La religion pure et sans tache devant Dieu notre père consiste à visiter les orphelins et les veuves et à se préserver de la souillure du monde. Jacq., I, 27.
C’est à ceci que l’on reconnaîtra que vous êtes de mes disciples, disait Jésus-Christ, quand vous vous aimerez les uns les autres ; d’où il faut conclure que les Églises qui prétendent à une grande pureté dans la foi doivent le démontrer par leur zèle pour la charité.
Notre culte exige peu de sacrifices pour soutenir l’éclat de sa simplicité évangélique ; notre clergé est en grande partie entretenu par le traitement légal que le pays lui accorde ; les libéralités des fidèles peuvent donc aisément s’étendre sur la portion souffrante de la société, en faveur de laquelle les prédicateurs de l’Évangile font souvent retentir de touchants appels.
Les conseils presbytéraux, chargés spécialement du maintien de la discipline locale, sont aussi, avec juste raison, considérés comme bureaux de bienfaisance, investis du soin d’assister, avec régularité et discrétion, les nécessiteux de l’Église.
À cet effet, il reçoivent leur part des ressources affectées aux bureaux de bienfaisance proprement dits ; mais comme ces secours seraient insuffisants pour l’accomplissement de l’œuvre de soulagement réel et efficace que ces corps religieux ont acceptée, ils ont recours à d’autres sources de charité ; c’est dans ce but que les fidèles sont invités, à l’issue des services religieux, à déposer leurs aumônes dans le tronc placé à l’entrée du temple ; à certaines époques, ils provoquent une quête à domicile ; ils reçoivent aussi des dons que de généreux chrétiens n’oublient pas de leur faire aux époques solennelles de la vie, telles que le mariage et le deuil, et des legs, résultant des volontés testamentaires que les fidèles mourants ajoutent à leurs dernières volontés en faveur des établissements de bienfaisance chrétienne.
L’ensemble de ces ressources diverses permet aux conseils presbytéraux d’étendre le bienfait de leur protection sur une foule d’êtres souffrants, qui apprennent, par sa pieuse intervention, à bénir la religion et la charité qu’elle inspire. Le diaconat vient en aide à cette pieuse entreprise ; ses dignes membres, n’écoutant que la voix de la compassion et du dévouement, visitent assidûment la demeure du pauvre, s’enquièrent avec soin de leurs besoins, se font raconter la longue et douloureuse histoire de ses infortunes, se concertent avec lui pour chercher des protecteurs, des secours et surtout du travail, et s’adressant enfin aux conseils presbytéraux, exposent, dans des réunions hebdomadaires, l’état réel des familles qu’ils ont visitées, et sollicitent en leur faveur des secours dont la nature et la quotité sont adaptées aux circonstances particulières où elles se trouvent.
C’est ainsi que les Églises qui ont pu se créer quelques ressources en étendent la distribution sur les vieillards, les infirmes, les malades, les ouvriers chargés d’une nombreuse famille, les pauvres femmes en couche, les enfants abandonnés ; elles ont des secours qu’elles dispensent avec une sainte discrétion aux infortunés qui jadis ont vu de meilleurs jours, et qui maintenant se cachent derrière le voile d’une pudeur qu’il importe de respecter.
Les étrangers que d’impérieuses circonstances obligent à changer de domicile, et que la maladie ou l’absolu dénuement arrêtent à leur passage, n’échappent pas entièrement à la sollicitude des Églises consistoriales, lorsque des recommandations viennent démontrer qu’ils n’appartiennent pas à la classe méprisable des mendiants et des vagabonds. En s’adressant à ces divers ordres d’infortunes, les consistoires savent adapter à chacun les secours qui lui conviennent ; c’est ainsi qu’ils distribuent des secours en pain, en argent, en vêtements d’hiver, en médicaments, en visites de médecins, en literie, en layettes, etc. ; soigneux de suivre, dans la répartition de leurs bienfaits, la route de cette charité miséricordieuse, également éloignée de l’avare prudence qui oppose ses refus aux cris de la famine et de l’imprudente libéralité qui perpétue la misère en encourageant l’oisiveté.
En dehors, et à côté de cette institution charitable du diaconat, on rencontre chez les protestants de France les Sociétés de secours mutuels, associations protégées par le gouvernement, approuvées de tous les hommes sages et prudents, dont les heureuses conséquences ont toujours dépassé l’attente de leurs fondateurs, et dont l’action est si conforme aux intérêts de la dignité humaine comme aux vrais progrès des populations. Elles consistent, comme chacun sait, en cotisations mensuelles, dont le produit réuni permet à la Société d’accorder à chacun de ses membres des secours convenables et une assistance personnelle pendant le temps de la maladie. Cette fraternelle institution a pour effet certain d’empêcher un grand nombre d’ouvriers de devenir les victimes de revers imprévus qui accablent tout d’un coup ceux qui n’ont pas su se ménager quelques ressources, et qui les font descendre pour jamais au rang des vrais indigents.
L’exemple donné et l’expérience fournie par les Sociétés de secours mutuels de Paris, Lyon, Montauban, Toulouse, Nîmes, Castres, Lille, etc., sont là pour démontrer l’excellence de ces institutions, dont nous appelons de tous nos vœux la plus grande extension dans notre Église et dans notre patrie.
