Nous voudrions examiner d’abord ce que fit et enseigna le Seigneur Jésus à l’égard du sabbat, tel qu’il le trouva pratiqué par ses compatriotes, comment ensuite il jeta les fondements de l’institution du dimanche, puis comment cette institution s’éleva progressivement dans la période apostolique et immédiatement après.
Le Seigneur, qui voulait accomplir la Loi et « toute justice » (Galates 4.4 ; Matthieu 3.15), observa lui-même le sabbat, dont il appréciait pleinement le bienfait. Il avait coutume non seulement d’assister en ce jour au culte de la synagogue, mais encore d’y prendre une part active, ce qu’il pouvait facilement grâce aux principes très larges de ce culte (Luc 4.16-28 ; Marc 1.21 ; 6.2 ; Luc 6.6 ; 13.10). Dans le premier de ces passages, du plus haut intérêt, il est dit d’abord vers. 16 : « Il se rendit à Nazareth, où il avait été élevé, et, selon sa coutume, il entra dans la synagogue le jour du sabbat. » Ce devait être peu après le commencement de son ministère messianique en Galilée et l’emprisonnement de Jean-Baptiste (Marc 4.12-13 ; 1.14). Selon sa coutume, c’est-à-dire, semble-t-il, non pas seulement depuis son baptême, mais dès le temps de sa jeunesse passée à Nazareth. Nous le voyons ensuite se lever pour faire la lecture, on lui remet le rouleau d’Esaïe et, l’ayant déroulé, il lit Ésaïe 61.1-2 : « Ensuite il roula le livre, le remit au serviteur et s’assit. Tous ceux qui se trouvaient dans la synagogue, avaient les yeux fixés sur lui. Alors il commença à leur dire : Aujourd’hui cette parole de l’Écriture que vous venez d’entendre est accomplie. »
Peu de jours avant sa mort, le Seigneur dit à ses disciples (Matthieu 24.20), en leur annonçant la ruine de Jérusalem et en leur commandant de la quitter en toute hâte à l’approche des aigles romaines : « Priez que votre fuite n’arrive pas en hiver ni en un jour de sabbata. » Il prévoyait donc que les chrétiens de Jérusalem célébreraient encore le sabbat et même plus ou moins le sabbat pharisaïque. Toutefois, comme l’observe Meyer, « ce μηδέ σαββάτῳ n’est point en contradiction avec les idées libérales de Jésus lui-même sur le sabbat (Matthieu 12.1 ; Jean 5.17 ; 7.22) ; car Jésus parlait alors au point de vue de ses disciples, avant leur développement postérieur (Romains 14.5 ; Colossiens 2.16). »
a – Vers. 15-21. Cp. Marc 13.14-19 ; Luc 21.20-24. Dans Marc 13.18, il y a seulement : en hiver.
Il s’en faut, en effet, de beaucoup que le Seigneur ait par sa conduite et son enseignement simplement adhéré au sabbat tel qu’il était alors pratiqué. Au nom même du sabbat mosaïque bien compris, il s’opposa très énergiquement en actes et en paroles au sabbat pharisaïque dans le sens strict du mot, et ce fut même un des principaux motifs pour lesquels les pharisiens ne tardèrent pas à conspirer sa mort. En outre, il fit clairement entendre qu’il était au-dessus du sabbat mosaïque lui-même, qu’il en était le maître et pouvait en conséquence le modifier à son gré. Cette double thèse ressortira facilement de l’examen de quelques textes des Évangiles.
Le premier miracle que le Seigneur fut conduit à faire un jour de sabbat ne souleva nulle opposition. S’il y avait là des pharisiens, ils durent être stupéfaits comme tous les autres. C’était au début du ministère galiléen, très peu après la guérison racontée Jean 4.43-54 et peu avant la visite du Seigneur à Nazareth, dont nous avons parlé. Il enseignait dans une synagogue de Capernaüm (Marc 1.21-28 ; cp. Luc 4.31-37).
