La Société évangélique. — Influences étrangères qui modifient les idées ecclésiastiques de ses fondateurs. — Le Réveil dans le canton de Vaud. — Les idées de Vinet. — L’individualisme ecclésiastique. Gaussen. — Scherer. — L’influence théologique de Vinet. — Vinet et la théologie du Réveil.
Avec la seconde période du Réveil à Genève, nous nous trouvons en face d’une situation nouvelle.
La Société évangélique, dès ses débuts, constituait en fait une Église séparée de l’État : la destitution de Gaussen, la suspension de Galland et de Merle d’Aubigné leur avaient créé, sans leur concours, une position entièrement indépendante. Mais, tout en continuant dans ces conditions l’œuvre commencée, Gaussen tenait à se représenter toujours, lui et ses amis, comme les héritiers de la véritable Église de Genève, telle qu’elle avait été établie, unie au pouvoir civil par des liens organiques. Si la séparation existait en fait, elle n’existait pas en droit : elle était une nécessité, non un principe.
Cette situation allait se modifier sous l’influence d’événements extérieurs à Genève, mais dont le Réveil genevois devait subir le contre-coup. Nous voulons parler du Réveil du pays de Vaud.
Le canton de Vaud avait été, dans les premières années du siècle, le théâtre d’un mouvement analogue à celui qui se produisait à Genèvec. Seulement, l’attachement qu’avait conservé l’Église aux confessions de foi et aux doctrines de l’orthodoxie devait imprimer au Réveil un caractère différent. Le représentant de l’Église nationale, le doyen Curtaz, s’était, en effet, vivement élevé contre la conduite de la Compagnie des pasteurs genevois, et avait rompu toutes les relations fraternelles qui, jusque-là, avaient uni les deux Églises. Cependant, quelques années après, il devait être lui-même aux prises avec les mêmes difficultés.
c – Voir Cart, Histoire du mouvement religieux et ecclésiastique dans le canton de Vaud pendant la première moitié du dix-neuvième siècle, 6 vol. Lausanne, 1870-1880.
Sous l’influence des idées anglaises et de celles qui venaient du Réveil de Genève, de jeunes ministres commencèrent, d’une part, à tenir le dimanche des réunions d’édification, et, de l’autre, prêchèrent dans les chaires nationales l’insuffisance d’une simple orthodoxie et la nécessité de la conversion individuelle. Peu à peu les croyants se séparèrent du monde, et l’épithète de mômier et de méthodiste fut bientôt aussi usitée dans le canton de Vaud que de l’autre côté du Léman. les attaques violentes de la populace, les voies de fait suivirent les injures, et l’autorité ecclésiastique, conduite par Curtaz, crut que le meilleur moyen de prévenir le retour de semblables scènes était d’interdire toute assemblée religieuse autre que les assemblées publiques de l’Église officielle. Curtaz faisait paraître en même temps un ouvrage sur les Conventicules. Les pasteurs qui prenaient part à ce mouvement ne voulurent pas se soumettre et furent cassés de leurs fonctions ; ce fut ce qui donna lieu à la première dissidence vaudoise.
L’agitation ne fit que croître, et le 20 mai 1824 était promulguée une loi qui interdisait formellement toute assemblée de mômiers (le Conseil d’État n’hésitait pas à employer cette épithète grossière), sous les peines les plus sévères : amende, prison, même bannissement. Ce fut le commencement d’une ère de persécutions légales et de procès pour délits de prière et de culte, suivis de nombreuses condamnations.
Aussitôt les protestations se firent entendre de toutes parts. La plus éloquente fut celle de Vinet dans son Mémoire en faveur de la liberté des cultes (1826) et dans son Essai sur la conscience et sur la liberté religieuse (1829). L’année suivante, la révolution de 1830 ouvrit une période de paix, de prospérité et de vie religieuse, et, en 1834, la loi du 20 mai fut retirée.