Enfin, signalons les institutions fondées depuis la restauration de notre culte, qui à la fois démontrent sa vitalité et contribuent à le développer dans les voies de la bienfaisance chrétienne ; institutions qui ont pour seules ressources les libéralités des protestants français :
Maisons de santé : Paris, Strasbourg, Nîmes, Montpellier, Montauban, Toulouse, Lyon, Mulhouse, Lille, Marseille, Bordeaux.
Asiles pour les vieillards : Paris, Courbevoie, Lyon, Toulouse, Bordeaux, Montauban, Nîmes, Orlhez, Saint-Hippolyte.
Asiles pour les orphelins : Paris, Neuhof, Saverdun, Castres, Tonneins.
Asiles pour les orphelines : Paris, Crest, Nîmes, Montauban, Orléans, Nérac, Pau, Orthez, Avallon, Lemé, Alger.
Asile pour les idiotes et les enfants scrofuleux : Laforce.
Asile pour les sourds-muets : Saint-Hippolyte.
Refuge pour les repenties : Paris, Nîmes.
Colonie pénitentiaire pour les jeunes détenus des deux sexes : Sainte-Foy.
Société pour soigner les pauvres aux bains de mer : Le Grau-du-Roi,
Institution pour élever les diaconesses[1] ou former des garde-malades : Paris, Strasbourg, Nîmes, Bordeaux.
[1] L’Institution des diaconesses dans le protestantisme répond à celle des sœurs de charité dans le catholicisme. Il va sans dire qu’il n’y a rien de monastique dans nos maisons de diaconesses : ce dont on peut se convaincre en visitant l’admirable établissement de la rue de Reuilly, à Paris.
Instruis le jeune enfant dès l’entrée de sa voie, et quand il sera vieux, il ne s’en écartera pas. Prov., XXII, 6.
Élevé comme un phare éclatant à la tête de la civilisation des peuples, le protestantisme s’est toujours montré le protecteur de l’instruction populaire.
Il vit de vérité ; il ne connaît pas de plus dangereux ennemis que les préjugés et l’ignorance. Il appelle donc de tous ses vœux, encourage de toute son assistance, et éclaire par toute son influence tous les moyens propres à développer chez les peuples les connaissances utiles et bonnes. Les services que le protestantisme a rendus en France sous ce rapport ne sont contestés par personne. C’est à lui qu’on doit l’introduction de l’enseignement mutuel, des salles d’asile, des écoles du dimanche, et l’invention des bibliothèques populaires ; il a donné à la France l’homme d’État qui, dans nos temps modernes, paraît avoir apporté dans la direction de l’université et de tous les établissements qui s’y rattachent les vues les plus neuves, la direction la plus forte, l’influence la plus durable. Et s’il est permis d’attendre encore, pour l’instruction primaire dans notre patrie, un plus grand développement et de nouveaux progrès, nous le devrons surtout à l’étude de ce qui s’est fait pour cette œuvre importante, sous l’influence des idées protestantes, en Prusse, en Angleterre, en Hollande et aux États-Unis.
Dans les villes où il a été permis à nos Églises de se développer sans trop de contrainte, l’enseignement public, grâce à la sollicitude des consistoires et à la protection des autorités locales, est aujourd’hui arrivé à l’état où se trouve un édifice dont toutes les parties principales ont été élevées sans qu’elles soient encore ni parfaitement terminées ni même suffisamment liées entre elles, mais qui offre cependant des conditions précieuses d’utilité et de solidité.
Voici donc les établissements par lesquels la jeunesse de nos Églises est appelée successivement à passer.
Les salles d’asile reçoivent les petits enfants depuis l’âge de trois ans jusqu’à six. D’habiles instituteurs, souvent aidés de leurs épouses, s’efforcent de développer, dans l’intérêt de la vérité, la jeune intelligence, et de dresser à l’amour du bien le cœur de leurs élèves, à l’aide de leçons extrêmement simples, d’histoires attrayantes et de questions mille fois répétées.
L’exercice et le mouvement, si nécessaires à leur âge, dirigés à l’aide d’une gymnastique convenable, entretiennent et développent chez eux la force et la santé.
À ces soins viennent se joindre ceux de la propreté, soit dans la personne, soit dans les vêtements, si capables de rehausser le sentiment de dignité personnelle qui doit accompagner l’homme dans toutes les phases de la vie.
La salle d’asile est un admirable bienfait pour les parents, que l’on décharge ainsi du soin de leurs petits enfants, à l’heure où le père est peut-être absent et la mère au travail[2].
[2] C’est Marie Scheppler, servante d’Oberlin, qui la première a ouvert une salle d’asile. Mme Jules Mallet avait depuis consacré son infatigable activité au développement de ces admirables institutions, non seulement parmi les protestants, mais aussi parmi les catholiques.
La salle d’asile prend l’homme au sortir du berceau ; l’école d’enseignement mutuel le reçoit au sortir de la salle d’asile. Ce n’est pas ici le lieu d’exposer le système qui préside à l’instruction dans ces écoles, système d’ailleurs assez connu, et auquel les progrès du temps ont apporté d’utiles modifications par une heureuse combinaison avec l’enseignement simultané[3].
[3] Le système de l’enseignement mutuel a été introduit d’Angleterre en France par le pasteur F. Martin et mon frère le pasteur Émile Frossard.
