui ont fait briller dans notre nuit quelqu’éclair de la vérité divine, n’ont été de même que des corps opaques qui selon leur grandeur recevaient et reflétaient une plus ou moins grande quantité de lumière, et qui tous la puisaient à la même source, et la recevaient de Celui que Malachie a nommé le soleil de justice, et qui se disait lui-même la lumière du monde, de Celui qui est la lumière qui éclaire tous les hommes et qui est le grand interprète des décrets divins.
« Ecoutez-le ; » combien un tel ordre témoigne contre notre état de chute et d’aveuglement ! Nous marchons dans les ténèbres, à l’aventure, et un homme nous est envoyé du ciel qui légitime sa mission par une longue série de miracles, et qui nous promet de nous dévoiler les mystères de Dieu et de l’homme, des cieux et de la terre, du passé et de l’avenir, et de nous montrer le chemin de la paix. Peut-on supposer que le monde entier ne se réunira pas aussitôt autour de cet homme ? l’humanité ne s’assiéra-t-elle pas comme Marie à ses pieds ? attendra-t-elle pour l’écouter un ordre d’en haut ? Mais de tout temps les écoles des faux prophètes ont été assiégées par la foule, et dans l’Eglise de Christ il y a toujours eu des places vides. Non que sa doctrine ne soit pas appuyée de preuves solides ; mais l’inouïe corruption du cœur humain lui ôte son évidence. Non que l’Evangile ne réponde pas à nos besoins ; mais l’homme aveugle ne connaît pas, ne veut pas connaître ses besoins les plus pressants. Non que la parole du Maître soit difficile à comprendre, les enfants en saisissent le sens ; mais elle est en contradiction avec les convoitises de l’homme charnel qui préfère les ténèbres à la lumière et veut persévérer dans le mal. Non que l’Evangile impose aux hommes un joug trop pesant, le joug de Christ est aisé et son fardeau léger ; mais la créature déchue ne veut, dans son orgueil, entendre parler d’aucun joug et ne prétend croire et faire que ce qui lui convient. Si vous êtes aveugles, est-ce la faute du soleil que vous restiez dans les ténèbres ? De nature, vous avez tous les yeux fermés à la vérité qui verse sur vous ses flots de lumière. Oh quand vos yeux seront-ils ouverts ?
« Ecoutez-le. » Témoignage qui appose le sceau de l’infaillibilité à toutes les paroles qui sortent de la bouche de Jésus, et qui les accompagne toutes de son puissant écho. Quand vous entendez Jésus dire : « Sans moi vous ne pouvez rien faire ; » déclarer qu’il est le chemin, la vérité et la vie, et que personne ne vient au Père que par lui ; promettre à ceux qui croient en lui, la vie éternelle, ou menacer les incrédules de la colère de Dieu et du feu qui ne s’éteint point et qui est préparé au diable et à ses anges, prêtez en même temps une oreille attentive à la voix solennelle du Père qui sert d’accompagnement à toutes ses paroles. Qui refuse de l’écouter, refuse d’écouter le Père et fait Dieu menteur. Qui accepte ses paroles, scelle que Dieu est véritable. »
« Ecoutez-le. » Mais comment devons-nous l’écouter ? Avec une foi vivante, avec une entière soumission à lui ; sinon il n’y a pour nous point de salut. « Celui qui croit au Fils de Dieu a la vie éternelle ; mais celui qui ne croit pas au Fils ne verra point la vie, et la colère de Dieu demeure sur lui. » Déclaration éternellement vraie qui plane sur nos têtes comme une nuée qui nous envoie une pluie douce et restaurante, mais qui nous effraie aussi de ses tonnerres. La croix est là assez puissante pour réconcilier tout un monde, et ceux là seulement seront réconciliés qui croiront d’une foi vivante ! Hélas, combien y en a-t-il qui sont unis à Christ par la foi ? On les compte, et ceux qui demeurent dans les ténèbres sont innombrables ! Que de millions de païens qui n’ont point entendu parler de Christ ! et cependant, ô mon Dieu ! « qui ne croit pas, sera condamné. » Que de milliers et de mille milliers dans notre église qui nous quittent chaque année, s’appuyant sur leurs œuvres et non sur le sang de Christ, et combien au milieu d’eux devient saisissante la pensée que celui qui n’a pas Christ est perdu éternellement ! Nous pensons à notre mère, à un père chéri, à un ami, au frère que nous aimons comme notre propre âme : ils possèdent tout, bonté, douceur, bienfaisance, tout sauf la foi, et « qui n’a pas la foi, est maudit éternellement ! » Nous assistons aux derniers moments d’une personne qui emporte avec elle dans le tombeau une partie de nous-mêmes, et elle n’a pas la foi ! et il serait vrai d’elle que qui ne croit pas, descend en enfer ! Tout en nous se révolte, notre cœur, notre amour, notre reconnaissance veulent changer la déclaration… qui ne change pas. La parole de Dieu n’a point égard à nos angoisses, à nos larmes, et elle nous répète alors comme naguère : Qui ne croit pas, est perdu. Et il ne nous sert de rien de mettre en compte toutes les vertus du mourant : celui seul qui croit a la vie, nous répète la Bible de ses mille voix, et notre ami qui nous quitte, n’a pas la foi. Mes frères, ce n’est pas alors chose facile que de plier le front devant la vérité : que les croyants seuls hériteront le ciel. Cette vérité foudroie l’homme, mais l’homme ne peut en changer une seule lettre. Il faut l’accepter quoique il en coûte à la chair. Qu’elle pénètre donc toujours plus avant dans nos cœurs, et qu’elle nous rappelle sans cesse qu’une seule chose est nécessaire. Oh, mes frères, que nous ne soyons pas trouvés sans foi. Le Père ne nous a donné qu’un seul ordre : « Ecoutez-le, » et qui écoute Jésus, accomplit tout ce que exige le Père. « Son commandement, écrit saint Jean, c’est que nous croyons en Jésus-Christ qu’il a envoyé.
Voilà ce que nous avions à vous dire de cette parole de Dieu sur le Thabor. Les apôtres aussi y trouvaient un des plus puissants arguments en faveur de la vérité de leur doctrine : « Nous n’avons point suivi, dit saint Pierre, des fables artificieusement composées quand nous vous avons annoncé la puissance et la venue du Seigneur Jésus-Christ ; mais nous avons été témoins oculaires de sa majesté lorsqu’il reçut de Dieu le Père, honneur et gloire, quand une telle voix lui fut adressée du milieu de la gloire magnifique : « C’est ici mon Fils bien-aimé en qui j’ai mis toute mon affection. » Que ce témoignage reste donc présent à notre esprit ! il dirigera, comme une étoile, nos pas à travers la confusion du siècle ; il dissipera, comme un vent puissant, les doutes qui viendraient à couvrir notre ciel.
Il est dans le monde trois classes d’hommes d’après leur état religieux : Les uns servent Dieu, qu’ils ont trouvé ; les autres cherchent Dieu, ils ne l’ont pas encore trouvé ; les troisièmes vivent sans le servir et sans le chercher. Les premiers sont sages et heureux ; les derniers sont malheureux et insensés ; les intermédiaires ne sont pas encore heureux, mais sont sages. — L’Evangile a assez de lumières (dit Pascal) pour ceux qui ne désirent que de voir, et assez d’obscurité pour ceux qui ont une disposition contraire. Il a assez de clarté pour éclairer les élus, et assez d’obscurité pour les humilier. Il a assez d’obscurité pour aveugler les réprouvés, et assez de clarté pour les condamner et les rendre inexcusables. Tout tourne en bien pour les élus, jusqu’aux obscurités de l’Evangile, car ils les honorent à cause des clartés divines qu’ils y voient ; et tout tourne en mal aux réprouvés, jusqu’aux clartés, car ils les blasphèment à cause des obscurités qu’ils n’entendent pas. Avez-vous compris ce que je dis ? Que celui qui a des oreilles pour entendre, qu’il entende ! Amen.