Le chapitre 13 donne un aperçu des districts qu’il restait encore à conquérir, et Josué parle à plus d’une reprise de la conquête qu’il s’agit d’achever. Il assigne à certaines tribus des territoires entiers qui étaient encore au pouvoir des Cananéens. Mais le pays en bloc pouvait être considéré comme conquis ; la puissance des Cananéens était brisée (Josué 11.10-23 ; 12.7 ; 21.41 ; 22.4). Il n’y a point là de contradiction, ainsi qu’on l’a prétendu. — La seconde partie du livre de Josué est d’une grande importance pour la géographie biblique. Quand on se donne la peine de comparer avec tel de ces chapitres les chapitres correspondants du Ier livre des Chroniques, comme 1 Chroniques 4.28-32 ; 6.39-66, on est obligé de reconnaître que plus tard, dans le temps où la critique négative place la composition du livre de Josué, il aurait été bien difficile, pour ne pas dire impossible, de présenter ces renseignements sous la forme où ils nous sont donnés dans le livre de Josué.
Mais, pour en revenir au partage du pays, on peut conclure de Josué 14.10, qu’il eut lieu sept ans après le passage du Jourdain. Ce furent Eléazar et Josué, avec les chefs des tribus, qui présidèrent à cette importante opération. On commença par les tribus les plus puissantes. Juda reçut le Midi ; Joseph, ou plutôt Ephraïm et la deuxième moitié de Manassé, occupaient le centre. Mais il paraît qu’il se commit quelque erreur ou que les mesures furent mal prises, car lorsqu’il s’agit un peu plus tard d’assigner un territoire aux sept autres tribus, trois d’entre elles, à savoir Benjamin, Dan et Siméon, durent être placées dans la partie du pays qui avait déjà été partagée.
Le Tabernacle fut transporté de Guilgal à Sçilo, où il demeura jusque vers la fin du temps des Juges. Sçilo (Josué 18.1) était un endroit assez central, dans la tribu d’Ephraïm, qui était celle de Josué. Le partage fut fort détailléa. On ne se contenta pas d’assigner aux tribus leurs territoires respectifs ; dans l’intérieur de chaque tribu on détermina les lieux que devaient occuper les diverses familles. De là l’expression « selon leurs familles » qui revient souvent dans Josué ch. 18. Les endroits importants qui étaient les chefs-lieux des diverses familles furent nommés des milliers (Michée 5.1), et plus tard ces villes figurent dans les généalogies comme des personnes ; ainsi, par exemple, 1 Chroniques 2.42 et sq. C’est ainsi que la vie de famille et l’esprit cantonal purent demeurer longtemps à la base de la vie civile et nationale des Israélites. Sans doute, aussi longtemps qu’il n’y eut pas en Israël de fort pouvoir central et que chacun fit ce qu’il lui semblait bon, l’égoïsme et l’esprit particulariste eurent beau jeu, et le bien général du pays fut en souffrance ; mais d’autre part la piété put de cette façon se conserver plus intacte dans certaines famillesb.
a – Pour rendre possibles ces opérations assez compliquées, on dressa une sorte de carte du pays. Ritter a raison de rappeler ici que les Israélites sortaient de l’Egypte, d’un pays où les inondations du Nil avaient développé de fort bonne heure la géométrie.
b – Certaines vocations se transmirent ainsi facilement de père en fils. Il se forma même des sortes de confréries (1 Chroniques 4.14, 21, 23). Voyez encore 1 Chroniques 2.55. Jérôme a supposé également que les noms du v. 53 étaient des adjectifs indiquant un métier quelconque plutôt que des noms propres.
