On étudiera ici les vocables intéressant l'unité ou la pluralité en Dieu.
- Le terme même de trinité.
- Peut-on dire que le Fils est « autre » que le Père ?
- Le terme exclusif « seul », qui paraît nier l'existence d'un autre, peut-il s'adjoindre à un nom essentiel ?
- Peut-il s'adjoindre à un nom personnel ?
Objections
1. Tout nom, en Dieu, signifie la substance ou la relation. Or le terme « trinité » ne signifie pas la substance, car il s'attribuerait à chaque personne. Il ne signifie pas non plus la relation, car il ne se construit pas dans la phrase comme un terme relatif. Il ne faut donc pas faire usage de ce terme à propos de Dieu.
2. « Trinité » se présente comme un nom collectif, car il signifie une pluralité. Or un nom de ce genre ne convient pas en Dieu, l'unité du nom collectif étant la moindre des unités, alors qu'en Dieu se vérifie l'unité suprême. Le terme « trinité » ne convient donc pas en Dieu.
3. Ce qui est trine est triple. Mais en Dieu, il n'y a pas de « triplicité », car celle-ci est une espèce d'inégalité. Donc, pas de trinité non plus.
4. Ce qui se vérifie en Dieu, se vérifie en l'unité de l'essence divine, puisque Dieu est son essence. Donc, s'il y a trinité en Dieu, il y aura trinité dans l'unité de l'essence divine : ce qui ferait trois unités essentielles. Ce qui est hérétique.
5. C'est une règle des noms divins, que le concret s'y attribue à l'abstrait : la déité est Dieu, la paternité est le Père. Or on ne peut pas dire : la trinité est trine. Cela ferait en effet neuf réalités en Dieu : autre erreur. Il ne faut donc pas faire usage de ce terme en Dieu.
En sens contraire, S. Athanase écrit : « On doit adorer l'unité dans la trinité et la trinité dans l'unité. »
Réponse
Quand il s'agit de Dieu, le terme « trinité » évoque le nombre précis des personnes. Donc, de même qu'on reconnaît une pluralité de personnes en Dieu, il y a lieu de faire appel au mot trinité ; car cela même que « pluralité » signifie en général, le terme « trinité » le signifie de manière précise et déterminée.
Solutions
1. Étymologiquement, le mot trinité paraît signifier l'unique essence des trois Personnes, trinitas étant mis pour triumunitas. Mais ce qu'il signifie à proprement parler, c'est plutôt le nombre des personnes de l'unique essence ; aussi ne peut-on pas dire : « le Père est la trinité », car il n'est pas les trois personnes. En outre, il ne signifie pas les relations en tant que telles, mais plutôt le nombre des personnes en relation les unes avec les autres, et c'est pourquoi il ne se construit pas grammaticalement comme un relatif.
2. Dans sa signification, le nom collectif implique deux choses : une pluralité de suppôts, et une certaine unité entre eux, qui est l'unité d'un ordre. Un peuple, par exemple, est une multitude d'hommes soumis à un certain ordre. Donc, si l'on s'en tient à la première condition, « trinité » rentre dans la catégorie des noms collectifs. Mais il en diffère quant à la seconde : dans la trinité divine, il n'y a pas seulement unité d'ordre, il y a en outre unité d'essence.
3. « Trinité » est un terme absolu qui signifie le nombre trois des Personnes. « Triplicité » signifie la proportion de trois à un, c'est-à-dire un cas d'inégalité, comme on peut l'apprendre chez Boèce. Il y a donc une trinité en Dieu, mais pas de triplicité.
4. Dans la trinité divine, il y a à considérer un nombre et les personnes dénombrées. Donc, quand on dit « la trinité dans l'unité », on n'introduit pas le nombre dans l'unité de l'essence, comme si elle était trois fois une ; on pose simplement les trois personnes dans l'unique nature, comme on dit des suppôts d'une nature qu'ils subsistent en cette nature-là. Inversement, on dit « l'unité dans la trinité », comme on dit qu'une nature existe en ses suppôts.
5. Dans trinitas est trina, le prédicat signifie la multiplication de trois par lui-même ; car trina pose une tridistinction dans le sujet auquel on l'attribue. On ne peut donc pas dire : trinitas est trina : il s'ensuivrait qu'il y a trois suppôts de la trinité, de même que, si je dis « Dieu est trine », il s'ensuit qu'il y a trois suppôts de la déité.
