Histoire des Dogmes I — La Théologie Anténicéenne

6.
La lutte doctrinale contre l’hérésie et les commencements de la théologie spéculative. L’enseignement chrétien dans la seconde moitié du iie siècle.

6.1 — Introduction patrologique.

Les apologistes, avons-nous remarqué ci-dessus, ne sont pas seulement des philosophes qui voient dans le christianisme l’expression la plus haute de l’idée religieuse : ce sont des croyants, professant une foi positive, ayant un symbole ; et ce symbole quelques-uns d’entre eux l’ont défendu contre l’hérésie naissante, en même temps qu’ils revendiquaient contre le paganisme les droits de la liberté chrétienne. Dans ce chapitre nous voudrions exposer les articles de ce symbole, mais en faisant rentrer cet exposé dans une étude générale de l’enseignement chrétien dans la seconde moitié du iie siècle, et par conséquent aussi des auteurs qui, en dehors des apologistes, ont fleuri à cette époque.

De ces auteurs le plus considérable est saint Irénée. C’est un asiate : il appartient, par son origine, à ce groupe d’écrivains de l’Asie Mineure dont les vues théologiques offrent entre elles assez de ressemblance pour qu’on ait pu parler d’une école asiatique, qui a compté des noms célèbres, mais dont les écrits se sont malheureusement presque entièrement perdus : Méliton, évêque de Sardes, Apollinaire d’Hiérapolis, Rhodon, Miltiade, Apollonius, l’adversaire du montanisme, d’autres encore. De Méliton on possède quelques fragments qui ne doivent pas être négligés. Mais seul, saint Irénée a laissé plusieurs ouvrages entiers. Son grand traité Contre les hérésies — plus complètement Ἔλεγχος καὶ ἀνατροπὴ τῆς ψευδωνύμου γνώσεως — composé entre les années 176-199, lui a valu le premier rang entre les Pères antignostiques. L’ouvrage est dirigé spécialement contre le valentinianisme de Ptolémée. Toutefois, il formule des principes généraux qui portent plus loin que cette polémique particulière, et qui l’ont fait regarder de tout temps comme la réfutation anticipée de toutes les hérésies. A côté de l’Adversus haereses, et postérieur au troisième livre de cette réfutation, nous pouvons citer maintenant la Démonstration de la prédication apostolique, retrouvée en arménien, et qui ne fait d’ailleurs que reproduire les vues dogmatiques exposées déjà par l’auteur. Ces vues n’étaient pas nouvelles. Les idées maîtresses d’Irénée sur la tradition surtout avaient été émises avant lui, et, presque en même temps qu’Irénée, Hégésippe les faisait valoir dans ses Mémoires. Mais nul ne leur avait donné autant de précision et de relief que l’évêque de Lyon.

Donc, tous les apologistes du deuxième siècle, et spécialement Justin, Tatien, Athénagore, Théophile, puis les Pères antignostiques et spécialement saint Irénée et Méliton, tels sont les auteurs dont nous allons ici étudier la doctrine.

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