Voilà donc le peuple d’Israël établi dans ce pays que la Bible appelle un bon pays (Exode 3.8 ; Deutéronome 3.25 ; 8.7-9) ; l’ornement de toute la terre, le pays de la gloire (Exode 20.6 ; Jérémie 3.19 ; Daniel 8.9 ; 11.16). C’est là que maintenant, dans une tranquille et sûre retraite (Nombres 23.9 ; Deutéronome 33.28 ; Michée 7.14), le peuple élu, voué à cette vie des champs qui est si moralisante par suite du travail continu qu’elle exige, doit grandir et s’apprêter à répondre un jour à ce que son Dieu attend de lui. Il ne doit pas se mêler aux autres peuples (Lévitique 20.24-26) ; mais l’observation de cette défense lui est facilitée par la situation géographique du pays : au Sud et à l’Est, un grand désert, au Nord, de hautes montagnes, à l’Ouest, une côte sans bons ports. Isolement d’autant plus remarquable que, d’un autre côté, la Terre sainte est au centre de l’ancien monde et que près d’elle passent les grandes routes des caravanesc, en sorte qu’à un moment donné il sera facile aux Israélites de répondre à leur destinée théocratique et de porter le salut au bout du monde (Ézéchiel 5.5). C’est bien là le pays d’où doit sortir la religion universelle. Mais aussi, si le peuple est infidèle, Dieu aura sous la main bien des voisins pour le châtier. Si Israël ne veut pas être un instrument de salut pour les nations, les nations seront pour lui un instrument de châtiment. « Quels contrastes dans la situation de ce pays, » s’écrie Ritter dans son grand ouvrage sur la Terre (15.1, page 41). « Où trouver un aussi complet isolement ? Où trouver en même temps d’aussi grandes facilités pour communiquer par terre et par mer avec tant de contrées importantes : l’Arabie, l’Inde, l’Egypte, la Syrie, l’Arménie, la Grèce, le monde Romain ? C’est là un des caractères les plus remarquables de cette Terre sainte qui avait de tout temps été destinée à devenir la patrie du peuple élu. Quand on sait ce que Dieu attendait de ce peuple, on ne peut pas se le représenter ailleurs que là où Dieu l’a placé. »
c – Une de ces grandes voies de communication arrivait de l’Asie intérieure sur Damas et continuait vers la mer Méditerranée. Une autre conduisait par le sud de la Terre-Sainte d’Idumée en Egypte.
Deux des promesses faites aux patriarches sont accomplies : le peuple est établi dans la Terre promise, il est arrivé au lieu de son repos ; et il est devenu nombreux comme les étoiles des cieux (Deutéronome 10.22). Mais point encore de domination sur les nations voisines (Genèse 27.29 ; 49.10), et la postérité d’Abraham n’est point encore en bénédiction aux gentils ! Au lieu de cela, une nouvelle période va commencer dans l’histoire des Israélites, période de plusieurs ; siècles, pendant laquelle ils auront à combattre pour leur existence. Ces restes trop nombreux de Cananéens, qui n’ont été que déplacés par la conquête, ou qui même n’ont point encore aperçu les soldats de Josué ; toute cette plaine basse que les Philistins occupent le long de la mer Méditerranée (Josué 12.2 et sq.) ; tous ces peuples orientaux qui haïssent Israël ; tous ces nombreux ennemis auraient dû être pour les tribus israélites une menace continuelle, une continuelle exhortation à se tenir fidèlement attachés à leur Dieu et fortement unies les unes aux autres. Et effectivement, tout alla d’abord assez bien, A l’occasion de l’autel que les tribus d’au-delà du Jourdain bâtissent pour témoigner de leur qualité d’Israélites, le peuple montre un vrai zèle théocratique (Jos. ch. 22). Josué, vers la fin de sa vie, cherche (ch. 23 et 24) à entretenir ces bons sentiments et à étouffer des germes d’idolâtrie qui commençaient à percer (Josué 24.15,23). Le peuple se montre disposé à renouveler son alliance avec l’Éternel… mais nous verrons qu’il n’y demeura fidèle que tant que vécut la génération qui avait vu les grandes choses que l’Éternel avait faites (Josué 24.31 ; Juges 2.7).