Mon Dieu, on me parle de maladie et de mort, et je me dis que moi aussi je dois mourir ; peut-être bientôt, à l’heure où j’y compterai le moins ; et, dans ce moment, j’avoue que je n’y compte guère. Cette pensée m’attriste. Quand elle me saisit fortement, elle m’épouvante ! Et pourquoi donc ai-je peur de mourir ? ta grâce n’a-t-elle pas effacé tous mes péchés ? ton ciel ne m’est-il pas assuré ? et cependant, je te l’avoue, je crains encore la mort, je n’en soutiens la perspective que parce que je la crois éloignée ; dès que je me la figure à la porte, je n’en veux plus ! Je prétexte intérieurement ma famille, mes affaires ; il me semble que si tout était réglé ici-bas, je délogerais avec moins de peine. Mais n’ai-je réellement d’autre motif que de « disposer de ma maison » avant de mourir ? n’est-ce pas l’incrédulité ? n’est-ce pas l’amour de la vie terrestre, mondaine, pécheresse ? partirais-je beaucoup plus volontiers si ma fortune était centuplée, ma famille prospère, mes affaires réglées ? Hélas ! je crains bien le contraire. C’est alors surtout que je regretterais la vie, parce qu’elle me serait devenue plus douce ; alors je demanderais encore les quinze années ajoutées à la vie d’Ezéchias, et je ne manquerais pas de raisons à t’alléguer pour les obtenir. Oui, Seigneur ; je le sens, la peur de la mort vient de l’incrédulité. J’ai peur de la souffrance, mais encore plus du néant. Je ne redoute pas ta colère, je sais que tu m’as pardonné ; et, chose étrange ! rassuré sur mon salut, je tremble à la pensée de là mort ! Je crois à ton ciel et je doute d’un avenir ! Quelle contradiction, Seigneur ! Je ne puis me l’expliquer ; mais toi, tu peux la faire disparaître en fortifiant ma foi. Donne-moi donc de croire, de me confier sans réserve en toi, qui m’as tout donné, « la vie, le mouvement et l’être. » Je sais que tu le peux ; tu l’as déjà fait ; par moment, j’ai possédé cette pleine confiance en toi, ce détachement réel de la terre ; il me semble qu’alors je fusse volontiers parti pour être avec Christ. Eh bien, Seigneur, rends-moi cet heureux état d’âme, et que je puisse attendre, paisible, joyeux, dans la sanctification, mon passage du temps à la bienheureuse éternité !