Auguste, le fondateur de votre empire, ne permettait pas même qu’on le nommât seigneur : c’est le privilège de la divinité. Je consentirais cependant à lui déférer ce titre, pourvu que ce ne soit pas dans le même sens que je le donne à Dieu. Je ne suis point l’esclave de César. Mon unique seigneur, c’est le Dieu tout-puissant, le Dieu éternel, le maître de César, comme le mien. D’ailleurs, il est le père de la patrie ; comment en serait-il le seigneur ? Un nom qui respire la bonté et l’amour n’est-il pas préférable à un nom qui ne rappelle que des idées de puissance ? Voyez les chefs de famille ! ils en sont appelés les pères plutôt que les seigneurs. Le nom de dieu convient bien moins encore à l’empereur. Ce n’est qu’à la plus honteuse comme à la plus funeste flatterie qu’il appartient de le lui décerner. Tandis que vous avez un empereur, irez-vous saluer de ce titre quelqu’un de ses sujets ? Par ce sanglant et impardonnable outrage, n’attireriez-vous pas la vengeance de l’empereur sur votre tête, peut-être même sur la tête de celui que vous auriez honoré de ce nom ? Commencez par respecter la divinité, si vous voulez ménager à l’empereur sa protection ! Cessez d’appeler dieu celui qui ne peut se passer de Dieu ! Si cette basse et sacrilège adulation ne rougit pas de son imposture, qu’elle redoute les sinistres présages : c’est conspirer contre la vie de César que de le consacrer dieu avant son apothéose.