Tous ceux qui l’entendaient « étaient stupéfaits de son enseignement, car il les enseignait comme ayant autorité et non pas comme les scribes ». Et comme un des assistants qui « avait un esprit impur, » venait de s’écrier : « Qu’y a-t-il entre nous et toi, Jésus de Nazareth ? Tu es venu pour nous perdre. Je sais qui tu es, le Saint de Dieu ! Tais-toi et sors de cet homme, » dit Jésus, en réprimandant l’esprit impur ; et celui-ci, après avoir jeté le possédé dans de violentes convulsions, sortit de lui. « Tous furent dans l’épouvante, de sorte qu’ils se demandaient les uns aux autres : Qu’est-ce que ceci ? Une nouvelle doctrine avec autorité ! Il commande même aux esprits impurs, et ils lui obéissent ! Et sa renommée se répandit aussitôt dans tous les lieux environnants de la Galilée. »
[v. 22. ἐξεπλήσσοντο ἐπὶ τῇ διδαχῇ αὐτοῦ. Segond : frappés de sa doctrine. J’ai traduit comme Rilliet. — On peut aussi traduire ὡς ἐξουσίαν ἔχων par : avec puissance, comme le font Meyer, Bleek, Klostermann, Grimm. Le mot ἐξουσία a les deux sens. V. 25, ἑπετίμησε Segond : le menaça, en disant. — V. 27, ἑϑαμβήϑησαν, Segond : furent saisis de stupeur. J’ai traduit comme Rilliet. — Ou : un enseignement nouveau avec puissance ! ἡ διδαχὴ ἡ καινὴ αὕτη, ὅτι κατ’ ἐξουσίαν.]
Quelque temps après, Jésus avait déjà scandalisé les pharisiens, soit en s’attribuant le pouvoir de pardonner les péchés, soit en faisant bon accueil aux publicains et aux gens de mauvaise vie, soit en laissant ses disciples ne pas jeûner comme les pharisiens et les disciples du Précurseur (Marc 2.3-22 ; Luc 5.17-39 ; Matthieu 9.1-17). Un jour de sabbat, il traversait des champs de blé, lorsque ses disciples arrachèrent quelques épis pour apaiser leur faim (Marc 2.23-28 ; Luc 6.1-4). Des pharisiens demandèrent aussitôt au Seigneur pourquoi ses disciples violaient ainsi le sabbat, et il leur répondit : « N’avez-vous jamais lu ce que fit David, lorsqu’il fut dans la nécessité et qu’il eut faim, lui et ceux qui étaient avec lui, comment il entra dans la maison de Dieu du temps du grand-prêtre Abiathar et mangea les pains de proposition, qu’il n’est permis qu’aux prêtres de manger, et en donna même à ceux qui étaient avec lui ? » Le Seigneur montrait par là que les prescriptions légales n’étaient pas tellement strictes qu’elles ne pussent admettre aucune exception, puisqu’elles avaient été violées par le pieux David se trouvant dans la détresse avec ses compagnons. D’après Matthieu 12.5, le Seigneur ajouta : « Ou n’avez-vous pas lu que les jours de sabbat, les prêtres violent le sabbat dans le Temple (en offrant les sacrifices du jour Nombres 28.9-10), sans se rendre coupables ? Or je vous le dis, il y a ici quelque chose de plus grand que le temple. Si vous saviez ce que signifie : Je prends plaisir à la miséricorde et non aux sacrifices (Osée 6.6), vous n’auriez pas condamné des innocents. » Le Seigneur alléguait ainsi un nouvel exemple, tiré de la liberté avec laquelle les prêtres mêmes observaient la Loi selon ses propres prescriptions. Mais cet exemple, qui se rapportait directement au sabbat, avait encore une autre portée. Les scribes justifiaient cette violation accoutumée du sabbat, en expliquant que le Sanctuaire est supérieur au sabbat, qu’il le domine et en tient lieu, qu’il n’y a point de sabbat dans le Sanctuaire. Or le Seigneur ne craint pas de s’appliquer ce même principe pour défendre ses disciples, et il prononce cette étonnante parole : Or je vous le dis, il y a ici quelque chose de plus grand que le Temple. Puis il rappelle une déclaration de l’Éternel réclamant de ses adorateurs la miséricorde et la charité fraternelle plutôt que des actes cérémoniaux, tels que les sacrifices. Si les pharisiens s’en étaient souvenus, ils n’auraient point condamné les disciples. — D’après Marc (v. 27), le Seigneur émit ensuite cette parole si lumineuse et si importante dans toute sa simplicité : Le sabbat a été fait pour l’homme, et non l’homme pour le sabbat ; puis il revint encore (v. 28) sur ses propres rapports avec le sabbat, en prononçant cette troisième grande parole, prophétique au plus haut degré : de sorte que le Fils de l’homme est maître même du sabbat. Jésus, en se désignant, ici et ailleurs, comme le Fils de l’homme, ne se désignait pas simplement comme homme, ni même comme homme parfait, mais comme Messie, comme homme revêtu de la gloire divine.
