L’ordre des successeurs d’Origène dans la direction du Didascalée d’Alexandrie jusqu’au début du ive siècle est probablement le suivant : Héraclas, Denys, Théognoste, Pierius, Pierre.
Il ne paraît pas qu’Héraclas († vers 247-248) ait rien écrit. Son successeur Denys, surnommé le Grand, a été un des personnages les plus influents vers le milieu du iiie siècle, et mérite qu’on s’y arrête un peu. Né vers l’an 190 de parents païens, il se convertit à la suite de ses lectures et de ses réflexions et suivit les leçons d’Origène. En 231-232, il prenait la conduite de l’école et, en 248-249, devenait évêque d’Alexandrie. Dès lors, sa vie ne fut plus qu’une lutte contre la persécution et des difficultés de tout genre. Deux fois arrêté sous Dèce et Valérien, exilé en Libye, puis dans la Maréotis, il revient dans son Église sous Gallien (202), mais pour la voir affligée encore par la guerre, la famine et la peste. Sa mort se place vers 265. Homme de gouvernement et noble caractère, indulgent et entièrement dévoué à son peuple, esprit cultivé d’ailleurs et d’une grande hauteur de vues, Denys a joui, parmi ses contemporains, d’une universelle considération. L’Église d’Orient l’honore comme martyr.
Il avait beaucoup écrit, surtout sous forme de lettres ; mais ses ouvrages se sont mal conservés. Parmi ses travaux de plus longue haleine, Eusèbe mentionne (7.26.2-3) : un écrit Sur la nature, dont l’objet était de réfuter la théorie atomistique de la formation du monde et d’établir la foi chrétienne de la création : Eusèbe en a cité plusieurs grands morceaux (Préparation évangélique, 14.23-27). Puis un écrit (perdu) Sur les tentations, c’est-à-dire sur les épreuves et les persécutions extérieures. Puis un commentaire sur le commencement de l’Ecclésiaste, dont il reste des fragments. A côté de ce commentaire, il faut mettre les deux livres Sur les promesses dont Eusèbe (H. E., 7.24) a longuement parlé. Dans le premier livre, Denys réfutait le millénarisme ; dans le second, il donnait de l’Apocalypse une interprétation mystique et, à la fin, contestait qu’elle fût l’œuvre de saint Jean l’évangéliste. L’ouvrage peut être de 253-257. Puis, entre 257-262, se place l’affaire du sabellianisme égyptien. Denys écrit à divers évêques de la Pentapole des lettres où il laisse échapper des expressions malsonnantes sur l’unité de la Trinité et la divinité du Fils. Il est repris par Denys de Rome, et compose, pour se défendre, quatre livres de Justification et d’Apologie (Ἔλεγχος καὶ ἀπολογία) qui sont connus surtout par saint Athanase (De sententia Dionysii).
Les lettres de Denys ont été nombreuses et le montrent mêlé à tous les grands événements de l’Église de son temps. Eusèbe cite ou mentionne douze lettres relatives au novatianisme ; sept lettres concernant la querelle baptismale entre saint Cyprien et le pape Etienne ; une lettre aux évêques du concile d’Antioche contre Paul de Samosate ; d’autres encore à diverses personnes et notamment plusieurs de ses Lettres festales. Une lettre à l’évêque Basilide a trouvé place dans la collection canonique de l’Église grecque et y a été divisée en quatre canons. Elle traite de la durée du jeûne du carême et de la pureté de corps nécessaire pour la communion.
Le successeur de Denys au Didascalée, Théognoste (264-280), avait écrit des Hypotyposes ou Essais, connus surtout par Photius (Codex 106). C’était, en sept livres, un exposé systématique de toute la dogmatique chrétienne, d’une inspiration sensiblement origéniste. Photius en loue le ton noble et le style simple et pur.
Pierius, qui succéda à Théognoste, fut un prédicateur célèbre sous l’évêque Théonas (282-300). On connaît, par saint Jérôme, Philippe de Side et Photius (Codex 119), les titres et quelques morceaux de quelques-uns de ses discours. Il s’en trouve un Sur la Mère de Dieu (Περὶ τῆς ϑεότόκου), chose assez remarquable pour l’époque. Photius estimait dans Pierius l’originalité des pensées et la facilité d’improvisation.
Avec Pierre, qui devint évêque d’Alexandrie en 300 et mourut martyr en 311, nous trouvons le premier opposant qui se soit nettement déclaré contre Origène dans cette ville. Il reste de lui une ou deux lettres entières et quatorze canons extraits d’une lettre festale écrite en 306. Mais, de plus, il avait composé un ouvrage Sur la divinité (Περὶ τῆς ϑεότητος), cité par le concile d’Éphèse et, contre Origène, deux ouvrages, l’un Sur la non-préexistence des âmes, l’autre Sur la résurrection. On en a quelques fragments.
Après avoir parlé des écrivains successeurs d’Origène au Didascalée, nous en nommerons simplement ici quelques autres d’Alexandrie ou de l’Egypte qui ne remplirent pas les mêmes fonctions, et qui n’ont pas eu, comme écrivains, la même notoriété : le protecteur d’Origène, Ambroise († 248-253), auteur de quelques lettres ; l’évêque Demetrius dont on connaît aussi quelques lettres : l’alexandrin Tryphon, qui avait écrit nombre de traités ou d’opuscules surtout d’exégèse ; un, deux ou peut-être même trois Amnonius auxquels on attribue une Harmonie entre Moïse et Jésus et une synopse évangélique ; Anatolius d’Alexandrie, évêque de Laodicée vers 268, auteur d’un livre Sur la Pâque et d’ouvrages théologiques ; l’évêque d’Arsinoë, Népos, dont Denys d’Alexandrie réfuta les vues millénaristes et le traité Contre les allégoristes ; Philéas, évêque de Thmuis et martyr en 306, dont on a deux lettres ou fragments de lettres ; Hésychius (fin du iiie siècle — début du ive), qui révisa le texte des Septante et des évangiles et que saint Jérôme a fort malmené ; et enfin Hiéracas (vers 300), chef d’une nombreuse communauté de moines des deux sexes à Léontopolis, et le premier auteur ecclésiastique qui ait écrit en copte. Saint Épiphane (Haer. lxvii), par qui uniquement nous le connaissons, mentionne de lui un ouvrage sur l’hexaemeron et de nombreux psaumes nouveaux.