Objections
1. « Autre » est un terme relatif qui évoque une diversité de substance. Donc, si le Fils est un autre que le Père, ils seront divers. Or, selon S. Augustin, en disant « trois personnes », on n'entend évoquer aucune diversité.
2. Les sujets qui sont autres entre eux, diffèrent en quelque façon les uns des autres. Dès lors, si le Fils est un autre que le Père, il en est aussi « différent ». Mais S. Ambroise s'y oppose : « Le Père et le Fils ne font qu'un par leur divinité ; il n'y a là ni différence de substance, ni la moindre diversité. »
3. Alienum, c'est-à-dire étranger, dérive de alius, c'est-à-dire autre. Mais le Fils n'est pas « étranger » au Père, car, dit S. Hilaire, « entre Personnes divines il n'y a rien de divers, rien d'étranger, rien de séparable. » Donc le Fils n'est pas non plus un autre que le Père.
4. Alius, c'est-à-dire un autre, et aliud, c'est-à-dire autre chose, ont même signification sauf le genre connoté, ici neutre, là masculin. Si donc le Fils est alius, c'est-à-dire autre que le Père, il s'ensuit qu'il est aussi aliud, c'est-à-dire « autre chose » que le Père.
En sens contraire, on lit dans le De fide ad Petrum : « Unique est l'essence du Père et du Fils et du Saint-Esprit ; en cette essence, le Père n'est pas une chose, le Fils une autre, le Saint-Esprit une autre, bien que personnellement le Père soit un autre que le Fils, etc. »
Réponse
Des formules inconsidérées font encourir le reproche d'hérésie, dit S. Jérôme. Donc, quand on parle de la Trinité, il faut procéder avec précaution et modestie : « Nulle part, dit S. Augustin, l'erreur n'est plus dangereuse, la recherche plus laborieuse, la découverte plus fructueuse. » Or, dans nos énoncés touchant la Trinité, nous avons à nous garder de deux erreurs opposées entre lesquelles il faut nous frayer une voie sûre : l'erreur d'Arius qui enseigne, avec la trinité des Personnes, une trinité de substances ; et celle de Sabellius, qui enseigne, avec l'unité d'essence, l'unité de personne.
Pour écarter l'erreur d'Arius, on évitera de parler de « diversité » ou de « différence » en Dieu ; ce serait ruiner l'unité d'essence. Mais nous pouvons faire appel au terme de « distinction », en raison de l'opposition relative ; c'est en ce dernier sens qu'on entendra les expressions de « diversité » ou « différence », des personnes, si on les rencontre dans un texte faisant autorité. En outre, pour sauver la simplicité de l'essence divine, il faut éviter les termes de « séparation » et « division » il s'agit de la division du tout en ses parties ; pour sauver l'égalité, on évitera le terme de « disparité » ; pour sauver la similitude, on évitera ceux d'« étranger » et « divergent ». « Chez le Père et le Fils, dit S. Ambroise, la déité est une et sans divergence. » Et d'après S. Hilaire, il n'y a rien de séparable en Dieu.
Pour écarter d'autre part l'erreur de Sabellius, nous éviterons singularitas (solitude), qui nierait la communicabilité de l'essence divine : d'après S. Hilaire, en effet, c'est un sacrilège d'appeler le Père et le Fils « un Dieu solitaire ». Nous éviterons aussi le terme « unique », qui nierait la pluralité des Personnes ; S. Hilaire dit ainsi que « solitaire », « unique » sont exclus de Dieu. Si nous disons « le Fils unique », c'est qu'il n'y a pas plusieurs Fils en Dieu ; mais nous ne disons pas que Dieu est « unique », parce que la déité est commune à plusieurs suppôts.Nous évitons encore le terme de « confus », pour respecter l'ordre de nature entre les Personnes. S. Ambroise dit ainsi : « Ce qui est un, n'est pas confus ; ce qui n'est pas différencié, ne peut pas être multiple. » On évitera aussi le mot « solitaire », pour respecter la société des Personnes : « Ni solitaire, ni divers : voilà comment nous devons confesser Dieu », dit S. Hilaire.