Mais, en 1839, le grand Conseil abolit la Confession de foi helvétique, sous le prétexte que cette confession était le plus grand obstacle à l’établissement d’une liberté religieuse complète. Immédiatement, l’Église ayant perdu ce qui la caractérisait en propre, ce qui était sa raison d’être et ce qui faisait sa force, se vit asservie à l’État. Aussi Vinet protesta-t-il vivement contre la loi ecclésiastique du 14 décembre 1839, dont il disait « que le principe en était cyniquement matérialiste. » En 1842, il publiait son Essai sur la manifestation des convictions religieuses et sur la séparation de l’Église et de l’État. Trois ans plus tard, la révolution du 14 février 1845, en posant en principe la subordination de l’Église à l’État, créait à celle-ci une position telle, que le 12 novembre 1845 cent quatre-vingt-dix pasteurs et ministres résignèrent leurs fonctions officielles ; il est vrai que, quinze jours plus tard, quarante d’entre eux retirèrent leur démission.
Tous ces faits, non seulement le conflit survenu en 1845 entre le clergé et le gouvernement vaudois, mais tout ce qui l’avait précédé, amenèrent, en 1847, la fondation de l’Église évangélique libre du canton de Vaud. Du reste, à partir de 1845 et jusqu’en 1859, on vit une recrudescence de persécutions contre les réunions religieuses tenues hors des temples et des heures axées par la loi, contre les pasteurs et les fidèles qui prenaient part à ces réunions. Enfin, en 1859, les lois oppressives de la liberté des cultes furent abolies, et, en 1861, la Constitution garantit la liberté religieuse.
Au premier abord, on n’avait prêté à Genève que peu d’attention à tous ces événements : les situations respectives étaient différentes et les revendications indignées de Vinet contre les abus du pouvoir civil ne trouvaient pas d’écho dans les milieux genevois. Peu à peu cependant, lorsque le gouvernement vaudois se montra d’une intolérance de plus en plus manifeste à l’égard du Réveil, l’intérêt des chrétiens de Genève s’éveilla pour les théories préconisées par l’éminent professeur comme étant la seule solution possible du conflit entre l’Église et l’État.
« C’est en 1838, écrit Pilet, professeur à l’Oratoire, c’est en 1838, à ce qu’il nous paraît, qu’un esprit nouveau commença à souffler ; ce n’est pas que nous n’eussions eu à soutenir des attaques, mais elles n’eurent ni retentissement, ni crédit. Ce fut cette année-là que les questions ecclésiastiques furent officiellement exposées aux regards du public par la commission ecclésiastique du canton de Vaud. Ce fut en 1839 que l’Église de ce canton fut dépouillée selon les uns, délivrée selon les autres de sa confession de foi ; où une réaction théologique révolutionna le canton de Zurich ; où enfin une loi ecclésiastique dans le canton de Vaud ôta à l’Église de ce pays tout espoir de conquérir son autonomie… Il était impossible que tout cela n’attirât pas les regards du public religieux et ne soulevât pas maintes questions plus ou moins étrangères à la foi proprement dite. L’observateur attentif voyait poindre comme au milieu des nuages deux partis qui n’eussent point dû se trancher, qu’il est pénible, mais pourtant utile, de caractériser par des noms : celui de l’Église et celui de la foi… Les faits se joignirent aux discussions et vinrent les animer de toute la vie qui résulte des réalités. Elles furent agitées à Genève, en 1841 et en 1842, à l’occasion de la Constituanted. »
d – Rapport de la Société évangélique, 1849, p. 61.
Nous avons dit ailleurs quelles furent les revendications formulées à cette occasion par Merle d’Aubigné et le résultat de la crise. Mais si la situation extérieure de la Société évangélique ne s’en trouva pas modifiée, les théories ecclésiastiques de ses membres commencèrent dès lors à subir une profonde transformation.
L’influence de Vinet à Genève grandissait en effet d’année en année. L’Essai sur la manifestation des convictions religieuses et sur la séparation de l’Église et de l’État faisait envisager la situation sous un jour nouveau. On sait que ce livre constituait le programme ecclésiastique de l’auteur. L’individualisme y était poussé jusqu’à ses dernières conséquences. Non seulement la liberté de la foi personnelle et la profession de cette foi y sont représentées comme un droit et un devoir, mais encore l’existence d’une religion de la société y est déclarée absolument incompatible avec l’existence d’une religion individuelle. L’individu n’a plus aucune foi personnelle dès que la société en a une avant lui. L’État est loin de comprendre l’homme tout entier. Il ne touche qu’à ce que tous les hommes possèdent en commun. L’individualité personnelle reste toujours en dehors de son domaine. La religion, n’appartenant absolument qu’à la seule vie individuelle, ne saurait donc dépendre que de Dieu seul. Elle en dépend par la conscience. L’État, c’est l’homme moins la conscience.
