La première question qui se présente à nous est celle-ci : S’agit-il d’une vraie parabole ? Le récit qui nous occupe n’en présente pas les caractères essentielsj, car la parabole doit faire comprendre les choses célestes à l’aide des terrestres. Nous verrons plus tard ce qu’il faut penser de tout cela ; je ferai remarquer, pour le moment, que le récit s’adresse aux pharisiens (v. 14-15) ; mais alors une difficulté se présente. Les pharisiens étaient « amateurs d’argent » ; cependant jamais on ne leur à reproché d’être prodigues, comme le riche de la parabole. Leur genre de vie était austère ; plusieurs d’entre eux étaient de rigoureux ascètes. Le Seigneur lui-même en rend témoignage (Luc 18.12). Leurs péchés étaient d’un autre ordre ; ils étaient compatibles avec une grande réputation de spiritualité. Mosheim suppose que la parabole est dirigée contre les sadducéens, qui méprisaient les besoins d’autrui, regardant même la pauvreté comme un crime, ou du moins comme une preuve évidente du déplaisir de Dieu. Mais il n’est nullement question, dans notre passage, des sadducéens.
j – C’est l’opinion de Justin, d’Irénée, de Tertullien.
Voici comment on peut expliquer le fait. Il est vrai que l’avarice était le péché des pharisiens, et non pas la prodigalité, toutefois, l’avarice et la dissipation proviennent de la même racine, à savoir l’incrédulité à l’égard de Dieu et de sa Parole, la confiance dans la créature plus que dans le Créateur, en sorte que le Seigneur, pour leur reprocher leur péché, leur confiance au présent siècle, pouvait bien prendre pour exemple un péché en apparence contraire au leur, mais procédant de la même disposition du cœur. Nous ne devons pas oublier que le premier but de la parabole est de montrer les funestes conséquences de l’incrédulité.
Le péché de l’homme riche est l’incrédulité, au fond ; puis ce péché prend les formes du mépris pour le pauvre, et de la dissipation. Le siège du mal est intérieur ; celui qui ne croit pas à un monde invisible de justice et de vérité, est forcé de faire reposer son espérance sur les choses visibles. Celui qui ne croit pas à un Dieu plein de miséricorde, qui fait grâce au miséricordieux, en viendra bientôt à refuser toute compassion à ses frères. Tel était le péché du riche, et la source de toutes ses misères ; il ne croyait pas à un monde supérieur, à un royaume d’amour et de vérité ; c’était aussi là le péché des pharisiens.
« Il y avait un homme riche, qui se vêtait de pourpre et de fin lin et qui se réjouissait chaque jour avec faste ». La « pourpre et le fin lin » sont souvent associés (Esther 1.6 ; Apocalypse 18.12 ; Proverbes 31.22) ; tous deux étaient d’un grand prix dans l’antiquité ; les rois étaient vêtus de pourpre, et la robe de pourpre était un cadeau royal (Esther 8.15 ; Daniel 5.7) ; les idoles païennes en étaient revêtues. (Jérémie 10.9) Quant au « fin lin », il était également très estimé ; Pharaon en revêtit Joseph ; la robe et la mitre du souverain sacrificateur étaient de fin lin, non seulement dans certaines circonstances, mais habituellement. Toutefois, il n’est pas accusé pour cela de violer la loi, comme les riches dont parle Jacques 5.1-6. Jésus ne dit pas qu’il fût un calomniateur, ni un oppresseur des pauvres, ni un voleur. Il dit simplement : « Il y avait un homme riche ». Quel était donc son crime ? Un Lazare était couché à sa porte. Chacun aurait pu rendre un bon témoignage à ce riche, qui se contentait de vivre largement. Jésus-Christ ne nous dit pas son nom, mais seulement celui du pauvre, pour témoigner ainsi, dit Cajetan, que, dans le monde spirituel, tout se passe autrement que dans celui-ci.
