Ces vérités, les hérétiques ne peuvent donc les nier, puisqu’elles sont affirmées et perçues avec tant de clarté ; et pourtant ils dénaturent ce qu’ils voudraient nier, par l’absurde duplicité de leur mauvaise foi. En effet, ils essaient de rapporter à un accord de consentement cette parole : « Moi et le Père, nous sommes un » (Jean 10.30) : il y aurait, selon eux, unité de volonté, et non pas de nature : si le Père et le Fils sont un, c’est par l’identité de leur vouloir, source de leur unité. Et pour appuyer leur dire, ils citent le passage des Actes des Apôtres : « La multitude des croyants n’avait qu’un cœur et qu’une âme » (Actes 4.32). Ainsi, par l’accord d’une même volonté, plusieurs cœurs et plusieurs âmes peuvent devenir l’unité d’un seul cœur et d’une seule âme.
Ils avancent aussi cet autre texte, écrit aux Corinthiens : « Celui qui plante et celui qui arrose ne font qu’un » (1 Corinthiens 3.8) : lorsque deux services ont pour but unique le salut et le progrès du plan divin, se réalise alors une unité de volonté dans les deux personnes qui s’en acquittent.
Ou bien, ils font encore appel à cette prière du Seigneur qui demande à son Père que les nations qui croiront en lui, soient sauvées : « Je ne te prie pas seulement pour eux, mais aussi pour tous ceux qui croiront à la suite de leur témoignage à mon sujet. Que tous soient un, comme Toi, Père, tu es en moi, et moi en Toi, qu’ainsi, eux aussi soient en nous » (Jean 17.20-21). Puisque les hommes ne peuvent se fondre en Dieu, ni se confondre ensemble en une masse unique et indivisible, le fait qu’ils soient un, vient donc d’une unité de volonté qui se réalise lorsque tous accomplissent le bon plaisir de Dieu et sont unis entre eux, sans aucune divergence de sentiments. Ainsi, ce n’est pas la nature qui les rend un, mais la volonté.
Celui qui méconnaît Dieu ne saurait raisonner parfaitement. Et puisque le Christ est Sagesse[9], celui qui ignore le Christ, ou le juge, est nécessairement en dehors de la sagesse. Les voici qui veulent que le Seigneur de gloire[10], le Roi des siècles[11], Dieu, le Fils Unique[12], soit une créature de Dieu et non son Fils ! Ils mentent à en perdre la raison, car c’est perdre la raison que de se complaire à défendre ces mensonges !
[9] Cf. 1 Corinthiens 1.24.
[10] Cf. Matthieu 15.28.
[11] Cf. 1 Timothée 1.17.
[12] Cf. Jean 1.18.
Mais pour le moment, laissons de côté l’explication de cette unité propre à Dieu le Père et à Dieu le Fils ; il nous faut réfuter ces gens à partir des textes mêmes dont ils se servent.
Je te le demande : N’était-ce pas en raison de leur unique foi en Dieu, qu’étaient un ceux qui « n’avaient qu’un cœur et qu’une âme » ? Evidemment, c’est par leur foi, car c’est par elle que tous n’avaient « qu’un cœur et qu’une âme » (Ac 4,32). Et je continue à t’interroger : cette foi est-elle la seule possible, ou il y en a-t-il une autre ? Bien sûr, c’est la seule : l’Apôtre s’en porte garant, lorsqu’il proclame : Une seule foi, comme aussi un seul Seigneur, un seul baptême, une seule espérance et un seul Dieu[13]. Si donc c’est par la foi, c’est-à-dire par la nature d’une foi unique, que tous étaient un, comment alors ne discernes-tu pas l’unité de nature en ceux qui sont un par la nature d’une seule foi ? Tous en effet, étaient « re-nés » à l’innocence, à l’immortalité, à la connaissance de Dieu, à la foi, motif de leur espérance.
[13] Cf. Éphésiens 4.4-6.