[Selon nous, c’est à Daniel 7.13-14 que se rattache, tout au moins principalement, cette expression que Jésus s’appliqua si souvent. Elle le désigne avant tout comme Messie, comme le Roi du royaume éternel et universel qui devait succéder aux 4 monarchies essentiellement humaines signalées par Daniel, et qui apparut au prophète comme un fils de l’homme venant sur les nuées du ciel, c’est-à-dire entouré d’une gloire divine.]
Evidemment, dans ces paroles du Seigneur, il ne s’agit pas seulement du sabbat pharisaïque, mais du sabbat mosaïque tout au moins. Et en effet dans Marc 2.27, où la forme est si générale et si simplement humaine, c’est le sabbat primitif qui semble lui-même visé. Dès lors il doit tomber, lui aussi, sous le coup du mot final : Le Fils de l’homme est maître du sabbat, et ce mot acquiert ainsi toute son incomparable grandeur.
Peu de temps après, en un autre sabbat, Jésus était de nouveau dans la synagogue de Capernaüm. Il y trouva un homme qui « avait la main sèche », et les pharisiens observaient Jésus pour voir ce qu’il ferait. « Mais Jésus connaissait leurs pensées (Luc 6.8), et il dit à l’homme qui avait la main sèche : Lève-toi, là au milieu. Puis il leur dit : Est-il permis, le jour du sabbat, de faire du bien ou de faire du mal, de sauver une personne ou de la tuer ? » La question ainsi posée aurait pu susciter une réplique raisonnable de la part des pharisiens, leur suggérer la réserve d’un cas extrême, d’une alternative de vie ou de mort. Mais le terrain était dangereux ; les pharisiens, n’osant s’y aventurer, « gardèrent le silence. Alors, promenant ses regards sur eux avec indignation, et en même temps affligé de l’endurcissement de leur cœur, il dit à l’homme : Etends ta main. Il l’étendit et sa main fut guérie. Les pharisiens sortirent et aussitôt ils se consultèrent avec les Hérodiens sur les moyens de le faire périr, » tandis que Jésus, suivi d’une grande multitude, se retirait avec ses disciples sur les bords du lac de Génésareth. La soudaine interpellation d’un démoniaque avait appelé Jésus à faire sa première guérison sabbatique, ici le Seigneur est en présence de l’hostilité des pharisiens. Il se défend en prenant en quelque sorte l’offensive. C’est lui qui va au-devant du malade, il le fait se lever, se tenir au milieu de l’assemblée, mais il interroge lui-même les pharisiens sur ce qu’il est permis ou non de faire le jour de sabbat, et, sur leur silence de mauvais aloi, il opère la guérison.