Ainsi, Vinet n’en était plus à revendiquer, comme au début, le droit à la séparation ; il soutenait que cette séparation même était un devoir. Ses articles dans le Semeur propageaient dans tout le protestantisme de langue française cette manière de voir qui, surtout à Genève, gagnait peu à peu du terrain.
A l’Oratoire, on commençait à se familiariser avec cette perspective. Les événements politiques, la situation faite aux orthodoxes les poussaient vivement vers cette solution. Cependant, plusieurs de ceux-ci ne suivaient pas Vinet jusqu’au bout. Entre les adhérents de l’Église nationale et ceux que l’on désignait comme les dissidents strictement bibliques, prirent alors place deux partis dont les systèmes mitigés sont à la base des formes ecclésiastiques actuelles, et qui, dans leurs points de départ, sont diamétralement opposés l’un à l’autre, le multitudinisme et l’individualisme.
C’était l’individualisme qui à l’Oratoire comptait le plus de partisans. Les événements dont le canton de Vaud fut le théâtre, la fondation de l’Église libre de ce pays, l’apparition en 1846 de l’écrit de Vinet, Du socialisme considéré dans son principe, provoquèrent à Genève la crise finale.
L’Oratoire, il est vrai, voyait avec déplaisir que les questions ecclésiastiques occupassent presque exclusivement l’attention des esprits, et que la doctrine de l’Évangile fût ainsi rejetée au second plan : « L’Église la plus désirable, après tout, disait Gaussen, l’Église où il fera bon de se trouver, ce sera celle où l’on parlera le moins d’Église et le plus de Jésus-Christ… Parlez beaucoup de Jésus-Christ, prêchez sa mort, prêchez son retour ; nourrissez l’Église ! … Ce qui fait les Églises libres, ce ne sont pas tant les théoriciens, les abstracteurs, les orthopédistes ecclésiastiques ; ce sont les hommes qui prêchent la vie et qui avancent la vie. Evangélisez, évangélisez donc, et Dieu fera le reste ; mais même alors, quand il le fera, ce ne sera que par la vie de l’Églisee. »
e – Assemblée générale de la Société évangélique, 1846, p. 124 et suiv.
Mais tous les collègues de Gaussen ne pensaient pas comme lui. Scherer défendait avec talent et énergie les vues de Vinet. En 1845, il avait publié son Esquisse d’une théorie de l’Église chrétienne ; dans son journal, la Réformation au dix-neuvième siècle, il combattait toutes les théories et toutes les coutumes qui ont leur origine dans le christianisme des masses, telles que la réception dans l’Église et la première communion à un âge précis, les liturgies, l’autorité du ministère regardé comme étant d’institution divine, etc.
Nous arrivons ainsi à l’année 1846 ; la révolution politique qui s’accomplit à cette date va précipiter les événements religieux : nous sommes à la veille de la fondation de l’Église évangélique libre.
C’était donc en grande partie l’individualisme de Vinet qui avait modifié les idées ecclésiastiques du Réveil genevois. Son influence ecclésiastique fut en effet plus prépondérante que son influence théologique.
On s’est plu souvent à opposer la théologie de Vinet à celle du Réveil ; on a représenté la tendance du professeur de Lausanne comme une réaction contre l’intellectualisme, l’abus des formules, les excès du dogmatisme.
[Si nous n’avons pas traité ce point en parlant de la théologie du Réveil, c’est parce que nous ne pouvons que nous borner à des indications générales, et cela pour deux raisons : d’abord, Vinet, sauf dans une ou deux occasions, « a toujours présenté sa pensée sous sa forme positive, sans lui opposer la critique ou la négation des opinions contraires… Il nous a été enlevé avant qu’éclatât la crise théologique provoquée par la fameuse lettre d’Edmond Scherer sur l’inspiration et par la fondation de la Revue de théologie de Strasbourg. S’il avait vécu encore quelques années, il aurait bien fallu qu’il s’expliquât publiquement sur les sujets débattus avec tant de passion » (de Pressensé, Alexandre Vinet, p. 222, 223).