Et tout cela, en eux, ne peut être différent, puisque l’espérance est une, puisque Dieu est un, comme le Seigneur est un, comme le baptême qui nous fait renaître est un. Or si tout cela fait qu’ils sont un par consentement plutôt que par nature, attribue alors également une unité de volonté à ceux qui ont été régénérés par ces dons. Mais par contre, s’ils ont été engendrés à nouveau dans la nature d’une même vie et d’une éternité unique, ce qui fait qu’ils ne possèdent « qu’un cœur et qu’une âme », alors qu’on cesse de parler d’une unité de consentement en ceux qui sont un parce qu’engendrés à nouveau dans la même nature.
Nous n’exposons pas ici nos propres pensées et nous ne construisons pas des arguments trompeurs en falsifiant le sens des Ecritures, pour nous jouer des oreilles de ceux qui nous écoutent. Non, nous nous en tenons au cadre d’une saine doctrine[14] : ce que nous comprenons est vrai, et nous le proclamons tel. L’Apôtre nous l’enseigne en effet : cette unité des fidèles tient à la nature des sacrements. Il écrit aux Galates : « Vous tous qui avez été baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ. Il n’y a plus ni Juif, ni Grec, il n’y a plus ni esclave, ni homme libre, il n’y a plus ni homme, ni femme, car vous êtes tous un dans le Christ Jésus » (Galates 3.27-28).
[14] Cf. Tite 1.9.
Les voilà un, malgré une si grande diversité de nations, de conditions et de sexes. Est-ce par un consentement de leur volonté, ou par l’unité que confère le sacrement, par le fait que tous ont reçu un seul baptême et revêtu un seul Christ ? Que vient donc faire ici la « concorde des âmes », puisque ce qui les rend tous un, c’est d’avoir revêtu un seul Christ, dans la nature d’un seul baptême ?
Nos gens s’appuient encore sur ce texte : « Celui qui plante et celui qui arrose ne font qu’un » (1 Corinthiens 3.8). S’ils sont un, n’est-ce pas du fait que, nés de nouveau dans un unique baptême, les Apôtres dont il est ici question, sont l’unique intermédiaire capable d’assurer l’unique baptême qui nous engendre à nouveau ? Leur action n’a-t-elle pas le même but ? Ne sont-ils pas un dans un seul baptême ? Par conséquent, ceux qui sont un par la même réalité, sont aussi un par nature, et non pas seulement par volonté. Car ils sont devenus une même réalité et ministres d’un même rite qui possède la même efficacité[15].
[15] Cf. 1 Corinthiens 3.5. Sur les divers sens du mot natura, voir P. Smulders, La doctrine trinitaire, p. 281-289.
Mais les objections des insensés servent toujours à prouver leur sottise ! Car leur esprit dénué de sagesse, et leur intelligence qui comprend tout de travers, unissent leurs efforts pour se dresser contre la vérité ; mais celle-ci est stable et inébranlable ; aussi le fait que leurs arguments sont contradictoires, prouve assez qu’ils sont faux et ne tiennent pas debout !
Les hérétiques se donnent bien du mal pour tromper les esprits, à l’occasion de ce texte : « Moi et le Père, nous sommes Un » (Jean 10.30). Et pour qu’on ne suppose pas dans ces mots l’unité de la nature et l’identité de la substance divine, pour nous laisser croire que si le Père et le Fils sont Un, c’est par suite de leur amour mutuel et de l’harmonie de leur volonté, ils avancent encore, comme nous l’avons indiqué plus haut, un autre exemple de cette unité, puisé lui aussi dans les paroles du Seigneur : « Que tous soient un ; comme Toi, Père, tu es en moi, et moi en Toi, qu’ils soient, eux aussi, un en nous » (Jn 17,21).
Qui n’a pas foi aux Evangiles n’a pas droit aux promesses faites par l’Evangile, et une interprétation impie est une faute qui ruine une espérance candide. Car ne pas comprendre ce que tu crois mérite moins le pardon qu’une récompense, puisque ce qui accroît la valeur de ta foi, c’est d’espérer ce que tu ne connais pas encore. Mais par contre, c’est le comble du délire impie, de ne pas croire ce que l’on a compris ou de présenter de travers ce qu’il nous faut croire.