Jean ch. 5 nous mène un peu plus loin dans la vie du Seigneur. Il est à Jérusalem pour une « fête des Juifs », qui paraît avoir été celle de Purim (février-mars). Il guérit à la piscine de Béthesda un homme malade depuis 38 ans, en disant : « Lève-toi, prends ton lit et marche. Aussitôt cet homme fut guéri et marcha. v. 10) C’était un jour de sabbat. Les Juifs dirent donc à celui qui avait été guéri : C’est le sabbat ; il ne t’est pas permis d’emporter ton lit. Il leur répondit : Celui qui m’a guéri, m’a dit : Prends ton lit et marche. Ils lui demandèrent » qui c’était. Mais l’ancien malade ne le savait pas, « car Jésus avait disparu de la foule… Depuis, Jésus le trouva dans le temple et lui dit : voici tu as été guéri ; ne pèche plus… Cet homme s’en alla et annonça aux Juifs que c’était Jésus qui l’avait guéri. C’est pourquoi les Juifs poursuivaient Jésus, parce qu’il faisait ces œuvres le jour du sabbatb. Mais Jésus répondit : Mon Père continue d’agir en ce moment même, et moi j’agis aussi. A cause de cela, les Juifs cherchaient encore plus à le faire mourir, non seulement parce qu’il violait le sabbat, mais encore parce qu’il appelait Dieu son propre père, se faisant lui-même égal à Dieu. Jusqu’ici, dans cette nouvelle discussion sur le sabbat, Jésus, pour justifier sa conduite, n’avait fait que relever, dans le v. 17, son rapport tout unique avec le Père céleste, comme il l’avait déjà fait, d’après Matthieu 12.5-6 ; Marc 2.28 et parallèles. Mais il ne s’en tint pas là dans ce qu’il dit quelques mois après sur cette même guérison de Béthesda.
b – « L’imparfait ἐποίει, il faisait, exprime malignement que la violation du sabbat est passée chez lui à l’état de principe ; il est coutumier du fait, » Godet.
Après la fête de Purim, il avait regagné la Galilée et il s’y trouvait lors de la seconde Pâque de son ministère (Jean 6.4) ; mais revenu incognito à Jérusalem pour la fête des Tabernacles, il y fit bientôt reconnaître sa présence. Vers le milieu de la fête, il fut conduit à dire aux Juifs (Jean 7.18) : « Celui qui parle de son chef cherche sa propre gloire, mais celui qui cherche la gloire de celui qui l’a envoyé, celui-là est vrai et il n’y a point d’injustice en lui… Moïse ne vous a-t-il pas donné la loi ? Et nul de vous n’observe la loic. Pourquoi cherchez-vous à me faire mourir ? J’ai fait une œuvre et vous en êtes tous étonnés. Moïse vous a donné la circoncision, — non qu’elle vienne de Moïse, car elle vient des patriarches, — et vous circoncisez un homme le jour du sabbat. Si un homme reçoit la circoncision le jour du sabbat, afin que la loi de Moïse ne soit pas violée (Genèse 17.12 ; Lévitique 12.3), pourquoi vous irritez-vous contre moi de ce que j’ai guéri un homme tout entier le jour du sabbat ? Ne jugez pas selon l’apparence, mais jugez selon la justice. » Ici le Seigneur ne combat que l’observation pharisaïque. D’une part, il rappelle aux Juifs qu’eux-mêmes, par respect pour la Loi, circoncisaient leurs enfants le jour du sabbat, si c’était le huitième jour après la naissance, et il en conclut que lui aussi ne violait pas la Loi en guérissant un homme ce même jour. D’autre part, il formule cette règle aussi éminemment morale que contraire à tout formalisme légal : Ne jugez pas selon l’apparence, mais jugez selon la justice.
c – Comme le remarque Godet, Jésus, en disant cela, semble avoir spécialement en vue les violations apparentes du sabbat que les Juifs commettaient eux-mêmes par obéissance à la Loi.