Dans les écoles dont nous parlons, le programme des études se borne à la lecture, l’écriture, l’usage des premières règles de l’arithmétique, le catéchisme et le chant sacré.
Il fallait, après cela, un enseignement supérieur pour ceux des élèves qui, persévérant dans ces épreuves successives, désiraient acquérir une instruction capable de les conduire plus loin dans la vie industrielle et commerciale ; c’est dans ce but que l’on a créé des écoles supérieures.
Sous les soins du directeur, les élèves y apprennent la grammaire, l’histoire de France, la géographie, l’arithmétique, la géométrie, le dessin linéaire et l’histoire sainte.
Reste encore les hommes faits, qui, dans leur première jeunesse, ont passé par des temps moins heureux, ou que des parents négligents et oublieux ont privés de la première instruction : ouvriers de la onzième heure, arrivant tard, sans doute, mais arrivant enfin, pleins de bon vouloir, altérés d’instruction. Pour eux se sont ouvertes les écoles d’adultes, où le soir on voit accourir nos ouvriers qui, le jour, cultivent nos champs, élèvent nos édifices, ou de leurs mains calleuses font battre nos métiers.
Il est inutile d’ajouter que ceux de nos jeunes hommes qui se destinent aux fonctions à la fois si pénibles et si honorables d’instituteurs participent aux bienfaits des écoles normales fondées par l’État. Nous possédons même en France des établissements de ce genre qui ont un caractère spécialement protestant, telles les écoles de Paris, Courbevoie, Nîmes, Orlay, Dieu-le-Fit, Sainte-Foy, etc.
L’enseignement public donné aux jeunes filles est en tout point semblable à celui que les garçons reçoivent dans nos écoles, et l’on n’observe point chez nous l’inégalité qui existe encore à cet égard sur plusieurs points de la France.
Le gouvernement de nos écoles se ressent de la double et salutaire influence de l’Église et de la cité, et l’on comprendra aisément que ce n’est pas trop de la réunion de toutes les influences morales et religieuses, avec toute la puissance gouvernementale et administrative, pour créer, consolider et poursuivre une œuvre si importante et si étendue.
Aussi, tout en même temps que l’Église redouble d’efforts pour étendre l’instruction populaire et pour la rendre plus efficace, l’État la considère comme une dette dont il faut au plus tôt s’acquitter envers la nation.
À cet effet, la cité et l’Église donnent à nos écoles des comités de surveillance, composés de jeunes hommes actifs, ardents au bien, capables de comprendre et d’inventer les moyens de le produire, et forts pour les mettre en œuvre avec une infatigable persévérance. Oublieux de leurs plaisirs ou de leurs propres intérêts, on voit ces jeunes hommes s’occuper avec suite de soins fastidieux, et donner leur temps à une inspection constante et minutieuse.
Honneur à ceux qui comprennent si bien les devoirs de leur âge et de leur position sociale ! Heureuses les cités qui se peuplent de bonnes écoles primaires ! Les générations naissantes y apprennent à obéir à qui de droit ; elles y apprennent à se respecter elles-mêmes, à compter sur le travail de leurs mains, à espérer de l’avenir, à aimer l’Évangile de Jésus-Christ. Elles reçoivent à l’école des leçons de propreté, d’économie, de subordination, d’humilité, de piété. C’est à l’école que se forment les citoyens paisibles, les ouvriers laborieux, les fils soumis, les chrétiens humbles et vertueux.
Lorsque les générations ont été gâtées par des commotions inattendues, par le triomphe momentané de quelque mauvais principe, ou par des malheurs extraordinaires contre lesquels la sagesse humaine est demeurée impuissante, c’est l’école qui rétablit le règne des bons principes, qui ramène le calme et la moralité publique…
L’école refait les générations… L’école est donc un sanctuaire que, dans l’ordre hiérarchique des institutions consacrées aux occupations graves, on peut placer après le sanctuaire de la religion, et avant le sanctuaire de la justice ; car elle est destinée à peupler le premier d’humbles adorateurs de Dieu, et à laisser le second désert et muet par l’amélioration progressive des mœurs et le retour au bien.
Aussi, dans ce sanctuaire, l’instituteur a-t-il charge d’âmes. À lui de seconder les vues de l’Église et de la cité ; à lui le premier développement des jeunes intelligences ; à lui de faire naître les premières émotions dans les jeunes cœurs ; à lui de jeter les premières semences de l’ordre, de l’honnêteté, de la vertu ; l’avenir lui demandera compte de son administration !… Aussi l’Église et la cité ont les yeux sur lui ; elles tendent chaque jour à relever sa dignité, à assurer son avenir, à éloigner les soucis et les préoccupations fâcheuses qui pourraient l’entraver dans sa sainte mission. Et, nous pouvons le dire, la plupart des instituteurs semblent, enfin, comprendre ce progrès de l’opinion publique à leur égard, comme ils comprennent mieux leurs importantes fonctions.
Après avoir mis en mouvement une multitude d’intelligences ignorantes ou endormies, après avoir fait naître en elles la soif de connaître, il fallait au plus tôt satisfaire à leurs nouveaux besoins, au risque de les voir se dépraver ou s’éteindre. C’est dans ce but qu’on a fondé des Bibliothèques populaires.