La mauvaise foi a beau modifier la teneur du texte d’après ce qu’elle veut en comprendre, il n’en est pas moins vrai que les mots ont un sens ! Le Seigneur prie son Père, il lui demande que ceux qui croiront en lui soient un, et qu’ainsi tous soient un en eux, comme lui-même est dans le Père, et comme le Père est en lui. Pourquoi introduis-tu ici l’idée d’ « unanimité » pourquoi faire intervenir l’« unité d’âme et de cœur », par suite de l’harmonie des volontés ? Car si c’était la volonté qui les faisait un, le Seigneur disposait pour le dire, de termes nombreux et précis. Par exemple, il aurait formulé cette demande : « Père, comme nous n’avons qu’une seule volonté, qu’eux aussi n’aient qu’un seul vouloir, pour que nous soyons tous un, grâce à l’union des cœurs. »
Mais celui qui est la Parole[16], a peut-être ignoré le sens que peut revêtir la parole ? Celui qui est la Vérité[17] a-t-il été incapable de traduire la vérité ? Celui qui est la Sagesse[18], s’est-il égaré à débiter des âneries ? Celui qui est la Puissance, s’est-il vu affligé d’une telle faiblesse qu’il n’a pas réussi à nous dire ce qu’il voulait nous laisser entendre ?
[16] Cf. Jean 1.1.
[17] Cf. Jean 14.6.
[18] 1 Corinthiens 1.24 : « puissance de Dieu et sagesse de Dieu ».
Mais non ! Le Fils nous transmet les mystères vrais et purs auxquels adhère une foi fidèle à l’Evangile. Non seulement il a parlé pour être compris, mais son but est d’édifier notre foi, lorsqu’il déclare : « Que tous soient un : comme Toi, Père, tu es en moi, et moi en Toi, qu’ils soient eux aussi, un en nous ! » (Jean 17.21). Il commence par prier pour ceux dont il avait dit : « Que tous soient un. ». Puis il montre, par l’exemple de l’unité divine, comment doit s’opérer leur unité : « Comme Toi, Père, tu es en moi, et moi en Toi, qu’ils soient eux aussi, un en nous ! » Comme le Père est dans le Fils, et comme le Fils est dans le Père, ainsi tous ont à être un dans le Père et dans le Fils, à l’exemple de cette unité.
Mais d’être un par nature, n’appartient en propre qu’au Père et au Fils, car Dieu ne pourrait naître de Dieu et le Fils, Unique-Engendré, ne saurait venir de l’Innascible, s’il n’existait pas dans la nature d’où il tire son origine. – Ainsi celui qui est engendré existe dans la substance qu’il possède par naissance et le Fils n’a pas une nature autre ou différente de la nature divine d’où il vient. – C’est pourquoi le Seigneur ne laisse à notre foi aucun motif d’en douter, il nous enseigne la nature de cette parfaite unité dans tout le discours qui suit.
On y lit en effet : « Afin que le monde croie que tu m’as envoyé « (Jean 17.21). Le monde devra donc croire que le Fils est envoyé par le Père, du fait que tous ceux qui croiront en lui seront un dans le Père et le Fils. Comment le seront-ils ? Nous allons l’apprendre sans tarder : « Je leur ai donné l’honneur[19] que tu m’as donné » (Jean 17.22). Et maintenant, je t’interroge : L’honneur, est-ce la même chose que la volonté ? La volonté est un mouvement de l’esprit, mais l’honneur est une beauté ou une dignité de nature.
[19] Dans la Vulgate « claritas = gloire » ici : « honor ».
Le Fils a donc donné à tous ceux qui croiraient en lui, l’honneur reçu du Père, et non pas sa volonté ; s’il leur avait donné celle-ci, la foi ne mériterait aucune récompense, puisque nous serions obligés d’avoir la foi, de par cette volonté fichée en nous. Or il nous montre à quoi servira ce don qu’il nous fait de l’honneur reçu de son Père : « Qu’ils soient un, comme nous sommes un ! » L’honneur reçu a donc été donné pour que tous soient un. Ainsi, c’est dans l’honneur que tous sont un, puisque l’honneur donné n’est autre que l’honneur reçu, et s’il a été donné, c’est uniquement pour que tous soient un.