En second lieu, il est assez difficile de saisir la vraie théologie de Vinet à travers les modifications que subit sa pensée. Les critiques les plus autorisés ne sont eux-mêmes pas d’accord : M. Chavannes admet que « Vinet a toujours gardé dans sa conception religieuse une irréductible dualité : d’une part, le dogmatisme du Réveil dans sa substance, et, de l’autre, un moralisme mystique qui fait le mérite de son apologétique » (de Pressensé, ibid., p. 235, note). — M. Astié distingue trois périodes dans le développement théologique de Vinet : dans la première, « il se montre hostile au Réveil ; pendant la seconde, il est séduit, fasciné par lui ; dans la troisième, il devient l’initiateur d’une nouvelle théologie » (Encyclopédie des sciences religieuses, art. Vinet). — Enfin, M. de Pressensé dit qu’il faut renoncer à « toute tentative de nous donner un Vinet orthodoxe au sens ancien. » Dès le début, il aurait été opposé à l’orthodoxie du l’éveil, moins complètement, mais tout aussi réellement qu’à la fin de sa carrière. (De Pressensé, Alexandre Vinet, p. 224 et suiv.)
Sans vouloir entrer dans la discussion de ces opinions, nous ferons simplement remarquer que la page que nous citons plus loin au sujet de la divinité de Jésus-Christ appartient à la dernière partie de la vie de Vinet, à l’époque où il était parvenu au terme de son évolution : c’est son dernier article théologique.]
Assurément l’individualisme théologique du penseur vaudois ne devait pas s’accommoder de l’exagération du principe d’autorité extérieure ; sa méthode d’apologétique morale ne pouvait que contredire un système qui aurait envisagé le salut comme accompli, créé de toutes pièces sans nous et en dehors de nous, qui aurait méconnu la corrélation fondamentale entre les besoins de notre âme et la bonne nouvelle de l’Évangile, qui aurait donné peu de place à la sanctification et au progrès moral de l’individu. Aussi l’avons-nous vu s’élever vivement contre l’antinomianisme qu’il appelle « une des faiblesses du Réveil. »
[On peut remarquer qu’avant Vinet, Diodati avait revendiqué les droits de l’individualisme théologique, dans son Essai sur le christianisme envisagé dans ses rapports avec la perfectibilité de l’être moral (1830) et dans son ouvrage intitulé : De l’individualisme religieux. Voir l’article Individualisme de l’Encyclopédie des sciences religieuses.]
De même, il combattit la théopneustie, et approuva la critique que M. Frédéric Chavannes avait faite du livre de Gaussenf.
f – Voir de Pressensé, Alexandre Vinet, p. 243.
En réalité, ce que Vinet a combattu dans le Réveil, ce sont ces exagérations que les hommes du Réveil en général ont été loin d’admettre eux-mêmes.
Mais si l’on considère le fond des doctrines, ce qui est véritablement l’essentiel, est-il vrai qu’il y ait entre Vinet et le Réveil un tel désaccord ?
Vinet a insisté sur l’autorité de la conscience, sur la nécessité du témoignage intérieur du Saint-Esprit. Qui a mis en lumière cet aspect de la vérité plus vigoureusement que Merle d’Aubigné dans son discours sur l’autorité des Écritures, où il s’écriait : « Le christianisme est un fait, une vérité, une vie, une expérience ? »
Vinet a insisté sur la vie de Jésus et lui a accordé une place réelle dans l’histoire de la rédemption. Guers et Gaussen eux-mêmes n’en ont-ils pas fait autant ?
Vinet a insisté sur la prédication unique de Christ, sur l’attrait qu’exercent sa personne et son œuvre sur un cœur non prévenu. Félix Neff, Pyt, Bost, n’ont-ils pas fait de Christ crucifié le sujet capital de leurs prédications et de leurs appels ?
Et d’autre part, Vinet n’a-t-il pas cru, prêché, répandu des doctrines que le Réveil prêchait et répandait de son côté ? Si le professeur de Lausanne insistait volontiers sur l’humanité de Jésus-Christ, ce n’est point à dire qu’il voilât sa divinité. « Dieu lui-même, dit-il, se fait solidaire de l’homme. Dieu descend dans l’humanité et s’identifie avec elle ; c’est lui-même qui est la victime ; c’est Dieu lui-même qui se fait homme ou, pour mieux dire encore, qui devient l’homme même, afin de pouvoir porter le fardeau de l’homme. Il prend ses mesures pour pouvoir, lui, le Dieu bienheureux, souffrir et mourir comme un homme, mystiquement, mais réellement ; c’est lui qui sue du sang à Gethsémané, lui qui est flagellé au prétoire, lui qui, sur la croix, rend le dernier soupir.