Or, le masculin alius, c'est-à-dire un autre, évoque une pure distinction de suppôts ; on peut donc sans inconvénient dire que le Fils est alius a Patre, autre que le Père, car il est bien un autre suppôt de la nature divine, et pareillement une autre personne, une autre hypostase.
Solutions
1. « Un autre » alius est assimilable aux termes qui désignent l'individu : il vaut pour le suppôt (non pour l'essence). Pour en vérifier l'attribution, il suffit donc qu'il y ait distinction d'hypostase ou de personne. Au contraire, pour qu'il y ait « diversité », il faut une distinction de substance seconde, c'est-à-dire d'essence. C'est pourquoi le Fils est un autre que le Père, sans qu'ils soient divers.
2. « Différence » implique distinction de forme. Or, il n'y a qu'une forme en Dieu : « Lui qui existait en la forme de Dieu... », dit S. Paul. Le terme « différent » ne convient donc pas proprement en Dieu, comme l'enseigne l'autorité alléguée. Damascène, il est vrai, use de ce terme à propos de Dieu, parce que la propriété relative s'exprime à la manière d'une forme ; il dit en effet que les hypostases ne diffèrent pas entre elles par leur substance, mais par leurs propriétés déterminées. Au fond, comme on l'a dit dans la réponse, « différence » vient là pour « distinction ».
3. Alienum veut dire : étranger et dissemblable ; mais alius n'évoque rien de tel. C'est pourquoi l'on dit que le Fils est alius, c'est-à-dire un autre que le Père, mais non pas alienus, c'est-à-dire étranger au Père.
4. Le neutre est un genre indéterminé, le masculin est un genre déterminé et distinct, ainsi que le féminin. Le neutre convient donc pour signifier l'essence commune ; le masculin et le féminin, pour signifier un suppôt déterminé dans la nature commune. Ainsi, quand il s'agit des hommes, si l'on demande : Qui est-ce ? ou Quis (au masculin), on répond par un nom de personne : C'est Socrate. Mais si l'on demande : Qu'est-ce ? ou Quid (au neutre), on répond : C'est un animal raisonnable et mortel. Voilà pourquoi, puisqu'en Dieu il y a distinction de personnes sans distinction d'essence, on dit que le Père est alius (au masculin), c'est-à-dire un autre que le Fils, et non aliud (au neutre), c'est-à-dire autre chose. Inversement, on dit qu'ils sont unum (au neutre), c'est-à-dire une seule chose ; et non pas unus (au masculin), c'est-à-dire un seul sujet.
Objections
1. Au dire du Philosophe, celui-là est seul, qui n'est pas avec un autre. Mais Dieu est avec les anges et les âmes des saints. On ne peut donc pas dire que Dieu soit seul.
2. Ce qu'on peut adjoindre à un nom essentiel, en Dieu, peut s'attribuer à chaque personne ou à toutes ensemble. Ainsi l'on peut dire que le Père est Dieu sage, que la Trinité est Dieu sage, puisque Dieu peut être qualifié de sage. Or S. Augustin s'arrête à cette thèse, que le Père n'est pas le seul vrai Dieu. C'est donc qu'on ne peut pas dire « Dieu seul ».
3. Si le mot « seul » se trouve adjoint à un terme essentiel, l'exclusion vise ou bien un prédicat personnel ou bien un prédicat essentiel. Elle ne vise pas un prédicat personnel, car il est faux de dire : « Dieu seul est Père », puisque l'homme l'est aussi. Elle ne vise pas non plus un prédicat essentiel : en effet, si la proposition « Dieu seul crée » était vraie, celle-ci le serait aussi, à ce qu'il semble : « le Père seul crée » ; car ce qui est vrai de Dieu, l'est aussi du Père. Or la dernière proposition est fausse, puisque le Fils aussi est créateur. C'est donc que le mot « seul » ne peut s'adjoindre à un terme essentiel, en Dieu.