Grâce à cet honneur donné au Fils et accordé aux croyants, tous sont donc un. Dans ce cas, je voudrais bien savoir comment le Fils pourrait avoir un honneur différent de celui du Père, puisque l’honneur que le Fils a reçu, permet à tous les fidèles de partager l’unique honneur du Père ? Ce langage qui traduit notre espérance humaine, pourra peut-être paraître osé, mais il est sûr. Car s’il était téméraire d’espérer ce privilège, il serait impie de ne pas y croire, puisque le garant de notre foi est aussi le garant de notre espérance.
Mais, comme il se doit, nous traiterons ce sujet plus à fond et d’une manière plus développée, à la place qui lui revient[20]. Pour le moment, comprenons par ces quelques mots que notre espérance n’est ni vaine, ni présomptueuse. C’est donc par l’honneur reçu et donné que le Père et le Fils sont un. Ici, je tiens en main ma foi, et je reconnais pourquoi ils sont un. Mais je ne comprends pas encore pourquoi l’honneur donné réalise l’unité de tous.
[20] Cf. Livre XI, chap. 43 et 49.
Mais le Seigneur ne veut laisser planer aucune ombre dans l’esprit des croyants. Il nous enseigne l’effet même que produit l’action de la nature divine en ces termes : « Qu’ils soient un comme nous sommes un, moi en eux, et Toi en moi, pour qu’ils parviennent à l’unité parfaite » (Jean 17.22-23).
J’interroge ceux qui supposent entre le Père et le Fils une unité de volonté : Le Christ est-il en nous, aujourd’hui, selon sa vraie nature, ou bien par l’accord des volontés ? Si vraiment « Le Verbe s’est fait chair » (Jean 1.14), si nous recevons le Verbe fait chair comme un aliment divin, comment ne pas concevoir que le Christ demeure en nous par sa nature ?
En tant qu’homme, il a pris sur lui la nature de notre chair, désormais inséparable de lui-même. Il mêle la nature de sa chair à la nature de son être éternel pour se communiquer à nous dans le sacrement de la chair. Ainsi nous sommes tous un, parce que le Père est dans le Christ, et parce que le Christ est en nous. Par conséquent, celui qui refuse de croire que le Père est dans le Christ par sa nature, doit commencer par avouer qu’il n’est pas lui-même réellement dans le Christ et que le Christ n’est pas en lui, puisque c’est le Père dans le Christ et le Christ en nous, qui font que nous sommes un en eux. Si donc le Christ a vraiment assumé la chair de notre corps, si cet homme, né de Marie, est vraiment le Christ, nous mangeons la chair de son corps dans le sacrement, et par là, nous sommes un, puisque le Père est en lui et que lui est en nous.
Comment faire alors appel à une unité de volonté, si par le sacrement, le caractère propre de la nature divine devient le lien sacré de l’unité parfaite ?
Non, vraiment, ce n’est pas à une pensée humaine ou profane de traduire les merveilles de Dieu ! Et par un enseignement qui torture les mots et n’a peur de rien, la fausse doctrine n’a pas non plus à s’emparer de la pureté des paroles célestes pour les comprendre dans un sens qui leur est étranger et les rend impies. Lisons ce qui est écrit, et comprenons ce nue nous lisons ; nous nous acquitterons alors du devoir d’une foi parfaite.
Ce que nous avançons sur la présence réelle du Christ en nous, ne peut être que folie et impiété si nous ne nous référons pas à ce que nous avons appris de lui. Car il nous le certifie : « Ma chair est vraiment une nourriture, et mon sang est vraiment un breuvage. Qui mange ma chair et boit mon sang, demeure en moi, et je demeure en lui » (Jean 6.56-57). Il n’y a pas lieu de douter qu’il s’agisse bien de sa chair et de son sang ! Car maintenant, d’après l’affirmation du Seigneur en personne, et selon notre foi, c’est vraiment sa chair et c’est vraiment son sang. Et cet aliment que nous recevons, et ce breuvage que nous buvons, font en sorte que nous aussi, nous sommes dans le Christ et que le Christ est en nous. Cela n’est-il pas vrai ? Ceux-là seuls s’insurgeront contre cette vérité, qui prétendront que le Christ Jésus n’est pas vrai Dieu !
Le Christ est donc en nous par sa chair, et nous sommes en lui ; de ce fait, ce que nous sommes est avec lui en Dieu.
