Comme le gnosticisme, le montanisme rencontra dans l’Église, et surtout dans l’épiscopat, d’ardents adversaires qui le combattirent par la parole et par la plume ; mais dont les ouvrages ont disparu ou ne sont connus que par des citations. Tels, celui de l’évêque Apollinaire d’Hiérapolis entre les années 170-175 (Eusèbe, H. E., 5.16.1 ; 19.1 et suiv.), et celui de l’apologiste Miltiade, Qu’il ne faut pas qu’un prophète parle en extase (ibid., 5.17.1), qui ont entièrement péri. En revanche, Eusèbe a cité largement celui d’un anonyme, évêque ou prêtre dans la Phrygie orientale, non loin d’Ortrys, qui a dû voir le jour vers 192-193 (H. E., 5.16-17). Ce traité, qui comprenait trois livres, était dédié à un certain Avircius Marcellus que nous retrouverons plus loin. Contre le montanisme encore écrivirent, vers 196-197, Apollonius, asiate cité par Eusèbe (H. E., 5.18) et, sous Zéphyrin (199-217), le prêtre romain Caius qui, pour arracher aux hérétiques un de leurs principaux arguments, niait que saint Jean fût l’auteur de l’Apocalypse et même du quatrième évangile (H. E., 6.20 ; cf. 2.25.6-7 ; 3.28.1-2 ; 31.4)a. D’autres réfutations plus ou moins directes pourraient être encore signalées, et rien n’empêche de ranger, si l’on veut, parmi les auteurs antimontanistes les quelques écrivains de la fin du iie siècle dont il va être question, car ils se sont tous occupés de l’hérésie pour la condamner.
a – Voir sur lui P. de Labriolle, La crise montaniste, p. 278 et suiv.
A Rome, c’est le pape Victor (189-199) dont on sait qu’il sévit contre les montanistes, les quarto-décimans et les adoptianistes. Saint Jérôme (Vir. ill., 53) en fait, avant Tertullien et avec Apollonius, le premier écrivain ecclésiastique latin et lui attribue quelques opuscules (ibid., 34). On ne sait trop quelle portée il faut donner à ces renseignements.
En Orient, trois évêques attirent notre attention.
Le premier est Denys de Corinthe (vers 170), un des hommes les plus consultés de son temps. Eusèbe (4.23) a connu de lui huit lettres dont il indique brièvement le sujet. Les six premières sont adressées à diverses Églises ; la septième est adressée au pape Soter, et la huitième à une chrétienne nommée Chrysophora. Eusèbe a cité des passages de la lettre à Soter.
Après Denys, il faut nommer Sérapion d’Antioche (191-212) dont Eusèbe (6.12) avoue qu’il ne connaît probablement pas tous les ouvrages. Il mentionne en tout cas des écrits A Domnus (Domnus avait quitté la foi chrétienne pour le judaïsme) ; des écrits A Pontius et à Caricus, et d’autres lettres, mais plus spécialement une lettre aux chrétiens de Rossos Sur l’évangile attribué à Pierre : l’évêque d’Antioche en interdisait la lecture.
De ces évêques toutefois le plus célèbre et le mieux pourvu en titres littéraires est l’évêque de Sardes en Lydie, Méliton. On ne sait que peu de chose de sa vie. Déjà connu sous Antonin le Pieux (138-161), il était, sous Marc Aurèle (161-180), à l’apogée de sa renommée. Sa mort doit se mettre avant l’an 190. Eusèbe a donné les titres d’une vingtaine d’ouvrages sortis de sa plume, entre lesquels on peut distinguer un ouvrage Sur la Pâque, en deux livres, d’autres Sur l’Église, Sur le dimanche, Sur le baptême, Sur la prophétie, Sur l’apocalypse de Jean, Sur la corporéité de Dieu, etc., et un livre intitulé La clef. Anastase le Sinaïte (Hodegos, xii, xiii) en a signalé deux autres, l’un Sur la passion (de Notre-Seigneur), le second Sur l’incarnation du Christ. De tout cela malheureusement, en dehors des citations d’Eusèbe et d’Anastase, il ne subsiste que des fragments grecs et syriaques qui ne sont pas tous d’une authenticité garantie. On doit d’autant plus le regretter que Méliton paraît avoir été un auteur plus représentatif de l’école asiatique à laquelle il appartenait.
Signalons enfin, en terminant ce chapitre, et pour être moins incomplet, deux documents importants :
D’abord la lettre de Polycrate, évêque d’Éphèse, au pape Victor (vers 190), dans laquelle il revendique le droit pour les Églises d’Asie de suivre leur tradition pour la célébration de la fête de Pâques (Eusèbe, H.E. 5.24.1-8 ; 3.31.2-3) ;
Puis l’inscription d’Abercius. Cette inscription, dont M. Ramsay, en 1883, a découvert une grande partie du texte original avec le cippe funéraire qui le portait, est l’épitaphe en vingt-deux vers et composée par lui-même d’un certain Abercius, citoyen de la ville d’Hiéropolis, dans la Phrygie Salutaire. Abercius, dans un langage d’un allégorisme transparent, s’y déclare disciple du saint Pasteur, parle de ses voyages à Rome et en Syrie, et mentionne clairement le baptême et l’eucharistie. L’inscription, sûrement chrétienne, date de la fin du iie siècle, et l’Abercius qui l’a composée est probablement l’Avircius Marcellus à qui l’anonyme antimontaniste dont il a été question ci-dessus avait dédié son ouvrage. Mgr Duchesne pense qu’il était évêque d’Hiéropolis.