Il faut aussi que je vous raconte quelle fut la fin de sa vie, car vous désirez en entendre le récit, et, de toutes les actions d’Antoine, il n’y en a pas qui soit plus digne d’envie. Il était allé, suivant sa coutume, visiter les monastères de la montagne qui est en deçà du désert ; étant averti par la Providence que sa fin était prochaine, il dit à ses frères : C’est la dernière visite que je vous fais, et je serais bien étonné que nous nous vissions de nouveau en ce monde. Le temps de mon départ est arrivé, car voilà que j’ai près de cent cinq ans. Ses disciples ayant entendu ces paroles se mirent à pleurer ; ils serrèrent le vieillard dans leurs bras et ils le baisèrent ; pour lui, semblable à un homme qui part d’une ville étrangère pour retourner dans sa patrie, il leur parla d’un air joyeux ; il les exhorta à ne jamais se relâcher dans leurs travaux, à ne jamais se décourager dans les exercices de la piété, à vivre comme si chaque jour devait être le dernier de leur vie.