« Il y avait aussi un pauvre du nom de Lazarek, qui se tenait couché à sa porte, tout couvert d’ulcères. Et il désirait de se rassasier des miettes qui tombaient de la table du riche ». Il était couché dans le vestibule du palais, dont il n’est pas même fait mention. Ses amis pouvaient l’y avoir amené, pour s’en débarrasser, pensant que le riche aurait compassion de lui. Il n’est pas dit combien de temps il y fut couché ; assez longtemps, toutefois, pour que, plus tard, le riche pût le reconnaître immédiatement. Ce riche devait donc être bien informé de sa situation. Lazare avait perdu l’usage de ses membres ; comme Job, il était « couvert d’ulcères » ; il avait faim, et personne ne l’assistait, « il désirait de se rassasier des miettes qui tombaient de la table du riche » (Juges 1.7) ; il ne put pas même les obtenir, ou du moins elles étaient insuffisantes pour apaiser sa faim. Repoussé par les hommes, il ne trouva quelque sympathie qu’auprès des animaux ; « les chiens », qui sont nombreux dans les villes d’Orient (2 Rois 9.35-36) « venaient lécher ses ulcères ». Chrysostome et d’autres après lui, voient dans ce fait une preuve de l’extrême faiblesse à laquelle la maladie et la faim avaient réduit cet homme ; il n’avait pas même assez de force pour chasser les chiens, qui augmentaient la douleur causée par les ulcères, en les léchant. Mais il semble plutôt que les langues de ces chiens devaient le soulager, car une vertu curative leur est souvent attribuée. Il est probable que ce trait du récit doit faire ressortir la cruauté de l’homme riche. Le riche est vêtu de pourpre et de fin lin, Lazare n’est couvert que d’ulcères ; l’un se réjouit avec faste, l’autre désire des miettes. L’un a plusieurs serviteurs, l’autre n’a que des chiens pour soigner ses plaies.
k – Lazare équivalent à Eléazar, Dieu est mon aide.
On a souvent prétendu qu’il ne nous est rien dit de la situation morale de Lazare, de sa foi, de sa patience, de son espérance. Ce n’est pas exactement vrai ; celui qui reçut le nom de Lazare (« Dieu aide ») doit avoir eu foi en Dieu ; ce fut sa foi, et non sa pauvreté qui le transporta dans le sein d’Abraham. La pauvreté matérielle, extérieure, ne suffit pas pour procurer le repos du ciel ; il faut aussi la pauvreté en esprit, l’humilité. Mais cette gloire mondaine et cette misère terrestre vont avoir une fin ; elles ne sont que l’ombre des choses, et non la réalité.
« Or il arriva que le pauvre mourut » ; alors, tout changea d’aspect ; celui qui n’était secouru que par des chiens « fut porté par les anges dans le sein d’Abraham ». Quelques interprètes on vu ici « un grand privilège que Lazare obtint » ; il aurait eu la première place dans la gloire, que les fils de Zébédée avaient réclamée pour eux-mêmes (Matthieu 20.23) ; il ne fut pas simplement assis avec les autres fidèles au festin d’Abraham, mais il reposa sur son sein, honneur qui ne pouvait être accordé qu’à un seul. Mais cette explication n’est pas juste ; nous n’avons pas ici l’image d’un festin ; le « sein d’Abraham » est expliqué par Jean 1.8. C’est une figure qui exprime le profond repos dont on jouit dans une parfaite communion avec Dieu. Les Juifs disaient de tous les vrais croyants qu’ils étaient reçus dans le sein d’Abraham. Il s’agit donc de la gloire, du repos dont jouissent les fidèles immédiatement après la mort ; c’est dans ce port bienheureux que Lazare entra après toutes ses souffrances.
« Le riche aussi mourut, et fut enterré » ; nous pouvons légitimement conclure de ces paroles que ce fut après Lazare, qui obtint plus tôt la délivrance après laquelle il soupirait ; le riche eut le temps nécessaire pour se repentir, s’il l’eût voulul. Mais son jour d’épreuve est terminé ; la vue de Lazare avait sans doute été un dernier appel pour lui. Il y a une ironie sublime dans la mention de la sépulture du riche, surtout quand on la relie à ce qui suit immédiatement. Le monde, qui aime ce qui est à lui, l’accompagna sans doute avec de grands honneurs, comme c’était l’usage chez les Juifs, mais ces honneurs lui furent de peu d’utilité. La mort a été pour lui un terrible réveil, après sa vie de jouissances mondaines.
l – Jérémie Taylor : « les Juifs disent que l’ange Michel ne vole que d’une aile, et Gabriel de deux ; Dieu est prompt à envoyer les anges de paix, mais les messagers de sa colère viennent lentement : Dieu est plus pressé de glorifier ses serviteurs, que de condamner le méchant ».