En sens contraire : On lit dans la 1° épître à Timothée (1 Timothée 1.17) : « Au roi immortel des siècles, invisible, seul Dieu... »
Réponse
Le mot « seul » peut s'employer de deux façons : « catégorématique » ou « syncatégorématique ». On appelle « catégorématique » le terme qui pose purement et simplement dans le sujet la chose qu'il signifie ; c'est le cas de « blanc » dans l'expression : « l'homme blanc ». Pris ainsi, le mot « seul » ne peut absolument pas être apposé à un terme quelconque en Dieu ; il y poserait une solitude, d'où il suivrait que Dieu est solitaire : et cela vient d'être exclu.
On appelle « syncatégorématique » le terme qui dit un rapport entre prédicat et sujet, comme « tout », « nul », etc. ; c'est aussi le cas du mot « seul », qui exclut tout autre sujet de la participation au prédicat. Par exemple, quand on dit : « Socrate seul écrit », on ne veut pas dire que Socrate soit solitaire ; on veut dire que personne n'écrit avec lui, même si beaucoup sont là avec lui. Si l'on prend ainsi le mot « seul », rien n'empêche de l'adjoindre à un terme essentiel en Dieu, pour signifier que tous les autres êtres sont exclus de la participation au prédicat. On peut dire par exemple : « Dieu seul est éternel », car rien en dehors de Dieu n'est éternel.
Solutions
1. Certes, les anges et les âmes des saints sont toujours avec Dieu ; et pourtant, s'il n'y avait pas plusieurs personnes en Dieu, nécessairement Dieu serait seul ou solitaire. Car la nature d'un être qui est de nature étrangère à la nôtre, n'empêche pas notre solitude ; on dit bien de quelqu'un qu'il est seul au jardin, malgré toutes les plantes et les bêtes qui s'y trouvent. De même on dirait que Dieu est seul ou solitaire, malgré les anges et les hommes qui sont avec lui, s'il n'y avait pas plusieurs personnes en Dieu. Ce n'est donc pas la société des anges et des âmes qui tire Dieu de sa solitude absolue, encore moins de sa solitude relative, c'est-à-dire de celle qui se vérifie pour tel attribut particulier.
2. Si l'on veut parler proprement, on n'emploie pas « seul » pour modifier le prédicat : celui-ci est toujours pris formellement. Le mot « seul » intéresse le sujet, car il exclut tout autre sujet que celui qu'il accompagne. Tandis que l'adverbe « seulement », exclusif lui aussi, s'emploie et pour le sujet et pour le prédicat. On peut dire en effet : « Socrate seulement court » ; autrement dit, aucun autre ne court. Et on dit aussi : « Socrate court seulement » ; autrement dit, il ne fait rien d'autre. Par conséquent, des expressions comme celles-ci : « le Père est le seul Dieu », ou « la Trinité est le seul Dieu », sont impropres, à moins d'introduire quelque sous-entendu du côté du prédicat ; par exemple, on veut dire : « la Trinité est celui qui seul est Dieu ». S. Augustin qu'on allègue n'établit pas une thèse ; il propose l'explication d'un texte difficile, il veut dire que l'invocation « à l'invisible et seul Dieu » doit s'entendre de la Trinité seule, et non de la personne du Père.
3. Quel que soit le prédicat, essentiel ou personnel, « seul » peut s'adjoindre à un terme essentiel posé en sujet. En effet, la proposition « Dieu seul est Père » a deux significations : « Père » peut attribuer au sujet la personne du Père ; alors la proposition est vraie, puisqu'aucun homme n'est cette Personne. « Père » peut aussi n'attribuer que la relation de paternité : alors la proposition est fausse, puisque pareille relation se vérifie en d'autres (de manière non univoque, cela s'entend). De même, il est bien vrai que « seul Dieu crée ». Si l'on n'en peut déduire : « donc seul le Père crée », c'est que, disent les logiciens, le terme exclusif « immobilise » le terme qu'il accompagne ; autrement dit, l'on ne peut pas étendre la proposition aux suppôts particuliers par retour du général au particulier. De cette proposition, par exemple : « Seul l'homme est un animal capable de rire », il ne suit pas que « seul Socrate est un animal, etc. ».
Objections
1. Le Seigneur dit à son Père (Jean 17.3) : « Qu'ils te connaissent, toi, seul vrai Dieu. » C'est donc que « le Père seul est vrai Dieu ».
