L’« ordination », ou l’institution aux charges ecclésiastiques, se fait généralement par l’imposition des mains, symbole de bénédiction et de consécration tout ensemble.
Dans les églises épiscopales, l’ordination appartient aux évêques seuls ; dans les églises presbytériennes elle est conférée par les pasteurs (presbytère en Ecosse, aux Etats-Unis ; colloque en France) ; dans les églises indépendantes et baptistes elle se fait par les suffrages du peuple. L’imposition des mains est tenue pour essentielle dans les églises des deux premières classes, elle est seulement facultative dans les églises de la troisième classe, où elle est quelquefois pratiquée, quelquefois négligée.
Il est remarquable qu’on ait attaché tant d’importance chez les épiscopaux à un acte dont le Nouveau Testament parle si peua. C’est un exemple, entre mille autres, de la disposition de l’homme à remplacer le fond par la forme, l’esprit par la lettre, et à substituer la vocation extérieure à la vocation intérieure, sans laquelle la première n’est rien. Le Nouveau Testament insiste sur les qualités des pasteurs ; il indique à peine le mode de leur institution. (Toujours il faudra appliquer dans mille directions différentes cette parole du Seigneur : « Vous négligez les choses les plus importantes… : la justice, la miséricorde et la fidélité. Ce sont là les choses qu’il fallait faire… Conducteurs aveugles ! qui coulez un moucheron, et qui avalez un chameau. » (Matthieu 23.23-24).
a – Il va sans dire que partout où l’ecclésiasticisme se ravive, il va s’appuyer sur le sacramentalisme, son principe fondamental, et que, dès lors, l’ordination tend à revêtir une couleur et une vertu mystiques d’où dépend le caractère pastoral. Le néo-Luthéranisme incline, comme le Puseysme, à en faire un sacrement.
L’imposition des mains n’est nulle part formellement prescrite. Elle est mentionnée quatre à cinq fois en rapport avec l’ordination, et toujours incidemment : Actes 6.6 (établissement des diacres) et Actes 13.3 (mission de Paul et de Barnabas), 1 Timothée 4.14 ; 2 Timothée 1.6 (allusions à la consécration de Timothée). Dans le dernier de ces deux passages, saint Paul ne parle que de lui, dans le premier il parle de la compagnie des anciens, du presbytère. (On a voulu voir là une contradiction ; il n’y en a pas ; l’Apôtre et les anciens ayant concouru à la cérémonie, il relève dans un cas la part qu’il y a prise, dans l’autre celle des anciens.) L’imposition des mains est mentionnée encore dans 1 Timothée 5.22 : « N’impose les mains à personne avec précipitation ; ne participe pas aux péchés d’autrui ». Si ce dernier texte relève la gravité de l’ordination, il la fait porter non sur l’essence du rite, mais sur le défaut de disposition chez celui qui le reçoit et sur le défaut de circonspection chez celui qui l’administre.
L’imposition des mains n’était pas réservée uniquement à l’institution des ministres de l’Église. Les apôtres imposaient les mains aux malades pour les guérir (Actes 9.17 ; 28.8 ; Marc 16.18), aux disciples pour leur communiquer le Saint-Esprit (Actes 8.17 ; 19.6) d’où les catholiques et les anglicans dérivent leur confirmation. Ce rite venait des Juifs. Il était chez eux un symbole de bénédiction (Genèse 48.14 ; Matthieu 19.15), de consécration (victimes), d’institution (Nombres 27.18). Il réunit ces trois caractères dans l’ordination pastorale.
Ce mode d’institution a été, jusqu’en ces derniers temps, universellement adopté et constamment suivi, et quoiqu’on ne puisse prouver qu’il soit absolument obligatoire, il convient de le retenir comme donné par l’Ecriture-, consacré par la pratique générale de l’Église et très propre à représenter la nature des engagements du Saint Ministère et le dévouement de celui qui les contracte. Tout doit se faire avec ordre, et l’on ne peut avoir l’ordre sans règles positives. Il faut se garder à la fois de ce mysticisme formaliste qui attache à de pures cérémonies des vertus secrètes et merveilleuses, qu’elles ne sauraient avoir, et de ce mysticisme spiritualiste qui, dans son ardeur contre l’abus des observances extérieures, renverserait toutes les institutions, toutes les pratiques et toutes les coutumes tutélaires. Les catholiques, les puseystes anglais, les confessionalistes allemands tombent dans le premier de ces extrêmes par l’importance superstitieuse qu’ils accordent aux rites ecclésiastiques et, en particulier, à l’ordination ; les quakers, les indépendants, et bien d’autres, se jettent dans le second. La lutte, de jour en jour plus vive, de l’individualisme et de l’ecclésiasticisme fait osciller de toutes parts entre ces deux excès.
A qui appartient le droit d’ordonner ou de consacrer ? Cette question, de laquelle on a voulu faire dépendre et la légitimité de la vocation pastorale et les destinées de l’Église (systèmes romain et anglican-puseyste), tombe d’elle-même dès qu’il est reconnu que la distinction entre l’évêque et l’ancien n’est que d’institution ecclésiastique. Elle est d’ailleurs résolue dans le sens presbytérien 1 Timothée 4.14 : « Ne néglige point le don qui est en toi, qui t’a été donné… par l’imposition des mains de l’assemblée des anciens » (μετὰ ἐπιθέσεως τῶν χειρῶν τοῦ πρεσβυτερίουb.)
b – Oltramare traduit : « Qui t’a été conféré… lorsque le collège des anciens t’a imposé les mains. » (Edit).
La recommandation de saint Paul (1 Timothée 5.22) mérite une attention sérieuse. C’est un acte infiniment grave que de conférer le caractère pastoral ; il intéresse au plus haut degré la prospérité de l’Église et le salut des âmes : aussi était-il accompagné dans les temps primitifs de la prière et du jeûne (Actes 13.3 ; 14.23). Il en est, trop souvent, de cet acte si saint et si solennel comme du baptême et de la première communion, où l’on ne voit guère qu’une sorte de formalité religieuse, rendue obligatoire par l’usage. Les pasteurs qui combattent l’opus operatum dans un cas, doivent prendre garde d’y tomber eux-mêmes dans l’autre.