Il voulait sauver sa vie, il la perdit. La parabole nous transporte ensuite dans le monde inconnu des esprits ; mais Jésus le connaît parfaitement ; Il parle de choses qui Lui sont familières. Pour nous, il ne nous est pas toujours facile de distinguer exactement ce qui est purement figuré de la vérité elle-mêmem. Nous pouvons dire, en tout cas, qu’il faut faire une part ici au style figuré. Olshausen affirme que l’entretien d’Abraham avec le riche est tout entier figuré, et qu’il représente le désir de la délivrance, désir réprimé par la loi parlant dans la conscience. Toutefois nous ignorons absolument les conditions de l’existence dans le monde mystérieux du Hadès.
m – Au temps d’Augustin, quelques-uns prenaient tout à la lettre.
Celui qui a eu de splendides funérailles sur la terre, est maintenant « en enfer » ou plutôt dans le Hadès qui y aboutit (Apocalypse 20.14). C’est la prison dans laquelle les âmes des méchants sont gardées pour le jour du jugement ; c’est « l’abîme » que craignaient les démons (Luc 8.31). Le riche est « dans les tourments », privé de toutes ses anciennes jouissances ; sa robe de pourpre est devenue une robe de flammes. Il ne peut, pour un temps, réaliser sa nouvelle situation ; il lui semble avoir un rêve affreux. Lorsqu’il fut convaincu que ce n’était pas un rêve, « il leva les yeux, et vit de loin Abraham, et Lazare dans son sein » (Luc 13.28). La souffrance du pécheur perdu sera augmentée par la comparaison qu’il pourra faire avec le sort bienheureux des rachetés. « Et s’écriant il dit : Père Abraham », pensant que ses privilèges charnels lui seraient utiles (Matthieu 3.9 ; Romains 2.17 ; Jean 8.41) ; mais, ce qui faisait sa gloire, aggrave maintenant sa culpabilité. Lui, un fils d’Abraham, a tellement méconnu les grands privilèges de sa vocation qu’il se trouve maintenant dans un lieu de tourments. « Aie pitié de moi et envoie Lazare, afin qu’il trempe dans l’eau le bout de son doigt et qu’il rafraîchisse ma langue, parce que je souffre de grandes douleurs dans cette flamme ! » C’est là tout ce qu’il demande ! Il parle de son « père Abraham » et de la « maison de son père », mais il ne parle pas d’un autre Père, celui de l’enfant prodigue, car il est loin d’avoir la foi du prophète (Ésaïe 63.16).
« Mais Abraham dit : Mon enfant, souviens-toi que tu as reçu tes biens en ta vie, et pareillement Lazare des maux ; et maintenant il est consolé, et toi, tu souffres de grandes douleurs. » Il n’y a aucune dureté dans cette réponse, ni aucune raillerie. Il parle au riche comme à un « fils », mais en lui ôtant tout espoir ; et d’abord il lui fait sentir qu’il a mérité ce qui lui arrive. « Tu as reçu tes biens en ta vie. » Je ne puis accepter l’interprétation qui voit dans ces « biens » certaines bonnes actions qu’il aurait faites, et dont il aurait été récompensé sur la terre ; c’est l’opinion de Chrysostome, de Grégoire le Grand. Ces « biens » sont plutôt les joies terrestres du riche, sa pourpre et son fin lin, son faste. C’étaient là les seuls biens pour lui ; il n’en connaissait pas d’autres. Il a fait son choix, et ce choix est définitif.
Les biens du monde, sans aucun mélange de maux, une prospérité incessante, sont toujours un signe de réprobation (Psaumes 17.14 ; Job 21.7-21 ; Luc 6.24-25). Il n’est pas difficile d’en découvrir le motif. Il y a chez tout homme des souillures dont il a besoin d’être purifié ; cela ne peut avoir lieu que par l’épreuve. Dieu nous afflige pour nous rendre participants de sa sainteté. Le riche n’avait reçu que des biens ; maintenant, tout est changé : Lazare, qui a reçu des maux, « est consolé » (Matthieu 5.4 ; 2 Corinthiens 4.17 ; Actes 14.22) mais lui est tourmenté. Il n’a semé que pour la chair, c’est pourquoi, dans le monde spirituel, il ne peut moissonner que la misère (Galates 6.8). Il ne peut obtenir la pitié qu’il a refusée lui-même (Juges 1.7 ; Matthieu 18.32-34 ; Jacques 2.13 ; Apocalypse 16.6). Les miettes qu’il a refusées aboutissent à la goutte d’eau qu’il ne peut obtenir ; il ne s’est pas « fait des amis avec le Mammon de l’injustice », et maintenant qu’il est venu à manquer personne ne le reçoit dans les demeures éternelles.