Peu après, les chefs des prêtres et les pharisiens, voyant les bonnes dispositions de la foule pour le Seigneur, envoyèrent des huissiers pour le saisir, mais ceux-ci revinrent sans avoir osé le faire, et Jésus resta quelques jours encore à Jérusalem après la fête des Tabernacles. Il venait d’échapper à la lapidation en se cachant (Jean 8.59), quand il guérit un aveugle de naissance, après avoir fait de la boue avec sa salive, lui avoir appliqué cette boue sur les yeux et lui avoir enjoint d’aller se laver au réservoir de Siloé (Jean 9.6). « Or c’était un jour de sabbat que Jésus avait fait de la boue et lui avait ouvert les yeux. A leur tour les pharisiens aussi lui demandèrent comment il avait recouvré la vue. Et il leur dit : Il a appliqué de la boue sur mes yeux, je me suis lavé et je vois. Sur quoi les pharisiens dirent : Cet homme ne vient pas de Dieu, car il n’observe pas le sabbat. D’autres dirent : Comment un homme pécheur peut-il faire de tels miracles ? Et il y eut une division parmi eux. » « Les mots : Il avait fait de la boue, dit M. Godet, sont finement ajoutés (v. 14) pour faire ressortir dans le miracle le travail antisabbatique. Renan dit de Jésus : « Il violait ouvertement le sabbat. » Nous avons déjà fait voir qu’il n’en est rien ; dans ce cas, comme dans celui du ch. 5, Jésus avait foulé aux pieds non le sabbat mosaïque, mais sa caricature pharisaïque. » Nous retrouvons Jésus à Jérusalem en décembre, lors de la fête de la Dédicace, « et les Juifs prirent de nouveau des pierres pour le lapider (Jean 10.13). Jésus leur dit ; Je vous ai fait voir plusieurs bonnes œuvres venant de mon Père : pour laquelle me lapidez-vous ? Les Juifs lui répondirent : Ce n’est pas pour une bonne œuvre que nous te lapidons, mais pour un blasphème, et parce que toi, qui es un homme, tu te fais Dieu. Jésus leur répondit… : Si je ne fais pas les œuvres de mon Père, ne me croyez pas. Mais si je les fais, quand même vous ne me croiriez point, croyez à ces œuvres, afin que vous reconnaissiez que le Père est en moi et que je suis dans le Père. Là-dessus, ils cherchèrent à le saisir ; mais il s’échappa de leurs mains. » Ces versets montrent encore le rôle considérable que les deux miracles sabbatiques accomplis par Jésus à Jérusalem jouèrent dans l’hostilité dont il y fut toujours plus l’objet. Ce qui s’était préparé sur les bords du lac de Génésareth devait se consommer dans la cité qui tuait les prophètes.
Les deux autres fragments de nos Évangiles où il est encore question de la conduite du Seigneur au sujet du sabbat, sont deux nouveaux récits de guérisons miraculeuses, et on y retrouve surtout l’énergique protestation du Seigneur contre le sabbat pharisaïque. Ces deux récits de Luc, Luc 13.10-17 ; 14.1-6, lui appartiennent exclusivement et font partie de la section comprise entre Luc 9.51 et Luc 18.15, qui a peu de parallèles dans les autres Évangiles et se rapporte aux 6 à 7 mois qui s’écoulèrent entre la fête des Tabernacles, dont il est parlé Jean 7.1 à Jean 10.21, et la fête de Pâques dans laquelle le Seigneur fut mis à mort. On y voit Jésus revenir de la Galilée et se rapprocher lentement, et en évangélisant, de Jérusalem. Nous pensons aussi, comme Godet que la visite faite par Jésus à Marthe et Marie (Luc 10.38-42) correspond au court séjour qu’il fit en Judée lors de la fête de la Dédicace, pendant que les soixante-dix disciples exécutaient leur mission préparatoire (Luc ch. 9).