Ces utiles établissements, dont l’invention appartient à nos temps modernes[4], offrent un choix de bons ouvrages à l’usage de ceux qui ne craignent pas de faire un léger sacrifice[5] dans l’intérêt de leurs progrès intellectuels. Religion, morale, sciences naturelles, industrie, histoire, voyages, littérature, tout a été mis à contribution pour couvrir les rayons des bibliothèques populaires, et répandre au loin des connaissances à la fois agréables, utiles et dirigées dans un esprit qui se résume par cette devise, que devraient porter tous les établissements d’instruction publique : civiliser sans pervertir.
[4] La bibliothèque populaire formée par Mme la baronne Auguste de Gasparin, à Orange, est, à ma connaissance, la première qui ait été établie en France.
[5] Le règlement de la bibliothèque populaire de Nîmes porte le prix de l’abonnement à 50 centimes par trimestre ; la bibliothèque s’ouvre tous les dimanches ; chaque abonné peut emporter un volume.
Une société autorisée par ordonnance royale du 15 juillet 1839, sous le titre de Société pour l’encouragement de l’instruction primaire parmi les protestants en France, protège les écoles protestantes de l’Empire, et emploie les fonds qui sont mis à sa disposition pour l’établissement de nouvelles écoles, et pour concourir, avec les institutions publiques ou particulières, à tout ce qui peut propager l’instruction primaire dans la population protestante. Un service religieux, institué à l’effet de rappeler les bienfaits de cette société et de l’instruction en général, a été établi dans plusieurs Églises de France.
Instruisez toutes les nations ! Matth., XXVIII, 19.
Vous êtes la lumière du monde, disait Jésus à ses disciples d’autrefois, et il le dit encore à ses disciples de tous les temps, en leur enjoignant comme un devoir impérieux de faire part à leurs frères de toutes les vérités dont ils sont eux-mêmes éclairés. De là le prosélytisme ; non cette manie du pharisien qui, par orgueil, court la terre et les mers pour faire un seul prosélyte, faux zèle pour lequel les protestants éprouvent une répugnance toute particulière ; mais ce tendre intérêt qui porte l’âme religieuse à communiquer les dons qu’elle a reçus, à épancher ses pensées d’avenir dans d’autres cœurs d’hommes qui sont amenés, par l’entraînement de l’exemple, de la douceur et de la persuasion, à les partager avec elle ; action qui constitue l’éducation chrétienne, et qui prenant l’homme au berceau le conduit jusqu’à la tombe.
L’institution consistoriale est la première qui entre dans cette voie de propagation évangélique ; elle agit par toute l’influence du culte qu’elle préside, par tout l’ensemble du ministère chrétien et de la prédication publique de la Parole de Dieu.
On doit aussi à cette puissance conservatrice tourte l’influence religieuse qui s’exerce dans les écoles, où elle appelle le concours spécial et assidu des pasteurs, dont la loi civile sanctionne la présence dans les comités communaux et supérieurs : en certains lieux, des services religieux, sur semaine, sont affectés à l’édification et à l’instruction des jeunes enfants, qui y apprennent, dès leurs plus tendres années, à adorer Dieu en bégayant ses louanges. Le consistoire s’est aussi montré le protecteur des écoles du dimanche. Un mot sur cette utile institution.
Les écoles du dimanche furent introduites en France au retour de la paix générale, en 1814. Elles ont un caractère exclusivement religieux.
L’étude de la lecture y est remplacée par la pratique de la lecture et l’usage des saintes Écritures.
Ici les pasteurs ont appelé les laïques à leurs secours : ce sont quelques jeunes hommes éclairés, quelques dames charitables et pieuses, qui groupent autour d’eux les enfants des deux sexes, pour les diriger dans les voies de la piété.
Le moniteur fait lire à son élève les pages du texte sacré ; il l’interroge, il l’instruit, il l’intéresse, il cherche à le gagner au bien ; il ne l’abandonne pas dans la vie ; il sait sa demeure, il le visite, il l’encourage, il devient son protecteur, et lorsque, plus tard, l’enfant, devenu un jeune homme, a quitté les bancs de l’école, il trouve encore dans son ancien moniteur un conseiller et un appui.
C’est, en grande partie, aux écoles du dimanche, il n’en faut pas douter, qu’est dû le réveil religieux qui se manifeste si visiblement dans les classes populaires. Une société, destinée à encourager la fondation des écoles du dimanche et à leur fournir d’excellents livres, a été fondée à Paris.
L’action extérieure des consistoires et des conseils presbytéraux produit un bien immense et généralement senti ; toutefois elle a ses limites, comme cela doit arriver à tous les corps légalement constitués ; aussi, en dehors de ses pouvoirs et sous leur patronage plus ou moins direct, une foule d’associations charitables et pieuses sont venues compléter leur œuvre et lui donner une extension à laquelle il est difficile d’assigner des bornes ; car elles n’en acceptent d’autres que celles du zèle chrétien.
À la tête de ces associations, qui font la gloire de notre siècle et l’avenir de notre Église, il faut placer les sociétés bibliques. Leur but est très simple : il consiste à répandre la Bible en langue vulgaire, sans notes ni commentaire, dans toutes les classes de la société et chez tous les peuples du monde.
La réforme religieuse du seizième siècle avait proclamé pour principe fondamental que la Bible est la seule autorité en matière de foi ; en distribuant cette Parole divine, les sociétés bibliques deviennent le complément nécessaire de la Réformation.