Cet homme doit reconnaître qu’au moment de la mort commence la séparation du mal d’avec le bien (Matthieu 13.40-41). Cette séparation est éternelle : « Par dessus tout cela, un grand abîme est fermement établi entre nous et vous, pour que ceux qui veulent passer d’ici vers vous ne le puissent, ni ceux qui sont de là, passer vers nous. » Il est naturel que ceux qui sont perdus désirent entrer dans un lieu de repos, mais ils ne le peuvent ; ceux qui sont dans le bonheur ne peuvent pas non plus aller vers eux pour les soulager.
Mais le riche a encore une demande à adresser, non plus pour lui-même, mais pour d’autres. Abraham pourrait peut-être envoyer Lazare sur la terre : « Je te prie donc, père, que tu l’envoies dans la maison de mon père, car j’ai cinq frères, pour leur rendre témoignage ; de peur qu’eux aussi ne viennent dans ce lieu du tourment ». Il voulait que ses frères fussent informés de la réalité des choses dont ils s’étaient sans doute moqués ensemble. Quelques interprètes ont vu, dans l’anxiété de cet homme au sujet de ses frères, la preuve d’un changement de dispositions, comme fruit de la souffrance. S’il en était ainsi, la doctrine du rétablissement final serait vraie.
Mais la demande de cet homme procède d’une autre source. Il cherche à se justifier lui-même, en accusant Dieu : « Si seulement j’avais été bien averti, je ne serais jamais venu ici, c’est pourquoi je désire que mes frères le soient ». La réponse d’Abraham est brève et presque sévère : « Ils ont Moïse et les prophètes ; qu’ils les écoutent » (Jean 5.39,45-47). Mais le riche insiste : « Non, père Abraham, mais si quelqu’un allait du milieu des morts vers eux, ils se convertiraient ». Il est dit des fidèles que « leurs œuvres les suivent ; » cet homme a méprisé la parole de Dieu sur la terre, et ce mépris l’accompagne au delà du tombeau. Il pense que cette parole ne suffit pas pour sauver les hommes, qu’il leur faut quelque chose de plus pour pouvoir se repentir. Les pharisiens disaient souvent : « Montre-nous un signe, afin que nous puissions croire. » Ils veulent bien croire des miracles, mais non la parole de Dieu (Ésaïe 8.19-20).
« S’ils n’écoutent pas Moïse et les prophètes, ils ne seraient pas non plus persuadés, quand même quelqu’un d’entre les morts ressusciterait ». Chacune de ces paroles doit être soigneusement pesée. Le riche avait dit : « ils se convertiront » ; Abraham répond : « ils ne seront pas même persuadés ». Le riche disait : « si quelqu’un allait du milieu des morts vers eux » ; Abraham, connaissant l’incrédulité du monde, répond : « Non, quand même quelqu’un d’entre les morts ressusciterait » (1 Samuel 28). Cette réponse d’Abraham nous enseigne que la foi est un acte moral, qui n’a pas besoin de signes et de miracles. Lorsque la volonté et les affections sont résolument opposées à la vérité, rien ne pourra les changern. Les pharisiens ne furent pas persuadés de la divine mission de Christ, même après la résurrection de Lazare, et cependant ils ne nièrent pas la réalité de ce fait. Jésus Lui-même est ressuscité, et cependant des multitudes, qui ne nient pas le fait, ne se repentent pas et ne croient pas. Aussi, le Seigneur ne se montra qu’aux disciples, après sa résurrection.
n – Lorsque Spinosa se déclarait prêt à devenir chrétien, s’il pouvait seulement être convaincu de la réalité de la résurrection de Lazare, il savait très bien qu’il était impossible de le convaincre comme il l’entendait.