2. On lit en S. Mathieu (Matthieu 11.27) : « Personne ne connaît le Fils si ce n'est le Père. » Autrement dit : seul le Père connaît le Fils. Et connaître le Fils est bien commun aux Trois. Ainsi, même conclusion que ci-dessus.
3. Le terme exclusif n'exclut pas ce qui est impliqué dans la notion même du terme auquel on l'adjoint. Il n'exclut, par exemple ni la partie, ni l'universel : de « Socrate seul est blanc », on ne peut pas conclure : « Donc sa main n'est pas blanche », ni non plus : « Donc l'homme n'est pas blanc. » Or une Personne est impliquée dans la notion de l'autre : le Père est impliqué dans la notion du Fils, et réciproquement. Donc en disant : « Le Père seul est Dieu », on n'exclut ni le Fils, ni le Saint-Esprit : cette expression paraît donc vraie.
4. D'ailleurs l'Église chante : « Toi, le seul Très-Haut, Jésus Christ. »
En sens contraire, la proposition « le Père seul est Dieu » se résout en deux autres qui l'expliquent : « Le Père est Dieu » et « Nul autre que le Père n'est Dieu. » Mais cette dernière est fausse, car le Fils, qui est Dieu, est un autre que le Père. Donc la proposition « le Père seul est Dieu » est fausse, ainsi que toute autre de ce genre.
Réponse
La proposition « le Père seul est Dieu » peut avoir plusieurs sens. « Seul » peut qualifier le Père ; et pris de façon catégorématique, il fait du Père un solitaire ; alors la proposition est fausse. Pris de façon syncatégorématique, il donne encore lieu à plusieurs sens : si « seul » exclut les autres de la forme du sujet « Père », la proposition est vraie, car elle signifie alors : « Celui qui est seul à être le Père, est Dieu. » C'est l'explication qu'en donne S. Augustin, quand il écrit : « Nous disons “le Père seul”, non qu'il soit séparé du Fils ou du Saint-Esprit, mais nous signifions par là qu'ils ne sont point Père avec lui. » Cependant, ce sens-là n'est pas celui qui ressort du langage habituel à moins d'y sous-entendre par exemple : « Celui qui seul se nomme le Père est Dieu. »
Dans son sens propre, « seul » exclut de la participation du prédicat ; et cette fois, la proposition est fausse, si l'on veut dire : à l'exclusion d'« un autre » (alius) ; elle est vraie, si l'on veut seulement dire : à l'exclusion d'« autre chose » (aliud). En effet, le Fils est un autre que le Père, mais non pas autre chose ; pareillement le Saint-Esprit. Mais le mot « seul » concerne proprement le sujet, avons-nous dit : il veut donc plutôt exclure « un autre », qu'« autre chose ». Par conséquent, il ne faut pas généraliser pareille expression ; quand on en rencontrera dans un texte faisant autorité, on aura soin de l'expliquer.
Solutions
1. L'expression « Toi, le seul vrai Dieu » s'entend non pas de la personne du Père, mais de toute la Trinité, selon S. Augustin. Si d'ailleurs on l'entend de la personne du Père, on n'exclut pas les autres Personnes, à cause de l'unité d'essence ; c'est-à-dire qu'alors « seul » exclut seulement « autre chose ».
2. Même Réponse à la seconde difficulté : quand on attribue au Père une perfection essentielle, on n'exclut ni le Fils ni le Saint-Esprit, en raison de l'unité d'essence. Notons par ailleurs qu'il ne suffit pas de répondre que le vocable latin nemo équivaut à nullus homo, donc que l'exclusion ne vise que les hommes ; ce n'est pas le cas, dans le texte allégué, car on n'aurait pas à y faire exception du Père. Nemo (personne) est pris là au sens usuel, c'est-à-dire qu'il exclut universellement n'importe quelle nature rationnelle.
3. Le terme exclusif n'exclut pas ce qui est compris dans la notion même du terme auquel il est joint et ne fait qu'un sujet avec lui : ce qui est le cas de la partie et de l'universel. Mais le Père et le Fils sont deux suppôts distincts : le cas n'est donc pas le même.
4. Nous ne disons pas, sans plus, que « seul le Fils est le Très-Haut » ; nous disons que seul il est « le TrèsHaut avec le Saint-Esprit dans la gloire de Dieu le Père ».