L’Éternel confirme à Josué sa charge de conducteur du peuple (Josué 1.1-10), et le passage miraculeux du Jourdain vient prouver à tous que Dieu est avec Josué, comme il a été avec Moïse (Josué 4.14,22-24). C’est pour cela que le passage du Jourdain est rapproché quelquefois de celui de la mer Rouge (Josué 4.23 ; Psaumes 114.3 et sq.). Le peuple dresse ses tentes dans la plaine de Jérico (Josué 4.13). Pendant le séjour dans le désert, la circoncision avait été négligée ; tous les Israélites de quarante ans et au dessous sont circoncis en un seul jour à Guilgal, et le peuple ose alors célébrer la fête de Pâques. A cette occasion, la manne cesse et le peuple entre en jouissance des productions de la Terre sainte (Josué 5.2-12). Jérico était la clef du pays de Canaan, elle est détruite (ch. 6). Mais la désobéissance de Hacan met le peuple en état d’interdit (Josué 7.12), et ce n’est qu’après que ce péché est expié, que Haï, la seconde ville forte de la région moyenne de Canaan, peut être prise (ch. 8). C’est à ce trait de l’histoire des Israélites que Osée fait allusion quand il dit : « C’est pourquoi voici, je l’attirerai, après que je l’aurai fait aller dans le désert, et je lui parlerai selon son cœur ; et je lui donnerai ses vignes depuis ce lieu-là, et la vallée de Hacor pour une entrée à l’espérance » (Osée 2.14-15). Nous avons déjà expliqué le verset 14e ; voici le sens du verset 15e : « Je lui donnerai ses vignes à partir de là ; à peine auront-ils quitté le désert, que je les mettrai en possession de la Terre promise, et la vallée du Trouble se changera pour Israël en une porte d’espérance. » La vallée où Hacan avait été lapidé, parce qu’il avait troublé Israël, et qui en avait conservé le nom de vallée de Hacor, ou du Trouble, a vu par-là même enlever l’interdit qui pesait sur le peuple ; l’espérance a pu renaître dans le cœur des Israélites et Haï n’a pas tardé à partager le sort de Jérico. C’est ainsi que toutes choses ensemble doivent concourir au bien du peuple de Dieu.
Josué était maintenant en état de procéder à la promulgation solennelle de la loi sur les monts Hébal et Guarizim. Il n’est pas rare que les pierres mêmes crient contre les soi-disant résultats scientifiques de la critique moderne ; ici c’est à la lettre le cas de le dire. De quel droit reléguer dans le domaine des mythes une opération qui n’a rien que de tout naturel ? On a retrouvé en Egypte des parois entières ou des pierres monumentales enduites de chaux ou de gypse, où l’on avait dessiné maintes figures ou écrit de longs récits. Pourquoi compliquer la chose en supposant que l’on commençait par graver les caractères dans la pierre et qu’ensuite on enduisait le tout de chaux, soit pour protéger la gravure, soit pour faire mieux ressortir les lettres, dans la concavité desquelles la chaux s’était arrêtée ?
Encore deux grandes expéditions, l’une vers le Sud, l’autre vers le Nord, et la conquête du pays sera terminée en gros. Toute une série de villes cananéennes sont traitées à la façon de l’interdit, ainsi que Dieu en avait donné l’ordre à plusieurs reprises (Deutéronome 7.2 ; 20.16-18 ; Exode 23.32 ; 24.12 et sq.). On a souvent cherché à atténuer la sévérité de cette mesure en disant, d’après Deutéronome 20.10, que les Israélites ne passaient au fil de l’épée que les Cananéens qui avaient refusé la paix. Mais lisez le verset 15e, et vous verrez qu’il n’est question dans ce passage que de villes non cananéennes. Ou bien on a dit, en s’appuyant sur Josué 11.20, que par leur endurcissement les Cananéens n’avaient que trop mérité ces rigueurs. Cela est vrai, mais c’est en vain qu’on chercherait à enlever à la mesure d’extermination son caractère tout à fait général. Encore une fois, relisez des passages comme Deutéronome 7.2 ! En troisième lieu, on a cherché à expliquer cette destruction totale en disant qu’en vertu de promesses faites aux patriarches les Israélites étaient les vrais propriétaires du pays. Mais les Cananéens étaient les premiers occupants (Genèse 12.6 ; 13.7)c. Non ! c’est sur la pure grâce de l’Éternel, à qui seul, en définitive, appartient la terre, que repose uniquement aux yeux de l’A. T. la cession de ce pays aux Israélites ; et l’A. T. de même ne connaît pas d’autre raison de l’extermination des Cananéens que la justice de Dieu. Ces peuplades se livraient à toutes sortes d’abominations et de péchés contre nature (Lévitique 18.27 ; Deutéronome 12.31). La mesure de leurs crimes était comble. Il y avait longtemps que Dieu prenait patience (Genèse 15.16) et Israël, s’il tombe jamais dans de semblables excès, sera traité de même (Deutéronome 8.19 ; 13.12 ; Josué 23.15 et sq.).
c – Il est vrai que Deutéronome 32.8, exprime la pensée que, dès le temps de la dispersion des peuples, l’Éternel songea au pays qu’il donnerait un jour à Israël. Mais la Genèse a grand soin de nous montrer que les patriarches ont toujours été des étrangers en Canaan (Actes 7.5).
Le Dieu de l’A. T. est donc un Dieu terrible ! Mais le Dieu de l’histoire ne l’est-il pas aussi ? On ne peut rien changer à l’histoire. Eh bien ! elle nous montre bien d’autres peuples encore exterminés, détruits, balayés de dessus la terre ! Et par la volonté de qui ? La seule différence qu’il y ait entre la Bible et l’histoire, c’est que la première, se plaçant au point de vue moral, découvre une juste punition là où la seconde ne voit trop souvent que le développement de quelque grand drame. Il est tout à fait inutile après ceci de chercher à excuser le Dieu de l’A. T. Au reste on peut remarquer, si l’on veut, qu’un certain nombre de Cananéens émigrèrent fort probablement en Phénicie, puis en Afrique. Procope trouva encore, au vie siècle de notre ère, en Mauritanie, une inscription ainsi conçue : « Nous sommes ceux qui ont fui devant les troupes dévastatrices de Jésus » (Josué) (Procope, Guerre des Vandales, 2.10). Les Arabes considèrent encore à l’heure qu’il est les Berbères comme les descendants de ces Cananéens réfugiés.