J’ai déjà fait allusion à une interprétation de cette portion de l’Écriture, qui tend à la faire envisager comme une parabole n’ayant qu’un caractère allégorique et prophétique, sans mélange d’aucun élément historique. Cette interprétation a été accueillie dans une certaine mesure par Augustin, Grégoire le Grand et plusieurs commentateurs modernes. La parabole illustrerait alors les relations passées et futures des Juifs avec les gentils. Le riche représenterait la nation juive, revêtue de « la pourpre » royale, et du « fin lin » des sacrificateurs. On pouvait bien dire de ce peuple élu qu’il « se réjouissait chaque jour avec faste », car il possédait toutes les grâces nécessaires à la vie et à la piété. Le salut venait des Juifs (Jean 4.22) ; pour eux étaient « l’adoration, la gloire, les alliances, l’établissement de la loi, le culte et les promesseso. » (Romains 9.4). Au milieu de ces richesses, ils ne se préoccupaient nullement des étrangers, ou, s’ils faisaient un prosélyte, c’était pour eux-mêmes et non pour Dieu (Matthieu 23.15). Se glorifiant en Dieu (Romains 2.17), ils ne faisaient rien pour répandre la vraie connaissance de son nom parmi les païens. Lazare, le mendiant, est couché à leur porte sans qu’ils y prennent garde ; les Gentils étaient « séparés de la république d’Israël, et étrangers aux alliances de la promesse » (Éphésiens 2.12) ; ils étaient « couverts d’ulcères », car leur misère était infinie. « Les chiens venaient lécher » ces « ulcères », c’était là leur seule consolation. Les législateurs, les philosophes et les poètes ne pouvaient guérir le monde païen. Le désir du mendiant d’être nourri des miettes qui tombaient de la table du riche, ne trouve pas son correspondant exact dans un espoir quelconque des Gentils d’être nourris spirituellement à la table des Juifs, car les Juifs ne cherchaient pas à répandre la vérité. Toutefois, comme Christ était « le Désiré des nations », ces nations païennes désiraient d’une manière inconsciente de vivre de la vérité qui avait été confiée aux Juifs.
o – Teelman : « Le riche représente le peuple juif, mais Lazare, Christ, méprisé par la nation orgueilleuse, et couvert de plaies qui sont les péchés de son peuple ». Schleiermacher : « Le riche est une allusion à Hérode Antipas ».
La mort de Lazare et sa réception dans le sein d’Abraham correspondent à la fin de l’économie dans laquelle le Gentil était séparé de l’alliance. Il est alors introduit dans le royaume de Dieu (1 Pierre 1.10 ; Éphésiens 2.11-13). Mais le riche meurt aussi ; la fin de l’économie préparatoire qui procure la vie du Gentil, amène la mort du Juif. Et maintenant le riche est dans les tourments ; ces tourments, ce sont l’angoisse et le désespoir qui doivent être le partage de ceux qui, après avoir connu Dieu, refusent de le connaître encore. Les Juifs ont été, dans tous les temps, exposés au mépris et aux injures des nations. De même que le riche cherchait quelque consolation auprès de Lazare, qu’il avait méprisé autrefois, ainsi le Juif cherche un adoucissement à sa misère en améliorant sa situation matérielle ; mais c’est la colère de Dieu qui le châtie ; jusqu’à ce que cette colère soit apaisée, jusqu’à ce que le Juif retourne au Dieu d’Abraham, il ne peut trouver de vraie consolation. Il faut qu’il soit reçu lui-même dans le royaume de Dieu, qu’il déplore son péché et regarde à Celui qu’il a percé. Les « cinq frères du riche » représentent, selon les partisans de l’interprétation allégorique, tous ceux qui désormais seront tentés d’abuser de leurs privilèges spirituels. L’Église des Gentils, c’est, dans un sens, Lazare reçu dans le sein d’Abraham ; mais lorsqu’elle tombe dans les mêmes fautes que l’Église juive, lorsqu’elle se glorifie de ses dons, sans les employer pour la conversion des âmes, alors elle ressemble aux cinq frères du riche, qui courent le risque de venir dans le même « lieu de tourment » (Romains 11.22). Les partisans de cette interprétation allégorique affirment que la parabole n’en conserve pas moins sa valeur pratique. Elle renferme un solennel avertissement pour les enfants du présent siècle, mais aussi un avertissement pour l’Église, afin qu’elle soit préservée de l’égoïsme, de l’orgueil spirituel.