Mon Dieu, donne-moi de la patience : de la patience en face des événements trop lents à mon gré ; de la patience pour ceux qui me contredisent ou m’entravent ; de la patience pour ceux même qui sont injustes à mon égard. Mais, hélas ! ce n’est peut-être pas dans ces grandes occasions que j’en manque, c’est chaque jour, dans les détails de la vie, envers ceux qui m’entourent, qui m’aiment, qui me servent, envers moi-même, impatienté de ne faire pas mieux ou plus vite. Quelle folie, Seigneur, est la mienne, de m’irriter contre les événements qui passent au-dessus de ma tête, contre la matière inerte sous mes pieds, contre tout ce qui reste impassible à ma voix et sous ma main irritées ! Et aussi quel manque de confiance envers toi, Seigneur, qui diriges toutes choses ! Si je cherchais ta volonté et non la mienne, m’irriterais-je contre ce que tu permets ou empêches ? Si j’étais véritablement humble, trouverais-je étonnant que mes semblables fussent pécheurs et méchants ? Non, Seigneur, c’est bien moins l’injustice que les contrariétés qui me révoltent, et toute ma sagesse consiste à couvrir mes impatiences de prétextes chrétiens ! Je m’irrite en ton nom ; je viole le devoir au nom du devoir, et je crois m’être justifié, en prouvant avec colère que les autres ont des torts ! Mon Dieu, que de misères en moi ! Je ne puis poser la main sur un point de mon cœur sans y trouver une plaie ! Parfois je voudrais être lié de tous mes membres pour n’avoir plus la liberté de pécher. Mais, hélas ! encore alors mon cœur insoumis violerait en silence tous tes commandements. C’est donc mon cœur que je te supplie de changer ; fais de moi ce que tu voudras, mais arrache de mon sein l’amour du péché !