Aussi, depuis trois siècles, y a-t-il eu, dans tous les pays protestants, des publications considérables de l’Écriture sainte ; mais c’est surtout au retour de la paix européenne que ces publications ont reçu une nouvelle extension et le titre significatif de Société biblique.
La Société biblique britannique et étrangère, qui étend son action bienfaisante sur les deux hémisphères, a répandu, depuis sa fondation en 1804 jusqu’en 1860, la cinquante-sixième année de son existence, trente-sept millions cinq cent mille exemplaires de la sainte Écriture, traduite en près de deux cents langues ou dialectes.
Les Sociétés bibliques de France sont loin de présenter un aussi immense résultat : c’est le sacrifice pieux d’une pauvre Église longtemps foulée par l’ennemi et décimée par la persécution.
Établies en 1818, elles ont distribué depuis cette époque un grand nombre de livres saints parmi les familles protestantes, dont la plupart doit aujourd’hui en posséder l’exemplaire sacré. Afin qu’aucun membre de l’Église ne puisse se soustraire à l’influence bénie de la Parole de Dieu, les Sociétés bibliques prennent soin de distribuer gratuitement le Nouveau Testament aux catéchumènes le jour de leur réception à la sainte cène, et la Bible aux nouveaux époux lors de leur bénédiction nuptiale ; elles ont eu aussi la chrétienne pensée de publier une édition de la Bible en très gros caractères, pour les vieillards dont la vue est affaiblie par l’âge.
Je désire, du fond de mon cœur, que tous ceux qui lisent cet écrit, se fassent une idée juste de la nature, de l’utilité, de la nécessité incontestable et de l’opportunité pressante des sociétés bibliques.
Une société biblique est une réunion d’hommes qui ont reconnu, soit à l’aide des lumières fournies par l’apologétique chrétienne, soit surtout par l’expérience de leur propre vie religieuse, que la Bible est la Parole de Dieu.
Ils se présentent à leurs frères comme témoins de cette vérité, et leur profession à cet égard, quand même elle n’amènerait aucun autre résultat positif, est déjà un bien, parce qu’elle conserve au monde un principe parfaitement vrai et abondamment fertile pour l’avenir.
Mais les hommes qui dirigent une société biblique ne s’en tiennent pas à une simple adhésion en faveur de la divine autorité de la Bible. Ils croient que la vie des âmes raisonnables et immortelles dépend des vérités contenues dans le Livre sacré, et qu’en dehors de la foi biblique tout est erreur, ténèbres, confusion et malheur. Ainsi, les directeurs des sociétés bibliques aiment la Bible ; ils acceptent, ils chérissent les doctrines vitales qu’elle renferme ; ils désirent adorer le Dieu-Sauveur qu’elle annonce, jouir du salut gratuit qu’elle prépare, et se laisser guider par l’Esprit divin dont elle promet l’effusion constante sur l’Église ; et, d’un autre côté, ils ont pitié des âmes humaines qui ne connaissent pas, qui ne goûtent pas ces choses.
C’est à ce double titre qu’ils deviennent les propagateurs de la Bible ; ici commence une œuvre d’utilité incontestable, que dis-je, de pressante nécessité.
Naguère les exemplaires de la Bible étaient rares, ils en multiplient le nombre ; ces volumes étaient incommodes, ils en approprient le format aux nécessités du culte, de la famille, de l’écolier, du soldat, du voyageur. Il y aura des Bibles pour les réunions de famille ; il y en aura pour celui qui veut porter le volume sacré partout avec soi ; il y en aura pour le vieillard dont la vue est affaiblie par l’âge ; que dis-je, il y en aura qui, par un procédé ingénieux, dérouleront les trésors du royaume de Dieu sous les doigts si clairvoyants des aveugles.
Mais la confusion des langues… ? la Société biblique y a pourvu : elle imprimera le livre de Dieu en deux cents langues différentes ; elle fera des lettres pour des peuples qui n’ont jamais su écrire, pour des langues dont nous connaissons à peine le nom ; et, pour nous renfermer dans les bornes étroites de notre patrie, elle aura pour nous des Bibles françaises, pour nos compatriotes de l’Alsace des Bibles allemandes ; pour nos frères des provinces de l’Armorique des Bibles en langue bretonne ; des Bibles escualdiennes pour le pays basque ; et pour nos marins des Bibles dans toutes les langues de l’Europe.
Jadis le Livre sacré était hors de prix ; ses propagateurs en abaisseront le prix matériel au niveau des fortunes les plus modestes ; ils le livrent à prix coûtant, à prix réduit ; ils le donnent gratuitement, de peur qu’une seule âme humaine ne meure faute de ce livre sacré : c’est aussi dans l’intérêt de cette âme humaine qu’ils cherchent à découvrir où elle se trouve, car cette âme se cache souvent, toute honteuse de son ignorance ou de son incrédulité ; elle voudrait, s’il était possible, se dérober aux regards du peuple de Dieu ; mais le colporteur de la Bible la poursuit de ses yeux vigilants ; il l’atteint jusque dans ses derniers retranchements ; il épie le moment favorable : si ce n’est pas aujourd’hui, ce sera demain ; si ce n’est pas au milieu des étourdissements de la joie mondaine, ce sera à l’heure plus calme de l’épreuve et de la douleur : le moment vient, enfin, et cette âme n’a pas été abandonnée au dénuement.
