On s’est beaucoup demandé s’il y a un rapport quelconque entre cette parabole et son contexte immédiat, et quel est ce rapport. Théophylacte établit de la manière suivante le lien entre notre parabole et le verset qui précède : Le Seigneur avait montré à ses disciples quelles grandes œuvres ils pourraient accomplir avec une foi vivante, mais il leur adresse en même temps une parabole destinée à les préserver de l’orgueil. Selon Olshausen, les apôtres entendant parler des obstacles qu’ils rencontreraient (v. 1-2), des devoirs difficiles qui leur étaient prescrits (v. 3-4), auraient soupiré après le repos et la récompense. Le Seigneur veut leur faire comprendre qu’ils doivent accomplir toute leur œuvre ; qu’ils Lui appartiennent et doivent travailler pour Lui. Au lieu de ne regarder qu’à la récompense, ils doivent imiter ce serviteur qui, après avoir travaillé tout le jour dans les champs, continue à agir dans la maison, après son retour. Mais cette interprétation fait violence au texte.
Selon Grotius, la parabole ne parle que du service des Juifs sous l’Ancienne Alliance. Les disciples avaient demandé une augmentation de foi. Le Seigneur, qui veut les satisfaire, veut aussi leur faire apprécier la valeur du don qu’ils réclament. Cette valeur est si grande, que toutes les œuvres accomplies en dehors de ce principe vivant d’obéissance sont purement serviles ; Dieu ne prend aucun plaisir en elles ; ceux qui les font sont des « serviteurs inutiles ». Les partisans de cette interprétation objectent à toute autre explication, qu’elle présente les relations de Christ avec son peuple sous un jour qui n’est pas celui de la Nouvelle Alliance. Est-il vraisemblable, disent-ils, que le même Seigneur qui a dit ailleurs : « Je ne vous appelle plus serviteurs, mais je vous ai appelés mes amis », cherchât ici à les remettre sous le joug de la servitude, en déclarant d’avance que quoi qu’ils puissent faire pour Lui, Il ne leur devra aucune reconnaissance ? Comment cela s’accorde-t-il avec l’esprit ou la lettre de paroles telles que celles-ci : « Bienheureux sont ces serviteurs que le maître trouvera veillant quand il arrivera ; en vérité, je vous dis qu’il se ceindra, qu’il les fera mettre à table et les servira ? » (Luc 12.37). Toutes ces difficultés ne disparaissent-elles pas lorsqu’on admet que la parabole ne s’occupe que des rapports du peuple juif avec son Dieu ? Cette interprétation est ingénieuse, cependant elle ne satisfait pas entièrement.
La parabole commence ainsi : « Mais quel est celui d’entre Vous qui, ayant un serviteur labourant (la terre) ou paissant (le bétail), lui dise aussitôt qu’il rentre des champs : Approche et te mets à table ? Ne lui dira-t-il pas plutôt : Apprête-moi à souper, ceins-toi et me sers, jusqu’à ce que j’aie mangé et bu ; et après cela tu mangeras et boiras ? » Servir à table avec les reins ceints était un signe d’esclavage. « A-t-il à rendre grâces à ce serviteur de ce qu’il a fait ce qui lui avait été commandé ? je ne le pense pas. Vous aussi de même, quand vous aurez fait tout ce qui vous a été commandé, dites : Nous sommes des serviteurs inutiles, car c’est ce que nous devions faire que nous avons faitp. » Il est évident que les relations des fidèles avec leur Seigneur sont présentées ici sous un aspect plus sévère qu’ailleurs.
p – Bengel : « Celui-là est malheureux que le Maître appelle un serviteur inutile, il est heureux quand il se donne à lui-même ce titre ».
Cependant, on ne saurait opposer cette parabole de Jésus à d’autres paraboles, telles que celle de Luc 12.37. Dieu pourrait agir comme cela nous est dit dans notre passage ; Il le pourrait au point de vue de la stricte justice ; mais Il préfère agir selon les richesses de sa grâce. Dieu ne nous doit rien ; toutes ses faveurs sont purement gratuites. Nous devons vivre sans cesse dans cette pensée, pour être maintenus dans l’humilité. Dieu aurait pu nous traiter avec rigueur, et alors il ne nous devrait aucune récompense ; s’il veut bien nous employer à son service, c’est par grâce.