Oui, le Seigneur lui-même s’en porte garant : nous sommes en lui par le sacrement de la chair et du sang, qui nous est partagé : « Et maintenant, dit-il, le monde ne me verra plus, mais vous, vous me verrez, parce que je vis et que vous vivrez ; car je suis en mon Père, et vous en moi, et moi en vous » (Jean 14.19-20).
Si le Seigneur avait voulu nous laisser entendre qu’il n’y a entre lui et son Père qu’une unité de volonté, pourquoi aurait-il exposé cette sorte de graduation et d’ordre qui permet d’arriver à l’unité parfaite ? C’est que la foi nous demande de croire que le Fils est dans le Père par sa nature divine, tandis que nous au contraire, nous sommes en lui grâce à sa naissance corporelle. Ainsi nous est enseigné que nous arrivons à l’unité parfaite par l’intermédiaire du Médiateur : il demeure dans le Père alors que nous demeurons en lui, et il demeure en nous, tout en demeurant dans le Père. De cette façon, nous nous élevons à l’unité avec le Père, puisque celui qui est dans le Père par nature, de par sa naissance, demeure lui-même en nous par nature, tandis que nous aussi, nous sommes en lui par nature[21].
[21] L’Eucharistie est le sacrement de l’unité des chrétiens en un seul corps, unité naturelle au dire d’Hilaire, et qui nous oblige à confesser que le Fils a naturellement en lui le Père, parce qu’il vit par le Père (cf. chap. 16). M. Scheeben a développé cet enseignement d’Hilaire, Mystères du christianisme, Paris 1947, p. 494-495.
Oui, le Seigneur se porte également garant que cette unité est en nous une unité de nature : « Qui mange ma chair et boit mon sang, déclare-t-il, demeure en moi, et moi en lui » (Jean 6.57). Personne en effet, ne sera dans le Christ, si le Christ n’est pas en lui : il nous faut manger sa chair, pour qu’il prenne en lui notre chair.
Or il nous avait déjà enseigné plus haut quel était le lien sacré de cette unité parfaite : « Comme le Père qui m’a envoyé, disait-il, est Vivant, moi aussi je vis pour le Père ; ainsi celui qui mange ma chair vivra lui aussi, par moi » (Jean 6.58). Le Fils vit donc par le Père, et de même qu’il vit par le Père, ainsi nous aussi, nous vivons par sa chair. Toute comparaison, en effet, doit fournir une lumière à l’intelligence : de la sorte, d’après l’exemple proposé, nous pouvons saisir de quoi il s’agit.
D’avoir en nous, hommes charnels, le Christ qui demeure en nous par sa chair, est la cause de notre vie. Et nous vivrons par lui dans la condition même qui est la sienne : celle de vivre par le Père. Si donc nous vivons naturellement par lui selon la chair, c’est-à-dire si nous avons acquis la nature de sa chair, comment n’aurait-il pas naturellement en lui le Père selon l’Esprit, puisqu’il vit par le Père ? Il vit par le Père, puisque sa naissance ne lui a pas apporté une nature différente de celle du Père ou étrangère à la sienne, puisque ce qu’il est, il 1 est par lui et n’est pas séparé du Père par je ne sais quelle dissemblance de sa nature. Il possède en lui le Père, par sa naissance, dans toute la force de sa nature divine.
Si nous avons fait état de tout cela, c’est que les hérétiques nous abusent en ne voulant voir entre le Père et le Fils qu’une unité de volonté. Ils se servent pour le prouver de l’exemple de notre unité avec Dieu, comme si nous étions unis au Fils, et par le Fils au Père, uniquement par la soumission et la volonté de les servir, sans bénéficier du caractère particulier que nous apporte la communion de nature, par le sacrement de la chair et du sang.
Aussi nous fallait-il présenter le mystère de notre unité avec Dieu, unité véritable et selon la nature, en parlant de la gloire du Fils qui nous est donnée, de la présence de celui-ci en nous par sa chair, et dire comment nous sommes un en lui, d’une manière corporelle et indiscutable[22].
[22] Hilaire distingue le triple sens du corps du Christ : corps historique, corps mystérique ou sacramentel, corps glorieux.