Et lorsque cette âme a été consolée, substantée, attirée, vaincue, sauvée…, alors les propagateurs de la Bible recueillent pieusement dans les annales de l’histoire de l’Église les événements de cette vie intérieure ; non point pour s’en glorifier eux-mêmes, oh non ! Ne le croyez pas, car ils savent que si Paul plante, et si Apollos arrose, Dieu seul donne l’accroissement ; mais ils les recueillent pour en donner gloire au chef de l’Église, qui a promis de demeurer avec elle jusqu’à la fin du monde.
Telle est l’œuvre biblique ; c’est donc une œuvre de propagande essentiellement chrétienne, car elle répond fidèlement à l’ordre de Jésus-Christ : Allez et enseignez aux nations de la terre tout ce que je vous ai moi-même enseigné.
C’est une œuvre de propagande essentiellement protestante car elle complète l’élan donné au monde par nos glorieux réformateurs, qui proclamèrent le principe de l’émancipation par la Bible, et nous laissèrent le soin de faire descendre ce principe dans la vie pratique.
C’est une œuvre de propagande essentiellement française ; car c’est de notre patrie que sont sortis les premiers colporteurs de la Bible[6], dès l’aurore de la Réforme, comme le constatent les documents historiques de cette époque.
[6] Alors appelés contre-porteurs.
La fondation d’une Société de traités religieux devait suivre de près celle de la Société biblique. En 1822, on vit dans la capitale un grand nombre d’hommes instruits et pieux se réunir pour préparer la publication et la diffusion d’une foule de petits écrits populaires qui, tantôt sous le voile d’une histoire touchante, tantôt sous la forme d’un enseignement plus direct, devaient présenter au peuple une exposition claire et satisfaisante des doctrines vitales de l’Évangile, de leurs applications morales aux diverses positions de la vie chrétienne, des démonstrations populaires de la divine origine du christianisme, des réponses aux objections les plus généralement répandues dans le monde, des exhortations à lire la parole de Dieu, et des directions pour la bien lire, des conseils d’hygiène publique et domestique, enfin, un Almanach chrétien assez connu aujourd’hui sous le titre d’Almanach de bons conseils.
La plupart de ces petits écrits, en général assez étendus, se vendent un sou, plusieurs sont livrés à un moindre prix. La Société distribue chaque année environ un million et demi de ces précieux écrits.
Une autre Société, qui marche dans le même esprit, a entrepris la publication d’ouvrages plus considérables, en les mettant, toutefois, par leur prix très modique, à la portée d’un grand nombre de personnes.
Elle a établi son siège à Toulouse. Elle réimprime et répand des œuvres déjà connues et appréciées ; elle y ajoute des ouvrages nouveaux, fruits des travaux d’hommes déjà illustrés dans la chaire évangélique ou dans la chaire doctorale. Elle s’impose toutefois la loi de ne publier que les ouvrages conformes aux doctrines évangéliques, savoir : la corruption naturelle de l’homme, la divinité éternelle de Jésus-Christ, et la justification par la foi en lui. Elle crée gratuitement des bibliothèques religieuses partout où le besoin s’en fait sentir ; sa libéralité à donner égale son zèle à produire.
À ces prédications écrites, qui sont destinées à agir d’une manière toujours lente et restreinte, il fallait ajouter la prédication vivante qui s’adresse aux âmes d’une manière directe et toujours plus entraînante et plus efficace. C’est dans ce but que l’on a créé diverses sociétés d’évangélisation, sociétés diverses quant au champ qu’elles explorent, mais semblables quant au but qu’elles désirent atteindre. Voici celles qui exercent l’influence la plus étendue.
La Société centrale d’évangélisation, établie à Paris, forme une confédération de sociétés locales désignées sous les titres de sections de Paris, de Bordeaux, du Nord, de Normandie, du Centre, du Centre-Sud, du Sud-Ouest, du Béarn et des Pyrénées, du Midi, du Sud-Est, de l’Ouest, des Colonies.
Cette admirable institution, qui, depuis sa fondation, en 1847, a ouvert plus de cent quarante lieux de culte dans des localités qui n’en possédaient point, se rattache d’une manière plus spéciale aux Églises protestantes reconnues par l’État.
La Société évangélique de France date de 1832. Elle a rendu d’éminents services à la cause évangélique et a soutenu avec persévérance et courage la cause sainte et légitime de la liberté religieuse. Ses œuvres se rattachent plus spécialement aux Églises non salariées par l’État.
La Société évangélique de Genève accomplit aussi en France une œuvre de propagande importante et bénie.
L’Église évangélique de Lyon est aussi entrée depuis longtemps dans cette voie de courageuse activité.
Des sociétés établies à Nîmes, Strasbourg et Genève s’occupent plus exclusivement d’évangéliser les protestants disséminés.
Les sociétés des missions évangéliques chez les peuples non chrétiens agrandissent encore ce cercle d’action.
Ce fut en 1732, c’est-à-dire il y a cent trente-quatre ans, et dans le petit village d’Herrnhut, en Moravie, qu’il vint à la pensée de quelques chrétiens, connus sous le nom de Frères-Unis, d’envoyer des ministres de l’Évangile au delà des bornes de leur pays, et chez les peuples lointains et sauvages, pour leur faire part des connaissances religieuses qu’ils avaient le bonheur de posséder eux-mêmes.