Luc 13.10 : « Jésus enseignait dans une des synagogues le jour du sabbat. Et voici il y avait là une femme possédée d’un esprit qui la rendait infirme depuis dix-huit ans ; elle était courbée et ne pouvait aucunement se redresser. Lorsqu’il la vit, Jésus lui adressa la parole et lui dit : Femme, tu es délivrée de ton infirmité. Et il lui imposa les mains. A l’instant elle se redressa et glorifia Dieu. Mais le chef de la synagogue, indigné de ce que Jésus avait opéré cette guérison un jour de sabbat, dit à la foule : Il y a six jours pour travailler ; venez donc vous faire guérir ces jours-là, et non pas le jour du sabbat. Hypocrites, lui répondit le Seigneur, est-ce que chacun de vous, le jour du sabbat, ne détache pas de la crèche son bœuf ou son âne, pour le mener boire ? Et cette femme, qui est une fille d’Abraham et que Satan tenait liée depuis dix-huit ans, ne fallait-il pas la délier de cette chaîne le jour du sabbat ? Tandis qu’il parlait ainsi, tous ses adversaires étaient confus, et la foule se réjouissait de toutes les choses merveilleuses qu’il faisait. »
La guérison racontée dans le second fragment (Luc 14.1-6), est opérée dans la maison d’un des chefs des pharisiens, où Jésus avait été invité à un nombreux banquet de sabbat. Le ton du récit et les paroles de Jésus pendant le repas (v. 7-24), montrent qu’il n’était point alors en face d’une opposition proprement hostile : « Jésus étant entré un jour de sabbat dans la maison d’un des chefs des pharisiens, pour prendre un repas, les pharisiens l’observaient. Et voici, un homme hydropique était devant lui. Jésus prit la parole et dit aux docteurs de la Loi et aux pharisiens : Est-il permis, ou non, de faire une guérison le jour du sabbat ? Ils gardèrent le silence. Alors Jésus avança la main vers cet homme, le guérit et le renvoya. Puis il leur dit : Lequel de vous, si son fils ou son bœuf tombe dans un puits, ne l’en retirera pas aussitôt le jour du sabbatd ? Et ils ne purent rien répondre à cela. »
d – Cette parole a beaucoup de rapport avec celle de Matthieu 12.11, à propos de la guérison de l’homme à la main sèche ; mais elles ne sont point identiques et elles ont très bien pu être prononcées toutes les deux.
En résumé, 1° le Seigneur avait lui-même fidèlement observé le sabbat mosaïque. 2° Il avait énergiquement protesté contre le sabbat pharisaïque. 3° Il avait fait entendre qu’il était lui-même supérieur au Temple de Jérusalem et que le service de sa personne avait, en conséquence, plus encore que celui du Sanctuaire, le droit de suspendre l’observation du sabbat mosaïque. 4° Il s’était déclaré, comme Fils de l’homme, maître même du sabbat en général. 5° Sa conduite et ses paroles au sujet du sabbat furent une des causes principales de l’hostilité qui finit par le crucifier, mais, par cela même, elles rentrent à un haut degré dans le témoignage qu’il rendit à la vérité et scella de son sang
Joignons à ces conclusions une remarque d’Orelli, qui du reste peut être rattachée à la protestation du Seigneur contre le sabbat pharisaïque. Jésus, loin de porter atteinte aux deux motifs attribués à l’institution du sabbat dans le Décalogue suivant l’Exode et le Deutéronome : le service de Dieu d’après l’exemple donné par lui-même (Exode 20.11) et le bien du prochain (Deutéronome 5.14-15), fut au contraire le premier à les faire valoir. On pourrait citer au sujet du premier motif surtout la parole de Jean 5.17 et d’Orelli cite pour le second les guérisons opérées par le Seigneur au jour du sabbat. En d’autres termes, le Seigneur a montré au plus haut degré que le sabbat devait être observé d’une manière, non purement négative, mais essentiellement positive, qu’il ne devait pas être pratiqué pour lui-même, mais comme un moyen de servir Dieu et de faire du bien aux hommes.