Dieu était en Jésus-Christ, réconciliant le monde avec lui. Que Dieu ne soit plus en Jésus-Christ personnellement, substantiellement, l’intelligence de la croix nous échappe, et l’édification, peut-être, fait place au scandale. Mais un Dieu qui est amour m’explique un Dieu qui meurt, et un Dieu qui meurt est le seul Dieu auquel l’humanité puisse croire. Elle n’en veut point d’autre, elle n’en aura point d’autre.
Nous le sentons, ce mystère de plus, bien loin de nous mettre à l’étroit, nous met au large, et plût à Dieu qu’il ait la foi de notre cœur au même degré qu’il a l’adhésion de notre entendementg. » Malan et Gaussen ont-ils jamais été plus affirmatifs sur ce dogme, qui est le dogme fondamental du Réveil ?
g – Dernier article de théologie de Vinet, cité par E. Doumergue, L’autorité en matière de foi, p. 225.
S’agit-il du sacrifice de la croix considéré comme, la conciliation suprême de l’amour et de la justice !
« Vinet est conduit, dit M. Astié, sur les traces de toute la dogmatique officielle, à voir, dans le sacrifice du Sauveur, à la fois une manifestation de justice et d’amour. « Dieu, dit-il, voulant faire fleurir dans nos cœurs le véritable amour, qui est l’avant-goût et le gage de la vie éternelle, a commencé par nous parler de justice ; il en a réveillé l’idée dans notre esprit avec le sentiment de nos injustices ; il a, par les injonctions et les menaces de la loi, refait l’éducation de notre conscience ; il a fait éclater dans les souffrances imméritées et volontaires de son Fils l’inviolabilité de l’ordre moral ; et c’est tout pénétrés de ces idées que nous avons été conduits vers la grâce qui, elle-même, comme grâce, est une consécration de la loi ; et c’est au pied de cette même croix, qui nous enseigne la justice, que nous avons appris ce que doit être l’amour, car n’est-ce pas de là que retentit dans nos cœurs cette parole sacrée : « La charité de Christ nous étreint, tenant ceci pour certain que, si un est mort pour tous, tous aussi sont morts, et qu’il est mort pour tous, afin que ceux qui vivent ne vivent plus pour eux-mêmes ? » Ainsi c’est dans le sol de la justice que la charité a germé, et c’est dans ce sol qu’elle puisera éternellement la sève qui monte à ses rameaux et les couvre de fleurs et de fruitsh. »
h – Astié, Les deux théologies nouvelles, p. 276.
S’agit-il de l’œuvre de la grâce en nous ? Vinet proclame que « la repentance elle-même est une grâce, car tout est grâce. »
« On citerait difficilement, dit M. Astié, un écrivain français de nos jours dont la théologie fût plus d’accord que la sienne avec les symboles de l’Église réformée dans ce qu’ils ont d’essentiel et de fondamental. Il n’y a d’exception à faire que pour un seul dogme, qui n’est pas capital, quoi qu’on en puisse dire : il s’agit de tout ce qui se rattache à la doctrine de l’électioni. »
i – Astié, Les deux théologies nouvelles, p. 279.
Or, nous avons vu ce que nombre d’hommes du Réveil eux-mêmes pensaient de ce dogme.
Il faut donc renoncer à mettre Vinet en contradiction avec la vraie théologie du Réveil. Ce qu’il a repoussé, ce sont ces systèmes particuliers qu’on n’est en droit d’attribuer qu’à leurs auteurs, et qui parfois ont plutôt entravé l’œuvre du Réveil qu’ils n’ont hâté son développement.
A ce point de vue, on ne peut que se féliciter de l’apparition des idées de Vinet. Elles ont complété la théologie du Réveil ; elles ne l’ont pas contreditej.
j – Voir, sur cet accord de la théologie de Vinet et de celle du Réveil : Pozzy, Histoire du dogme de la Rédemption, p. 128 et suiv., p. 211.