Cette idée sublime ne pouvait prospérer qu’au milieu des Églises éclairées par le pur Évangile ; aussi vit-on la plupart des dénominations protestantes l’accepter et la mettre en pratique avec tout ce qu’elle pouvait avoir de grand et de désintéressé.
Elle fut accueillie avec ardeur par les Danois, par les Hollandais, surtout par les Anglais et les Américains. Ceux-ci consacrèrent à la prospérité de cette œuvre des hommes éminents et des trésors considérables ; de sorte que les vaisseaux anglais et américains qui parcouraient les ports des deux mondes y transportèrent, avec leurs riches marchandises, des Bibles et des interprètes de la Parole divine, pour prêcher et annoncer la venue du règne de Jésus-Christ.
Et nous, Français, que faisions-nous, en présence de ces efforts pieux et de ces triomphes de la croix ? Nous étions entourés de périls : tantôt des guerres au dehors, tantôt des persécutions au dedans, nous concentraient dans le cercle étroit de l’égoïsme ; nous songions à nous, rien qu’à nous…
Le temps allait montrer que la France protestante devait cette indifférence surtout aux circonstances douloureuses qui la comprimaient. À peine les guerres eurent-elles cessé, qu’une contrée qui nous est chère, et que depuis longtemps nous pouvons appeler du doux nom de sœur, avait donné un élan qui devait se faire ressentir jusqu’à nous. Une école de missionnaires évangéliques fut instituée à Bâle, en 1816.
On vit alors plusieurs chrétiens français s’empresser de réunir leurs charités pour les envoyer en Suisse ; mais cela ne pouvait suffire aux amis de la propagation de l’Évangile chez les païens. Ils sentirent vivement le désir de créer un établissement de ce genre dans notre pays, et surtout dans notre capitale, où les jeunes gens seraient entourés de tant de ressources scientifiques et religieuses, et où l’acquisition des langues étrangères leur deviendrait beaucoup plus facile que partout ailleurs.
Nos vœux ont été accomplis, et, en 1823, après la formation d’une Société de missions sous la présidence de M. l’amiral Ver-Huel, nous vîmes s’élever, sous ses auspices, un asile où l’on pouvait désormais favoriser le développement de la foi et de l’intelligence chez les jeunes gens que le Seigneur appellerait à cette œuvre de dévouement et d’amour.
Depuis cette époque, et à l’aide de souscriptions volontaires, le Comité de Paris a envoyé une petite armée de missionnaires au milieu des hordes sauvages des Hottentots et des Cafres, au sud de l’Afrique. Ces hommes dévoués ont été d’abord reçus par une communauté de colons, descendants de réfugiés français qui avaient cherché jadis, dans ces contrées lointaines, un refuge contre l’oppression dont les chrétiens réformés étaient les tristes victimes.
Plus tard, ils fondèrent des stations ou résidences, autour desquelles ils attiraient les naturels du pays pour les instruire dans notre foi et dans les merveilles de notre civilisation européenne.
Plusieurs fois ils furent chassés par la famine, la maladie, et surtout par les guerres cruelles que ces hordes sauvages se livraient continuellement. Toujours ils se sont montrés les bienfaiteurs de l’humanité. Ils ont reculé les bornes de la science[7] en déterminant la direction des montagnes et le cours des fleuves dans le pays des Ligoyas, qui n’avait pas été exploré avant eux ; ils ont fait imprimer dans la langue des Bassoutos, dont, il y a quelques années, on connaissait à peine le nom, des tableaux d’école, un catéchisme, un recueil de cantiques et de prières, de courts traités sur les vérités essentielles et les principaux devoirs du christianisme, et l’Évangile de notre Seigneur Jésus-Christ. Dieu leur a donné de faire beaucoup de bien et de convertir plusieurs âmes à l’amour de son Christ.
[7] M. Guizot, présidant l’assemblée générale de la Société de géographie, à Paris, le 1er décembre 1837, s’exprime ainsi, en parlant des découvertes de nos jeunes amis : « Songez à ces missionnaires, qui, au fond des déserts de l’Afrique, adonnés avec une passion sainte à conquérir des âmes, ont encore du zèle et du temps à donner aux conquêtes de la science, et vous adressent, Dieu sait avec quelles fatigues ! Leur humble tribut. Qui appréciera de tels travaux, tantôt si arides, tantôt si rudes ! Qui leur portera, non pas une curiosité momentanée et frivole, mais un long, sérieux et fidèle intérêt ! »
Une intéressante publication que nous recommandons particulièrement à l’attention de nos lecteurs, le Journal des missions évangéliques de France, donne depuis longtemps des détails très circonstanciés sur les travaux de nos missionnaires français.
C’est une grande et belle œuvre que celle de l’évangélisation chez les peuples païens, communément désignée sous le titre de Missions évangéliques. Elle plaît même aux hommes du monde, car elle réveille chez eux l’idée d’entreprises lointaines et périlleuses, de découvertes curieuses, d’explorations nouvelles, d’études et d’observations chez des peuples peu connus.
L’œuvre de l’évangélisation du monde est aussi en harmonie avec quelques-unes des idées du siècle, qui demande, de toute entreprise, qu’elle aboutisse finalement à quelque chose de positivement utile.
Le siècle reconnaîtra, s’il veut lui donner quelque attention, que l’œuvre des missions, en établissant des relations amicales et bienveillantes avec de nouveaux peuples, peut retirer de ces relations même des avantages signalés pour la prospérité nationale, l’encouragement de l’industrie, les progrès dans les sciences, et l’extension du commerce à l’extérieur.
Le siècle, abjurant l’esprit rétréci et égoïste d’une philosophie matérialiste, demande aussi que les entreprises grandes par les efforts qui les dictent, par les résultats qu’on en attend, soient aussi grandes par la pensée généreuse qui les inspire.
Et certes, le but que se proposent les nouveaux apôtres de l’Évangile proclame assez une pensée généreuse et bienveillante. Qui méconnaîtrait, en effet, le dévouement de ces hommes dont l’instruction, le courage et les vertus méritaient peut-être quelque distinction au milieu de la patrie qui les a vus naître, et qui néanmoins, s’arrachait volontairement à cette patrie bien-aimée, se séparent avec larmes de leurs parents, leurs frères, leurs amis, pour aller… Dieu sait où.
Elle n’est ni sordide ni intéressée cette pensée de quelques hommes, qui, du sein de leur paix et de leur aisance, s’émeuvent de compassion, et portent des regards inquiets vers les nations païennes et barbares, réunissant leurs prières et leurs aumônes pour envoyer, parmi ces nations, des hommes puissants d’esprit et riches de foi, pour les arracher aux ténèbres du paganisme par le spectacle irrésistible et glorieux de l’Évangile de Christ, et pour les délivrer de la plus honteuse barbarie par les bienfaits de notre civilisation moderne.
L’œuvre des missions ne saurait être indifférente même aux chrétiens qui ne le sont que de nom. Ceux-ci, tout en reniant la force de la foi, n’ont pu échapper entièrement à l’influence bénie de l’Évangile de Christ ; c’est la civilisation chrétienne qui les entoure ; c’est la mansuétude chrétienne qui adoucit leurs relations avec leurs semblables ; c’est la droiture chrétienne qui les protège, et, s’il leur reste au cœur quelque chose d’humain et quelques lueurs de compassion et de charité, comment ne se réjouiraient-ils pas d’apprendre que des peuplades, qui naguère s’entre-déchiraient, vivent aujourd’hui dans une paix profonde ; que des gouvernements sages prennent la place de l’oppression et de l’esclavage ; que l’homme apprend à se respecter lui-même, à honorer son semblable, à entourer la femme des égards qu’elle mérite, et à comprendre, enfin, le bonheur de la famille, la sainteté du mariage, et le lien sacré de la société.
Mais autant l’éclat du soleil surpasse à nos yeux celui des astres errants qui l’entourent et jouissent eux-mêmes de sa clarté, autant l’évangélisation du monde apparaît comme une œuvre infiniment plus glorieuse aux yeux du vrai chrétien qu’elle ne saurait le paraître aux yeux de tout autre ; c’est pour lui une question d’avenir et de vie ; c’est l’extension du règne de son Seigneur : c’est la réhabilitation de milliers d’êtres égarés, dégradés, perdus ; c’est la sainte cause de la vérité et de la justice ; c’est la sainte guerre, qui ne se terminera qu’avec le triomphe du Fils de Dieu ; c’est l’enfer qui frémit de rage ; c’est le ciel qui tressaille d’allégresse !
Et, dans cette entreprise immense, qui embrasse la terre entière et toutes les générations qui l’habitent, depuis celles qui aujourd’hui fourmillent à sa surface, jusqu’à celles qui la couvriront encore lors de la consommation des siècles, dans cette entreprise immense, le chrétien ne se laisse rebuter par aucune difficulté, parce qu’il marche continuellement par la foi et non par la vue.
Le missionnaire chrétien… et il ne faut point confondre sous ce titre des hommes généreux et sages avec ceux dont le zèle inconsidéré et farouche désole l’Église en y semant les passions religieuses et un fanatisme effréné… le missionnaire chrétien est le meilleur ami des hommes après Dieu. C’est un vrai philanthrope, car il se sacrifie pour faire à l’humanité un présent du plus grand prix : celui de la vérité. Il marche vers l’homme avec le témoignage du salut, l’Évangile de paix. Il porte avec lui toutes les ressources de la civilisation moderne, tous les adoucissements qu’elle procure. C’est l’ami des enfants, des petits enfants, qu’il protège, qu’il arrache à la négligence, à la mort même, leur enseignant à bégayer le nom du Saint des saints, et à devenir un jour des hommes abondants en toutes vertus.
Le missionnaire est l’ami des gouvernements, car il les consolide par le respect qu’il inspire à ses disciples pour les lois du pays. Il est l’ami des rois ; il les rend pacifiques, humains, tolérants. Il est l’ami de leurs peuples, qu’il instruit dans les voies de la droiture et de la paix.
Le missionnaire est un réformateur dont on bénira la mémoire d’âge en âge.
Le missionnaire est un héros, car il ne craint point de renoncer aux douceurs de la vie pour affronter les dangers de la mer, les intempéries de l’air, les sables mouvants de la zone torride, les glaces du pôle, la faim, la soif, les insultes, la mort… Et pourquoi ? Pour convertir des âmes à Jésus-Christ, pour rendre les hommes heureux…